En cumulant confort, stabilité et rendement, le Cervélo Caledonia-5 répond à cette nouvelle pratique du cyclisme où la performance pure et chronométrique n’est pas la première des priorités. Il n’en reste pas moins un vélo de course qui a fait ses preuves, notamment chez les pros sur les classiques printanières pavées, mais dont la finalité reste avant tout la polyvalence et la durabilité. Pour le plaisir et l’aventure.
Par Pierre-Maxime Branche – Photos : 3bikes et Cervélo
Le Cervélo Caledonia-5 est un vélo typé endurance, mais il conserve des lignes sportives.
Lors du prochain Tour de France, dont le grand départ a lieu dans une semaine, vendredi 1er juillet depuis Copenhague au Danemark, vous n’aurez que très peu d’occasions de l’apercevoir. Certainement une seule, mercredi 6 juillet sur la 5e étape, entre Lille Métropole et Arenberg Porte du Hainaut. Sur ce parcours de 153 km au profil plat, les organisateurs ont eu la bonne idée de glisser 11 secteurs pavés dans les 70 derniers kilomètres. C’est là, sur les routes empruntées à l’Enfer du Nord, que le Caledonia-5 pourrait démontrer, sous les coups de boutoir du Belge Wout van Aert (pour ne citer que lui), sa raison d’être et d’exister dans la gamme du constructeur canadien.
Sur l’anneau de Roubaix, le Caledonia-5 a d’ailleurs pris la 2e place en avril dernier. Roubaix, et de manière plus générale les classiques pavées et les épreuves de type Strade Bianche, font partie de son terrain de prédilection. Le reste de la saison, les coureurs de la Jumbo-Visma, seule formation World Tour équipée par Cervélo, lui préfèrent le S5 pour ses propriétés aérodynamiques ou le R5 pour la montagne.
Le Caledonia est le modèle équilibré, confortable et endurant de la gamme qui permet à la marque canadienne de répondre à cette nouvelle façon de consommer le vélo et à ces nouveaux pratiquants : des mecs qui ne pensent pas que compétition, qui aiment les longues distances, pouvoir emprunter quelques segments poussiéreux voire caillouteux tout en ayant quelques sensations quand ils font parler les watts ou qu’il faut vite rentrer. Si vous êtes un sprinter aux gros cuisseaux qui cherche les pancartes, passez votre tour ; si vous êtes un grimpeur aux quadriceps fuselés qui vise les sommets, également. Le Caledonia-5 n’est pas l’arme ultime de sprinteurs ou grimpeurs revendiqués.
Chacun sa route, chacun son chemin
Il n’est pas pour autant dépourvu d’ambition(s), mais il s’adapte à la façon de rouler de chacun. « Passe le message à ton voisin », entonnerait Tonton David. C’est un vélo pour les sorties qui commencent au café du coin (comme en Italie), puis se lancent sur les voies cyclables pour sortir des zones urbaines (comme à Strasbourg), qui sillonnent les parcours aux rubans instables (comme dans le massif de l’Estérel), prennent la petite route qui mène au pied de la montagne (comme dans les coteaux pyrénéens avant un Soulor, par exemple) pour ensuite rentrer d’une traite par une descente rapide avec vue imprenable (comme dans la Vanoise). C’est comme ça que Cervélo a conçu ce cadre et ce modèle : en essayant de rassembler les technologies de rigidité du S5, de rentrer des gros pneus sur un R5 et d’alléger un Aspéro dédié au gravel. Rien de lisse, rien de droit, tout un programme ! Et son nom n’en est que la confirmation, puisque « Caledonia Road » se réfère au nom de la rue de Toronto par laquelle les employés Cervélo rentrent de leur sortie hebdomadaire et s’adonnent à un sprint final enthousiaste. Une avenue dont la chaussée est détériorée, parsemée de trous et fissures piégeuses.
Géométrie endurance
Le Caledonia-5 est proposé dans un rangement classique de six tailles, de 48 à 61. La géométrie est orientée vers l’endurance, mais il garde cependant des lignes sportives avec des tubes de forme aérodynamique, très travaillés, et aux épaisseurs toutes différentes. Le tube diagonal est surdimensionné tout comme le boitier de pédalier. Les bases et les fourreaux de la fourche sont épais alors que les haubans sont fins et abaissés. Ils viennent se raccorder assez bas sur le tube de selle pour jouer pleinement leur rôle de filtration des aspérités et secousses.
