L’Etape du Tour, trois jours hors du temps

L’Étape du Tour cyclo accueille chaque année des milliers de participants. L’occasion pour eux de participer à une épreuve mythique et très difficile, mais aussi de vivre des moments forts tout autour du week-end de l’épreuve. Nicolas nous fait revivre son expérience.

Par Nico NSO – Photos : DR

Chaque année c’est le même rituel, vers la fin du mois d’Octobre, quand la saison cycliste touche à sa fin et que les vacances de la Toussaint sont en approche, il y a un dernier événement qui met le petit monde du vélo pro et amateur en ébullition. Cet événement c’est la présentation du parcours du Tour de France. Chaque année les comptes twitter et « suiveurs » bien informés tentent de deviner le parcours pour être les premiers à le divulguer. Chaque année la présentation du parcours du Tour c’est aussi l’occasion d’annoncer sur quelle étape se déroulera la cyclosportive « L’Etape du Tour ».

Quand arrive le mois d’octobre, ça fait déjà quelques semaines qu’avec mon pote Rémi on se chauffe pour aller poser les roues sur une épreuve. Lui est un habitué avec plusieurs participations à l’Etape du Tour et à l’Ardéchoise avec notamment des podiums à la clé. De mon côté, j’ai toujours tout fait pour éviter d’aller m’aligner sur ce genre d’événement en trouvant toujours un bon prétexte pour ne pas avoir à aller me confronter la réalité du chronomètre et du classement : trop cher, trop loin, pas assez de temps à cause de la vie de famille, pas assez de temps à cause de la vie professionnelle, c’est pratique les excuses.

Quand Rémi commence à me brancher pour aller sur une cyclo, l’idée me séduit car il maîtrise tout ça très bien, c’est un gage de confiance dans l’organisation et de mon côté, une fois engagé d’un point de vue logistique avec quelqu’un, il ne sera plus question ni possible de se défausser. Rémi c’est ce genre de pote toujours plus beau que vous sur le vélo parce qu’il a la bonne tenue, les bonnes lunettes, le bon maillot, la bonne position mais aussi et surtout il a l’aisance naturelle de ces mecs nés pour pédaler. Accepter de l’accompagner, c’est s’exposer à la comparaison du chrono, mais c’est aussi et surtout l’assurance que la moindre minute d’entraînement et le moindre watt généré seront décortiqués. C’est assez rassurant mais surtout très motivant.

Moi je rêve de La Marmotte et de son terrible parcours en boucle depuis le Bourg d’Oisans. À travers les échanges avec mon acolyte, je sens bien qu’il n’est pas contre mais qu’au fond de lui c’est L’Etape du Tour qu’il veut refaire.

Arrive donc la présentation du Tour. Bingo, l’organisation a décidé de retenir l’étape la plus difficile de tout le programme 2022 : Briançon – L’Alpe d’Huez en passant par le Lautaret, le Galibier, la Croix de Fer et la montée finale vers l’Alpe d’Huez, 170 bornes et plus de 4600 m de dénivelé. Je rêvais de Marmotte, l’Etape du Tour propose le parcours quasi inverse. À peine moins long, presque aussi dur, ça va piquer c’est écrit mais c’est décidé, on s’inscrit.

Ce sont huit longs mois qui vont s’écouler entre l’inscription et le jour J. De longs mois de préparation, de sorties sous la pluie et le froid très souvent avec Fabien, de longues heures sur l’home-trainer à essayer de faire progresser la FTP ou à minima de la maintenir, des enchaînements de bosses pour tenter d’accumuler du dénivelé, quelques cols dans les Vosges chez les amis pour arrondir le coup de pédale et se rendre compte que « quand même, taper 4600 de D+ ça ne va pas être simple » et surtout de très longues sorties seules pour m’accoutumer à ce que je m’apprête à vivre début Juillet : une très très longue journée de vélo. De longs mois au cours desquels je vais lire et relire la reconnaissance du parcours faite par David Polveroni pour le site www.3bikes.fr et visionner encore et encore la reconnaissance filmée par Benjamin de l’équipe de Pédaleur Box. Huit mois c’est long, mais tout passe très vite et les premiers jours du Juillet et donc le grand départ sont arrivés alors que j’ai le sentiment que physiquement il me manque plein de choses pour me présenter sereinement sur la ligne de départ.

