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L’Orbea Terra Race fait partie de ces vélos de gravel récents qui assument pleinement leur vocation performance. Construit autour d’un cadre en carbone OMX, le haut de gamme de la marque basque, et équipé ici d’une transmission électronique SRAM Rival AXS XPLR et de roues Oquo en carbone de 50 mm de profil, il promet une expérience proche du vélo de route, avec plus d’espace pour les pneus et une géométrie capable d’encaisser les terrains cassants. Sur le papier, l’équation est séduisante. Mais voyons ce que vaut ce vélo de nouvelle génération sur le terrain d’une pratique intensive.
Par Guillaume Judas – Photos : ©3bikes.fr
Le marché du gravel a profondément évolué ces dernières années. D’un côté, on trouve des vélos pensés pour l’aventure et le voyage, capables d’absorber des heures de pistes cahoteuses avec bagages et accessoires. De l’autre, s’affirme une tendance course, inspirée du cyclo-cross et de la route, et surtout d’un format de compétition sous le label UCI qui s’affine au fil des années, et qui privilégie la vitesse, le rendement et la légèreté. L’Orbea Terra Race se situe clairement dans cette seconde catégorie, et c’est pour cette raison que nous étions impatients de pouvoir le tester.
Un vélo pensé pour aller droit et vite
Là où certains cadres adoptent des orientations plus polyvalentes, l’Orbea Terra Race revendique une approche offensive : tubes profilés, intégration soignée, rigidité structurelle assumée, jantes aérodynamiques, poste de pilotage étroit et très bas, et position relativement allongée. On pense spontanément à une comparaison avec des vélos comme le Cervélo Áspero ou le Factor Ostro Gravel dans leurs versions les plus sportives. Avec ce vélo, Orbea a choisi de parler à un public précis : les pratiquants qui veulent un gravel rapide, taillé pour les courses, les sorties dynamiques entre amis et les parcours roulants ou mixtes. Ça tombe bien, je suis dans la cible, ou du moins je m’identifie comme tel. Ce choix est cohérent, mais il implique forcément quelques concessions pour celles et ceux qui cherchent davantage de souplesse, de confort ou de facilité d’usage.



Annoncé à 910 g, le cadre en carbone OMX est la signature technologique haut de gamme d’Orbea. Il ne s’agit pas seulement de l’utilisation de fibres de carbone d’une certaine catégorie, mais de tout un processus de fabrication conçu pour optimiser la rigidité et le faible poids, autrement dit le haut rendement. Associé à une fourche carbone de même facture, le cadre de l’Orbea Terra Race forme un ensemble clairement élaboré pour transmettre la puissance de l’utilisateur sans dispersion.
Construction et intégration : du pur Orbea
Avec une silhouette visuellement assez proche du vélo de route léger de la marque – le célèbre Orca – le Terra Race en reprend également l’intégration très épurée des durites de frein, qui cheminent entièrement dans le poste de pilotage et le cadre pour un aspect parfaitement aérodynamique. Dans le même esprit, le cadre bénéficie d’un serrage de tige de selle interne et de haubans arrière profilés. Le triangle arrière, en général, est prévu pour absorber (un peu) les vibrations, mais surtout pour que la roue reste collée au sol afin de favoriser la motricité sur les surfaces irrégulières. La patte de dérailleur est du type UDH, ce qui signifie que le cadre, en plus de gagner en rigidité à ce niveau-là pour la précision des changements de vitesse, pourrait être compatible avec une cassette dotée d’encore plus de pignons.


Seule entorse au rendement optimal face au vent : la largeur des pneus, permise sur le papier jusqu’à 45 mm de section, même si sur le vélo de test les pneus de 40 (mesurés à 42 mm) passent « juste » avec un peu de boue, de sable ou de feuilles mortes collées sur la bande de roulement.

