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Imaginez : vous pédalez sur une route sinueuse, le vent dans les cheveux (ou sous le casque, soyons réalistes), et votre vélo semble flotter comme un fantôme silencieux. Pas de cliquetis suspects, pas de chaîne qui danse la salsa entre deux plateaux. Bienvenue dans mon monde mono-plateau, où j’ai troqué la complexité d’une transmission double pour la simplicité zen du SRAM Force AXS en testant sa version avec une seule couronne à l’avant. Après deux mois d’entrainement hivernal, de bitume plat sous les rafales de vent et de côtes rêches, je vous livre mon verdict : c’est une révolution… ou presque !
Par Guillaume Judas – Photos : ©3bikes.fr
Commençons par les bonnes nouvelles, parce que, avouons-le, dans le cyclisme, on préfère parler de gains plutôt que de souffrances (ça, on le garde pour les montées à 12 %). D’abord, le poids : 210 g en moins ! Oui, vous avez bien lu. En enlevant le second plateau et son dérailleur avant, mon vélo s’est allégé comme un coureur pro après une cure de détox. C’est l’équivalent de deux barres énergétiques en moins dans vos poches. Ou, pour les plus gourmands, d’un croissant entier. Ça ne change pas une vie, mais ça change un vélo. Et l’ego du cycliste, ce muscle très particulier toujours prompt à s’enflammer pour un gain de masse comparable à une demi-tablette de chocolat.
Ce gain de poids avec le mono est tout de même à relativiser : il dépend du groupe (il y a moins à gagner avec un groupe haut de gamme qu’avec un entrée de gamme car le dérailleur avant est moins lourd) et du choix de la cassette derrière pour compenser. Car une cassette avec beaucoup de dents, c’est plus lourd.

Mais le vrai coup de maître, c’est le rendement. Avec une ligne de chaîne recentrée pile au milieu de la cassette, les frottements inutiles et les pertes d’énergie sont fortement limités. C’est comme si votre pédalage avait été recalibré par un ingénieur suisse : plus fluide, plus efficace. Le bruit aussi a presque disparu. Beaucoup moins de ce clac-clac agaçant qui vous fait passer pour un mécano débutant. Le groupe SRAM Force AXS en mono ronronne comme un chat repu, laissant place au seul son des pneus qui mordent l’asphalte. Et j’ai constaté la même chose sur un groupe Rival AXS monté sur un vélo de test. J’aime bien.
Plus épuré, plus de facilité
Ajoutez à ça un gain aérodynamique théorique (impossible à mesurer sans une soufflerie, mais dans le cyclisme, on croit aux miracles invisibles). Moins de pièces qui dépassent, c’est moins de résistance au vent, et potentiellement quelques watts économisés pour la dernière bosse.
L’entretien aussi passe pour un jeu d’enfant. Plus de dérailleur avant à régler, moins de saleté qui s’accumule dans les recoins. La chaîne reste propre plus longtemps, comme si elle avait pris un abonnement à l’Éléphant bleu. Et esthétiquement, c’est du pur minimalisme même si c’est d’abord une question de point de vue. Le vélo ressemble à une œuvre d’art contemporain : épuré, élégant, sans ces excroissances inutiles qui font ressembler les transmissions doubles à un sapin de Noël mal décoré.
12 pignons vraiment utilisés
Mais le tout premier avantage que j’y voie, c’est l’utilisation optimale de la cassette. Sur une sortie classique de 80 km en plaine avec un dénivelé raisonnable de 600 à 700 m, je peux exploiter quasiment tous les pignons d’une cassette 12 vitesses bien étagée. Contrairement au double plateau, où certains pignons prennent la poussière éternelle (vous savez, ceux conçus pour la « polyvalence » mais jamais touchés, comme ce costume trop chic au fond de votre armoire), ici, tout sert.