Notre organisation est complètement huilée, nous nous retrouvons au Bourg d’Oisans avec Rémi pour laisser une voiture sur place et filons en direction de Briançon pour prendre possession de notre petite location. Je découvre par la même occasion les terribles kilomètres qui ponctuent la fin de la descente du Lautaret en direction du pied de l’Alpe et je repense aux divers comptes rendus de participants à La Marmotte qui recommandent chaudement ne pas être seul pour les affronter. Je repense aussi à mon père qui s’était engagé sur l’épreuve, dans ses premières années d’existence en 1983, avec un vélo équipé d’une roue libre de 5 pignons et un 39×28 en développement maximal. Je l’entends encore me dire « J’avais fait des sorties de 130 km avec toutes les bosses de la Vallée de Chevreuse pour me préparer ». Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire en pensant à sa galère.

Une petite sortie de reconnaissance la veille de l’épreuve. ©DR

Nous récupérons les clés de l’appartement, constatons que nous sommes à quelques coups de pédales des sas de départ. À partir de cet instant, nous rentrons dans une bulle dans laquelle nous penserons et vivrons vélo et ça c’est plutôt cool. Nos seules occupations seront de rouler, mater le tour, nettoyer les spades et accessoirement bouffer des pâtes. Nous partons rouler pour dégourdir les jambes dans le Lautaret. Je m’amuse de voir que des camping cars sont déjà en place dans le col alors que le Tour ne passe que cinq jours plus tard. Le Lautaret est une vraie autoroute, je plains ces pauvres touristes.

La ville est remplie de cyclistes, tout est vélo partout dans toutes les rues. On se sent bien, on se sent chez nous, on se sent dans notre milieu pour notre événement.

La ville est remplie de cyclistes, tout est vélo partout dans toutes les rues. On se sent bien, on se sent chez nous, on se sent dans notre milieu pour notre événement. Nous passons au village départ récupérer les dossards et les instructions pour la course et nous en profitons pour faire un tour du salon et des exposants. On ne découvre pas grand chose, on s’étonne de trouver des plaquettes Shimano Dura-Ace en quantité alors qu’on a galéré à trouver les nôtres, on s’en veut de ne pas avoir profité de la promo pour les pneus Specialized Turbo Cotton, on essaie des maillots chez Gobik, on claque un peu de thune, on flâne quoi. Je m’étonne de croiser des têtes connues alors qu’il y a pas loin de 15 000 participants, je surprends Paul, un jeune couriser de chez nous, au détour d’un stand en train d’échanger avec une de ses connaissances. « Ouah tu sais moi j’arrive ici sans jamais avoir monté un col de ma vie ». Je connais un peu le gus pour le suivre sur Strava, il souffrira comme tout le monde mais je ne m’inquiète pas pour lui. L’Etape du Tour, c’est aussi l’occasion de croiser des cyclistes hyper affûtés, d’autres qui auraient sûrement pu trouver leur place par très loin de l’échelon pro et certains qui semblent avoir commencé le vélo la semaine qui précède. C’est aussi l’occasion de voir chez les participants quasiment tout ce qui se fait de mieux niveau matos, avec Rémi nous ne sommes pas en reste mais nous passons quand même la plupart de notre temps à décortiquer le matos de ceux que nous croisons.

L’Etape du Tour, c’est aussi l’occasion de croiser des cyclistes hyper affûtés, d’autres qui auraient sûrement pu trouver leur place par très loin de l’échelon pro et certains qui semblent avoir commencé le vélo la semaine qui précède.

Dimanche matin arrive bien vite et comme prévu il n’est plus temps de reculer. Grâce à ses performances passées, Rémi partira du sas 1, moi, par un coup de chance improbable je serai dans le sas 3. Excitation oblige, nous sommes prêts bien avant l’heure prévue. Nous descendons vers nos sas, une dernière tape dans le dos simultanée, nous avons chacun rendez-vous avec les Géants des Alpes.

Quelques jours avant le passage des coureurs du Tour, des spectateurs sont déjà en place avec les camping cars. ©DR

Les rues fourmillent de mecs et nanas toutes et tous surexcités, certains un peu à l’arrache, mais globalement tout se passe bien et chacun trouve sa place. Les sas 0, 1 et 2 sont partis, c’est à notre tour de rejoindre la ligne de départ, je range le coupe vent dans la poche, je mets en route le Wahoo, je bois une dernière gorgée, la sono hurle Sultan of Swings de Dire Straits. Ce titre et ce groupe m’ont tellement accompagné pendant mes heures d’home trainer, je vois ça comme un signe du destin. Franchement, je ne vois pas ce qui pourrait mal se passer.