La géométrie de l’Orbea Terra Race reprend les codes du gravel sportif en 2025-2026 : un reach relativement allongé, un poste de pilotage qui invite à s’engager et une nervosité perceptible dans les relances. Le guidon, justement, est symptomatique de cette nouvelle tendance qui consiste à s’éloigner des cintres élargis et évasés des vélos de gravel destinés à la découverte. Ici, le cintre intégré profilé route est étroit, avec une largeur de 38 cm axe/axe au niveau des cocottes (et 40 en bas) et une ergonomie qui favorise une position en appui sur les avant-bras. Inutile de préciser qu’avec cette machine, il est presque inconcevable de rouler avec des pédales de VTT. On chausse les chaussures de route ultra-rigides en carbone, et on serre les fesses pour ne pas avoir à mettre le pied à terre en plein bourbier ou au milieu d’un pierrier.
Le juste prix
L’Orbea Terra Race M31 ELTD testé ici est équipé du groupe SRAM Rival AXS XPLR en mono-plateau et 13 vitesses. Une transmission électronique fluide et logique dans sa gestion des rapports, associée à un freinage de très haute qualité, quelles que soient les conditions, et qui n’a rien à envier aux versions plus haut de gamme Red et Force AXS. Le plateau unique de 40 dents s’accompagne d’une cassette de 10 à 46 dents, pensée pour offrir suffisamment de développements aussi bien sur les portions rapides que sur les plus rudes.
Mais honnêtement, je ne trouve pas le choix d’un plateau de 40 très judicieux sur un vélo dédié à la compétition, même en gravel. Avec un 44 ou un 46 dents, les sensations d’enroulement seraient meilleures, et on utiliserait plus fréquemment les plus grands pignons, qui offrent là aussi un meilleur rendement. C’est d’autant plus dommage que sur la plateforme de personnalisation MyO d’Orbea (qui offre la possibilité de choisir des détails de couleur, d’autres roues ou une autre selle par exemple), l’option du choix du plateau n’existe pas sur ce modèle.
Du côté des roues, Orbea a choisi des roues aérodynamiques de la marque sœur Oquo, avec les RP50 LTD de 50 mm de profil, une largeur interne de 25 mm et un poids de 1420 g. Les pneus Vittoria Terreno sont polyvalents et font parfaitement le job sur les surfaces mixtes. Malheureusement montés ici en chambres à air, ils sont un peu plus lourds et patauds que lorsqu’ils sont montés en tubeless.
Sur la fiche technique, difficile de prendre l’Orbea Terra Race M31 ELTD en défaut : l’intégration est propre, l’esthétique racée, la construction soignée. Les roues sont performantes, le cockpit est parfaitement dans l’esprit du vélo, et le groupe totalement à la hauteur des exigences du terrain. Et le tout s’affiche à 5534 €, un tarif fortement concurrentiel vu le niveau de performance de la machine, qui pèse 8,650 kg en taille XS.
Le revers de la médaille performance
Dès les premiers tours de roues, l’Orbea Terra Race impressionne par sa rigidité. Les relances sont franches, l’absence de flexion du cadre est flagrante, et l’on a immédiatement la sensation de piloter un vélo plus proche d’une machine de route que d’un gravel traditionnel. Sur le bitume, le vélo roule bien, et il permet de maintenir une bonne vitesse de croisière avec facilité. Ceci est d’autant plus évident qu’on adopte une pression de gonflage relativement élevée de 3 bars pour des pneus de 40. Dans cette situation, on sent relativement peu de résistance au roulement par rapport à des pneus de route dits « d’endurance », et en danseuse, le vélo ne s’écrase pas latéralement en raison de l’affaissement des flancs. Seule l’étroitesse du guidon surprend un peu au début. Avec une largeur de 38 cm seulement, on ne dispose pas d’un grand bras de levier en danseuse, et du coup la direction semble un peu lourde. Mais il faut dire aussi que sur ce vélo en taille XS, l’angle de direction favorise plutôt la stabilité au détriment de la maniabilité, avec 70°.
Sur les portions gravel roulantes et bien tassées, l’Orbea Terra Race donne cette impression grisante de filer, de tenir une cadence élevée sans y penser. La position est très proche de celle d’un vélo de route à visée aérodynamique, et on se surprend à plier les bras et à baisser la tête, ce qui ajoute une vitesse inhabituelle au passage dans certains chemins.