Bon, pas souvent le pignon de 10 avec mon mono-plateau de 50, j’avoue. Un braquet de 50/10, c’est la même chose que 55/11 pour ceux qui n’ont pas encore les équivalences en tête. C’est énorme, et sans doute que le plateau de 48 serait plus adapté à mon niveau (vieillissant). Mais rien à faire : je préfère les sensations de pédalage avec un « gros » plateau, et plus de dents en contact avec la chaîne. Donc je ne regrette pas mon choix. Et ça reste économique, logique, tout en donnant l’impression d’être un cycliste efficient, pas un gaspilleur de dents.
Une cassette à choisir avec prudence
Bien sûr, rien n’est parfait dans ce bas monde cycliste, où même le carbone le plus high-tech peut craquer sous la pression. Parmi les inconvénients, il y a d’abord la plage de développements limitée. Avec une cassette 12 vitesses optimisée pour la plaine ou les faux plats, vous vous retrouvez vite à court de braquet quand les pentes se corsent. Pas idéal pour une escapade improvisée en montagne, à moins d’aimer pousser le vélo en dansant la valse avec vos cuisses en feu.
Du coup, j’ai dû m’équiper de trois cassettes et même de deux chaînes de longueurs différentes (parce que, oui, changer de cassette implique d’ajuster la chaîne, sinon le dérailleur arrière fait le grand écart forcé). Je prends la 10-28 pour les sorties engagées, où j’adore cruiser sur les pignons de 15, 16, 17 sans trous pour heurter ma cadence de métronome usée par 40 ans d’habitudes cyclistes. La 10-30 est un peu plus raisonnable pour grimper les quelques côtes autour de chez moi qui font 15 % sur quelques centaines de mètres, et que de toute façon je ne prends jamais par plaisir. Mais je perds le pignon de 16, celui que j’adore. Le 50/30, c’est l’équivalent d’un 40/24. Sur mon autre vélo et ma transmission Shimano en 2×12 vitesses, il me reste à ce moment-là deux pignons supplémentaires derrière. C’est costaud, mais ça passe. Enfin, la 10-36 me permet d’avoir à peu près la même plage de développements qu’en 54-40 et 11-30 en Shimano. Mais attention aux trous entre les pignons. On passe déjà du 13 au 15, puis du 15 au 17. Donc ce n’est pas top pour qui veut rouler vite sur le plat.
Mais pour info, Jonas Vingegaard a gagné la dernière Vuelta en roulant 16 étapes sur 21 en mono, avec la cassette 10-36. Les trous dans la gamme de développements ne semblent pas le gêner, tout comme ils ne gênent pas trop les néo-pratiquants. Une question de génération, sans doute. Le Danois a quand même repris le double pour les 5 étapes avec le plus de dénivelé. Parce qu’une cassette 12 vitesses et deux plateaux, ça fait en général 15 rapports différents, et qui ne se chevauchent pas. Rien à faire : c’est plus polyvalent. Même avec le mono et 13 vitesses comme chez SRAM en transmission gravel ou chez Campagnolo avec la nouvelle version de son groupe 13, le compte n’y est pas encore tout à fait.
En gros, le mono-plateau vous force à anticiper. À vous demander où vous allez mettre vos roues sur la sortie prévue. Il est donc impératif de bien choisir votre configuration avant de partir, à moins de le regretter amèrement en roulant. C’est comme partir en randonnée avec des tongs : c’est amusant, mais pas toujours adapté.
Pas la solution parfaite
Au final, j’ai adoré cette expérience. Le SRAM Force AXS en mono m’a converti au minimalisme roulant. C’est propre, épuré, presque philosophique. Je me demande même si je ne vais pas adopter définitivement ce type de transmission, histoire de simplifier ma vie de cycliste et de me concentrer sur l’essentiel : pédaler et profiter. Mais attention, ça reste un compromis. Dans un monde où les terrains varient plus vite que les modes, il faudra toujours jongler avec les options. Après tout, le cyclisme, c’est comme la vie : plus léger, c’est bien, mais parfois, un peu plus de polyvalence évite les regrets en haut du col.
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