Pour l’épreuve, un petit pense-bête collé sur la potence. ©DR

7h22min30sec, nous partons et ça lance à bloc, j’ai les jambes tétanisées. Je suis bien positionné dans le peloton et je vois des mecs mener le groupe sans se préoccuper de ce qui nous attend, intérieurement je me dis « Soit il sont complètement cons, soit ils sont complètement forts, soit un peu de deux ». Les watts que je vois sur mon compteur m’affolent plus qu’ils ne m’inquiètent et je sens au Monnetier les Bains que ça part sur un rythme très au dessus de ce que j’avais prévu. Je laisse filer le groupe et me cale dans des roues beaucoup plus en adéquation avec mes ambitions du jour. Le Galibier arrive très vite et là nous démarrons la très haute montagne. Je suis très surpris par le silence au milieu de tous ces cyclistes, personne ne parle ou peut-être que tout le monde est déjà un peu à l’agonie. Je suis très surpris de voir autant de public et de gens pour applaudir et faire sonner des cloches sur le bord de la route : ce n’est pas la folie d’une vraie étape du vrai Tour, mais ça fait super plaisir. J’essaie de ne pas trop regarder les watts produits, mais bon malgré tout je regarde de temps en temps. Je suis un peu pris de panique devant la faiblesse relative des chiffres. L’altitude n’explique pas tout, je n’ai pas de super sensations ou plutôt j’ai déjà le sentiment de taper dedans.

On descend le Galibier vers Valloire. Je ne suis pas un grand descendeur, la pente sévère par ce versant et les paquets encore bien consistants font que ma descente est loin d’être parfaite. Peu importe, l’essentiel est de rester sur le vélo. J’essaie malgré tout de profiter un peu du paysage qui est complètement dingue, j’essaie d’apercevoir en vain une pancarte Plan Lachat tant j’en ai entendu parler. Les premiers ravitaillements arrivent c’est aussi le moment de faire un premier bilan de l’état des jambes et de la tête. Je me marre intérieurement en voyant des panneaux Prochaine Zone de rapatriement dans 5 km et je me dis qu’il ne faudrait pas trop me tenter quand même. Dans la vallée de la Maurienne, j’ai le sentiment que la journée est vraiment lancée et je me fais violence pour aller récupérer un imposant groupe qui m’aidera à passer ces kilomètres de transition en faisant le moins d’efforts possible.

La Croix de Fer et son panneau Sommet 29 km se présentent, il commence à faire chaud mais la route nous est complètement réservée, ça nous permet de rouler à l’ombre tout à gauche de la chaussée. Si tout le monde était assez calme et en gestion dans le Galibier, dans le Croix de Fer je me rends compte que certains sont en train de prendre conscience qu’ils commencent à creuser leur tombe. Nous avons tellement décortiqué le profil avec Rémi que je sais exactement comment il faut aborder cette montée, dans l’idéal. Le profil du col sur le Wahoo et le capteur de puissance m’aident aussi à lisser l’effort au maximum. Ca n’avance pas vite, mais ça se passe pas si mal. Je me surprends même à rassurer des mecs qui roulent avec moi en les renseignant sur les replats et la longueur des passages compliqués. Les watts sont toujours à peine digne d’un retour de sortie complètement cramé en vallée de Chevreuse, mais au moins j’en ai fait mon parti. L’arrivée dans Saint Sorlin d’Arves annonce la dernière phase très difficile du col, je le sais. C’est aussi à ce moment que mon corps s’est décidé à me tester et m’a envoyé une sorte de contracture dans la cuisse, petit signal qui m’a obligé à lever encore plus le pied pour finir le col. Un autre épisode du même genre m’aurait presque conduit à reculer, heureusement il n’a jamais eu lieu.