Cette rigidité, agréable sur terrain lisse, devient en revanche punitive lorsque la surface se dégrade. Les vibrations remontent franchement dans la direction, sans que le cadre ne propose vraiment de solution d’amortissement naturel. On gagne en feeling sportif ce qu’on perd en endurance. Et même si les haubans sont destinés à amortir les vibrations, la roue arrière saute et semble chercher de la motricité. Après plusieurs heures, cette fermeté se paye, et il devient difficile de garder une position relâchée.
Pression adaptée
Évidemment, les choses vont nettement mieux en tout-terrain après avoir baissé la pression à 2 bars. Un choix essentiel pour moi dès la deuxième sortie avec l’Orbea Terra Race, ne serait-ce que pour faire face au changement de conditions climatiques, avec un terrain beaucoup plus gras. Et effectivement, les pneus Vittoria Terreno se comportent correctement sur un terrain glissant en surface, tant que ce n’est pas carrément de la boue collante. Le vélo ne surprend jamais dans les changements de trajectoire et devient nettement plus supportable dans les pierriers et en sous-bois sur les racines. En revanche, en revenant sur route avec une telle pression diminuée, il flotte lors des passages en danseuse et donne l’impression de s’écraser un peu dans les faux plats lors des relances en force. Difficile de tout avoir.
En ligne droite, le cockpit étroit favorise l’aéro et donne une sensation de précision sur les trajectoires rapides. Mais dans les passages techniques, sur des virages serrés ou dans des zones de racines, ce choix limite la maniabilité. On se retrouve à corriger, à repositionner ses mains, parfois à anticiper davantage que sur un cintre plus large. Le vélo n’est pas instable, mais il demande de la vigilance. L’Orbea Terra Race n’est pas un vélo destiné au franchissement ou au gymkhana dans les singletracks. C’est un vélo rapide destiné à toutes les surfaces, mais il faut que ça file.
Un vrai gravel de course
L’Orbea Terra Race est un vélo passionnant car il assume un parti pris clair. Son domaine, c’est la vitesse, les sorties toniques, les chemins rapides et les compétitions gravel. On prend un plaisir réel à pousser ce vélo dans ses retranchements, tant il répond au doigt et à l’œil dès que l’on met de la puissance. Mais cette identité a un prix. Le confort est limité, la maniabilité perfectible et le choix de développements pas assez porté vers la compétition exclusive.
L’Orbea Terra Race est un vélo remarquable pour aller vite, mais qui nécessite d’être choisi en connaissance de cause. À un tel point qu’on pourrait presque le choisir comme vélo de route, juste en changeant les pneus et – encore une fois – le plateau.
En clair, si vous cherchez un gravel de course, foncez ; si vous voulez explorer, oubliez, ou dirigez-vous vers une autre version du Terra, plus polyvalente.
L’ORBEA TERRA RACE M31 ELTD en bref…Les + : rigidité, rendement, géométrie, rapport qualité-prix Cadre : Orbea Terra Race monocoque carbone OMX – Fourche : Denna OMR Carbon – Roues : Oquo Road Performance RP50 LTD – Pneus : Vittoria Terreno T30 fine loose Gravel Endurance G2.0 700x40c – Pédalier : SRAM Rival 1 XPLR Dub Wide 40t – Dérailleur arrière : SRAM Rival 1 XPLR 13 v. – Leviers : SRAM Rival 1 XPLR 13 v. – Freins : SRAM Rival Disc – Cassette : SRAM Rival 1 XPLR 10-46 13 v. – Cockpit : Integrated Bar and Stem OC SH-RA10, Road Aero Carbon – Tige de selle : OC Performance XP10 Carbon – Selle : Selle San Marco Shortfit 2.0 Start Up Off Road – Poids : 6,650 kg en taille XS sans pédales – Tailles : 6 – Coloris : 3 + personnalisation MyO – Prix : 5534 €
Contact : orbea.com |
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