Le confort général du cadre est apporté par un travail soigneux et calculé de positionnement et d’épaisseur des fibres de carbone selon les endroits stratégiques et besoins en termes de contorsion. Et seulement. Cervélo n’a en effet pas souhaité ajouter de technologies superflues ou d’accessoires – type élastomères – et s’est uniquement basé sur son savoir-faire en ingénierie. C’est le catalogue maison de formes de tube, tiré de sa longue expérience sur route comme en triathlon, qui fait les attributs de chacun des cadres Cervélo et, ici, du Caledonia-5. Quand on le regarde de plus près, on remarque d’ailleurs qu’aucun tube ne se ressemble. Tous bénéficient d’un design personnalisé, comme le tube supérieur, plat sur le dessus et arrondi en-dessous. L’objectif : trouver le compromis entre stabilité (avec un boîtier de pédalier baissé et une distance boîtier-axe de roue arrière augmentée), confort et performance, dans cet ordre-là. Autres exemples, les bases de 415 mm, un BB drop de 74 mm et un angle de tube de direction égale à 72° (des tailles 54 à 61, 71,5° en 51 et 70,5° en 48). Sur la balance, le cadre affiche 936 grammes et la fourche 370 grammes.
Intégration et modernité généralisées
Autour du cadre, rien ne dépasse, du cockpit au dérailleur arrière. Le Caledonia-5, dans cette version test en Sram Rival eTap AXS, est totalement épuré avec une intégration complète, notamment des câbles, gaines et durites des freins à disque dans le poste de pilotage. Par souci de facilité d’entretien et donc de confort d’usage, celui-ci dispose d’un pivot de fourche en forme de « D » avec des bagues uniques pour accéder aux durites et câbles si besoin. Il est équipé d’entretoises spécifiques intégrées qui permettent de ne pas avoir à tout déconnecter pour régler la hauteur de la potence et facilitent l’adaptation du Stack en position « agressive ou détente » (de 580 à 687 mm) selon votre forme ou le type d’épreuve.
La patte de dérailleur avant boulonnée est fabriquée dans un alliage d’aluminium haute résistance et se fixe au cadre à l’aide de deux vis à tête fraisée. La remplacer est facile en cas de dommage, tout comme la retirer complètement pour l’installation d’un système monoplateau.
Le passage des pneus accepte des sections jusqu’à 34 mm (31 mm dans le cas de l’utilisation de gardes boues, puisque le Caledonia dispose de petites attaches dissimulées).
Le Caledonia-5 (version carbone haut de gamme par rapport au Caledonia) est proposé en cinq déclinaisons (Dura Ace à partir de 10 999€, Red eTap AXS à partir de 10 499€, Force eTap AXS à partir de 7 599€, Ultegra Di2 à partir de 7 299€ et Rival eTap AXS à partir de 5 399€, notre version d’essai) et deux coloris (noir ou oasis). Un kit cadre est présent au catalogue au prix d’entrée de 4 299€.
Sur la route
Le Cervélo Caledonia-5 est d’une grande polyvalence. S’il n’est utilisé chez les pros que pour les classiques pavées, Paris-Roubaix en tête, il est pour les cyclistes et triathlètes amateurs, un modèle passe-partout, pour rouler toute la saison et dans toutes les conditions. Le confort est l’objectif premier, mais il n’en demeure pas moins un vélo de course avec des qualités certaines sur tous les terrains.
Visuellement, la géométrie allie classicisme et modernité. Elle se distingue par exemple totalement de l’emblématique S5 que l’on devine, rien qu’à l’œil, exigeant en termes de rigidité et donc finalement de forme physique. En cela, le Caledonia-5 est rassurant. C’est aussi la première impression qu’il laisse sur la route : c’est un cadre tolérant qui accepte les débuts de saison difficiles, les formes fluctuantes ou les défaillances pour vous ramener à la maison sans sourciller. En gros, il inspire confiance et le confort ressenti au roulage pousse à dépasser ses limites, que ce soit sur le nombre de kilomètres, sur les routes empruntées ou sur le profil des sorties. De ce côté-là, le pari est donc réussi pour la marque canadienne puisqu’elle a conçu ce vélo pour répondre à ces nouvelles consommations et pratiques du cyclisme où le pur coursier se fait de plus en plus rare au profit de l’aventurier, sur bitume comme sur chemin.
Nous avons donc apprécié le confort du cadre, à moyenne comme à haute vitesse, sur le plat comme en descente, bien aidé par les larges Tubuless Rubino Pro de 30 mm de section qui apportent eux-aussi beaucoup de confiance, notamment sur les prises d’angle, et de bien-être sur la route. La filtration des vibrations est efficace sur l’arrière du vélo et très bonne sur l’avant. On sent tout le travail d’absorption du triangle arrière et surtout des haubans sur les portions de routes abîmées. Cela « tape » légèrement plus sur l’avant, avec la prise en main du cintre profilé, sur sa partie haute en aile d’avion.