Les derniers kilomètres du col sont incroyables de beauté, c’est à couper le souffle. Aussi incroyable que ça puisse paraître, j’aperçois devant moi Roberto, un pote de la région parisienne. Je sais qu’il a une tendance avérée à la fougue et donc aux départs rapides, quitte à finir dans le dur, il me le confirmera de vive voix avec un « Putain Nico, j’ai repéré l’Alpe hier en caisse, j’ai pleuré. Je ne suis pas prêt ». Contrairement à la descente du Galibier, celle de la Croix de Fer fut un énorme moment d’euphorie, sûrement en partie dû à l’impression que les gros morceaux étaient derrière et que de toute manière pour les autres comme pour moi : l’Alpe ça se ferait au mental et que de ce point de vue-là, je suis armé. Route complètement fermée, bitume neuf, avertisseurs avec sifflets dans presque tous les virages, cette descente et les panoramas offerts vers le Lac du Verney valent à eux seuls les effort consentis pendant toutes ces heures.

Route complètement fermée, bitume neuf, avertisseurs avec sifflets dans presque tous les virages, cette descente et les panoramas offerts vers le Lac du Verney valent à eux seuls les effort consentis pendant toutes ces heures.

La descente de la Croix de Fer apporte beaucoup de plaisir. ©DR

Une nouvelle fois, je me fais violence pour aller chercher un groupe devant moi, bizarrement sur le plat les jambes tournent très bien. Dernier ravito, nous sommes au Bourg d’Oisans, j’ai rendez-vous avec moi-même mais je ne le sais pas encore. Nous arrivons au pied de l’Alpe d’Huez à plusieurs, les premières rampes se dressent devant nous, j’entends un mec derrière dire « Oh putain ». En effet « Oh putain », la dernière fois que j’ai vu autant de cyclistes zigzaguer, c’était dans la Planche des Belles Filles et je n’en garde pas un bon souvenir. J’essaie de maîtriser les choses autant que possible, mais je ne maîtrise rien, je subis. Il n’y a pas une seule zone d’ombre, mon Wahoo m’indique 39 degrés. Plus qu’à n’importe quel autre moment de la journée, je me demande ce que je fous là. Jusqu’à la Garde, je souffre et j’espère que ça se calmera par la suite « Ah ah ah, Pauvre fou ». Rien ne se calme, je vois des mecs allongés sur le bord de la route toute la montée, je vois des mecs qui montent à pied en chaussettes, je vois même des mecs qui montent à pied une manivelle dans la main : si même la mécanique vous lâche dans ce genre de moment. Plus que pendant toute l’étape, personne ne parle, personne n’est plus en mesure de parler. Plus que pendant toute l’étape, la présence des personnes au bord de la route est un réconfort sans prix et les bouteilles d’eau fraiche qu’ils nous déversent sur le corps donneraient presque envie de mettre pied-à-terre. La tentation est trop forte, le risque est trop important. J’essaie de détacher mon esprit de ce que je suis, comme mes collègues, en train de subir. Je pense à mon pote Jool qui doit être en train de faire le barbeuc chez JD et qui peut-être me suis sur le LiveTracking, je pense à Caro, Thom, Paul et Arthur qui m’ont accueilli dans les Vosges, je pense à mes filles et à leurs messages me demandant « d’aller gagner », je pense à ma femme qui a elle aussi subi cette préparation à la con une bonne partie de l’année. Je regarde les noms associés à chaque virage mais je n’ose pas regarder le ridicule niveau de watts que je sors. J’ai la douce impression que mon cerveau a passé un deal avec le reste de mon corps : il fournit le niveau minimum requis d’énergie permettant à mes jambes de me porter au sommet, le reste étant dévolu au maintien de mes fonctions vitales.

J’ai la douce impression que mon cerveau a passé un deal avec le reste de mon corps : il fournit le niveau minimum requis d’énergie permettant à mes jambes de me porter au sommet, le reste étant dévolu au maintien de mes fonctions vitales.

Les premiers chalets de l’Alpe d’Huez arrivent enfin, j’ai souvenir que les pros repassent le plateau. Cette idée complètement débile m’a traversé l’esprit lorsque je rêvais de cette étape du tour, sur le moment présent je suis incapable de changer de braquet et bien scotché sur le 36 dents et pas beaucoup moins à l’arrière. Nous avons nous aussi droit à notre flamme rouge et à notre dernier kilomètre, je reconnais ou crois reconnaître la virage où Lemond a fait un dérapage en 90, j’essaie de ne pas me casser la gueule, ce serait trop con. J’entends un « Allez Nico » venant de la foule, je tourne la tête et j’aperçois Rémi, je lève la main en mode « Mate comme je gère, Man ».