Le Caledonia-5 est un cadre équilibré qui répond aux changements de rythme… mais à son rythme ! Tout est fluide et smooth. Il aime les accélérations progressives plutôt que les démarrages brutaux. On ressent une rigidité volontairement limitée pour ne pas casser le cycliste sur la durée, mais au contraire pour le pousser à aller encore plus loin. Il faut se rappeler l’essence de ce vélo : l’idée est de rallier Roubaix. Ce n’est pas de gagner au sommet du Stelvio ou de remporter le premier sprint massif sur le Tour. Cette rigidité contenue n’empêche pas de mettre ponctuellement de l’intensité sur le plat comme en montée car il tient sa promesse de cadre carbone conçu avec des fibres HM. Son poids de 935 g n’est pas le plus léger du marché, mais il ne se ressent pas comme une limite.
Lors de notre essai, le véritable frein à la pleine expression du Caledonia-5 a été son train roulant. Avec les DT Swiss E1800 32 Spline Tubeless Ready (aluminium) qui sont de série avec le montage Sram Rival eTap AXS, il est difficile de pousser le cadre dans ses retranchements, comme c’est le cas par exemple en relance. Même en gardant un peu de vitesse, ces roues ne sont pas son premier atout et cela se vérifie en descente, en sortie d’épingle. Une fois lancé, et dans la mesure où l’on ne se trouve pas en présence d’un cadre pur performance, le Caledonia-5 fait le job, mais cela est plus dû aux qualités du cadre qu’à celles des roues, qui ne retransmettent pas toute l’énergie déployée au pédalage. C’est encore plus flagrant dans les faux-plats et courtes côtes quand il faut faire parler les watts. Le vélo manque de peps et de réactivité. C’est quelque part dommage, mais c’est aussi ce qui permet de limiter la facture autour de 5 000€. Pas mal, quand on connaît l’envolée des prix des cycles ! Une seconde paire de roues, plus aérodynamique et réactive, sera la bienvenue si vous souhaitez pousser le côté performance ou être au départ d’un granfondo dans l’idée de jouer le classement.
Au fil des kilomètres, le Cervélo Caledonia-5 laisse une impression de facilité et maniabilité. Dans notre version d’essai, il est soutenu par le très agréable groupe Sram Rival eTap AXS évoqué plus haut. La transmission électronique sans fil 12 vitesses de l’équipementier américain ne fait l’objet d’aucun reproche, que l’on parle des changements de rapports comme du freinage, à la fois mordant et silencieux.
Pour coller à la philosophie du vélo, la plage de développements est extrêmement large avec un double plateau 48×35 devant et une cassette 10-36 derrière. Autant dire que vous pouvez affronter toutes les routes. Les manettes s’inscrivent dans le confort général du vélo avec une préhension agréable et large.
Le Caledonia-5 Rival eTap AXS aime les longues séances en endurance ou rythmées où il privilégiera votre durabilité sur la selle. Il fait preuve d’un grand confort, d’une excellente stabilité dans les descentes. La direction est réactive, franche et précise dans les enchaînements de virages. On corrige facilement ses trajectoires. C’est plaisant, rassurant et cela donne envie de se faire plaisir dans les courbes d’autant plus avec cette large section pneumatique. De par ses caractéristiques et équipements, il marque forcément le pas dans les ascensions. Un désavantage sauf si vous voulez les passer « à la cool », sans taper dans le moteur. Pour le dynamiser, il suffit d’opter pour des roues plus hautes et réactives et de réduire un peu la section des pneus pour s’offrir une nouvelle plage d’expression. Enfin, tel qu’il est monté, vous pouvez aussi vous essayer, sans crainte, sur des segments gravel « propres ». D’aventure en aventure.
Le CERVÉLO CALEDONIA-5 en bref… Note :***** Les + : stabilité, confort, transmission et coloris oasis CADRE : Cervélo Caledonia carbone – FOURCHE : Cervélo Caledonia carbone – ROUES : DT Swiss E1800 32 Spline Tubeless Ready – PNEUMATIQUES : Vittoria Rubino Pro TLR G2.0 30c – PÉDALIER : Sram Rival AXS 48×35 – CASSETTE : Sram Rival 12s 10×36 – DÉRAILLEURS : Sram Rival eTap AXS 12v – FREINS : Sram CenterLine 160 mm – LEVIERS : Sram Rival eTap AXS 12v – Cockpit : Cervélo HB13 Carbone – TIGE DE SELLE : Cervélo SP24 Carbone – SELLE : Prologo Dimension STN – NOMBRE DE TAILLES : 6 (48, 51, 54, 56, 58 et 61) – COLORIS : 2 (noir ou oasis) – POIDS : nc – PRIX : 5 399€ Contact : www.cervelo.com |
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