Remi a bien terminé l’épreuve. ©DR

La ligne est franchie, je sens qu’on me pousse pour que je dégage, on me fout une médaille de finisher autour du cou. Je crois que je ne suis pas loin de dégueuler et/ou de m’évanouir. Je tente un selfie, telle une instragameuse à la con pour foutre sur mon strava. J’ai tellement une sale gueule, je fais peur à voir, je ne la publierai pas. Je passe par toutes les émotions, je suis content, je suis fier, je suis déçu, je suis triste, je chiale en pensant à mon père et son 39×28 qui aurait dû être là.

Un moment qui dure une éternité m’est nécessaire pour que je retrouve mes idées et que je retrouve mes potes. Ils sont là, frais comme s’ils avaient à peine pédalé. Ils ont fait un temps canon, je me dis « les bâtards ». La jeunesse n’explique pas tout. Ils me traînent vers la pasta party qui me permettra de remettre définitivement mes idées en place. Nous ne sommes qu’à la moitié de l’après-midi et des concurrents arriveront jusqu’à tard ce soir. Il est temps pour nous de filer à la bagnole en passant par le Col de Sarenne et sa terrible descente que je ferai intégralement sur les freins pour ne pas me foutre au tas. On charge la caisse, il est temps de rentrer au bercail. Je me sens dans un état quasi second, je n’ai pas la force de parler, je me contente d’écouter Rémi et Antoine. Ça me suffit largement, je ne sais plus vraiment où je suis. Je prends connaissance de tous les SMS reçus de la famille et des potes pendant la journée, ça me remplit de joie qu’ils se soient pris au jeu de l’épreuve en me suivant grâce au tracker. Nous nous attendons à avoir de la circulation pour regagner Briançon, il n’en sera rien.

Retour à la Loc, une douche, on range le bordel et il est temps pour Rémi de rentrer vers Aix. « Fais gaffe sur la route, un p’tit SMS quand t’arrives ? ». J’ai l’impression d’être sa daronne. Je me retrouve tout seul dans la petite location calme de Briançon, l’impression est aussi étrange que désagréable. Je pars en ville pour manger un truc, il n’y a plus personne, le soufflet est retombé. Je me sens comme un mec encore un peu bourré à 6 du mat’ en boite de nuit qui ne se rendrait pas compte qu’il n’y a plus personne sur le dancefloor et que le DJ a coupé la musique. Je voudrais que tout redevienne comme la veille et l’avant veille. Je croise quelques gars qui ont fait l’épreuve, on se fait des signes de tête comme le font les chauffeurs de bus RATP qui saluent les collègues pendant le service. On se reconnaît à nos coups de soleil monstrueux, à nos jambes rasées et à nos t-shirt qui sont la plupart du temps en liaison avec le milieu du vélo.

Au resto, les tables sont assez vides. Je n’ai qu’une idée, me remplir d’un truc consistant, le plus possible :
Bonjour Monsieur, qu’est ce que vous prendrez ? 
Bonjour, une croûte Briançonnaise, je crois que j’ai besoin de ça.
Ah Ah Ah, vous avez fait l’Etape vous ? 
Moi à mi-chemin entre le fierté et la gêne : « Oui.. ça se voit tant que ça ? » elle se marre en mâtant mes coups de soleil de camionneur.
Mais vous avez réussi à aller au bout ?
Moi plus du tout gêné et particulièrement fier : « Oui, oui sans problème« .
Allez je vous amène ça, vous allez voir ça requinque.
Je vous confirme, le pain de campagne imbibé au vin blanc, jambon blanc truffé, raclette, œuf, le tout servi avec une salade verte qu’on appelle La Croûte Briançonnaise, ça requinque.

Une dernière nuit à Briançon complètement exténué, les rangements de sac, un coup de ménage et il est temps d’enquiller les sept heures de route me ramenant au bercail. Je croise des paquets de cyclistes qui font le trajet Alpe d’Huez – Briançon pour aller récupérer la bagnole. Je ne sais pas si je les envie ou si je les plains, ça doit être un bon mix des deux. Je refais la journée dans la tête. J’ai été globalement conforme à mes prévisions, mais je me dis qu’il y avait mieux à faire, pas beaucoup mieux mais un peu mieux. En attendant, bientôt ce seront les vacances d’été et puis rapidement sans s’en rendre compte on attendra le mois d’Octobre pour le traditionnel rituel annuel et la présentation du Tour 2023.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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