Volume d’entrainement : pourquoi empiler les heures ne suffit pas

Vous l’entendez partout : « Pour progresser, il faut rouler plus. » Alors vous ajoutez une sortie, vous rallongez le week-end, vous passez à 16, 18, 20 heures par semaine. Oui, on vous voit les triathlètes ou cyclistes amateurs qui voulez progresser ! Vous rentrez fatigué, les jambes lourdes, les yeux qui piquent, fier d’avoir « bien bossé ». Et pourtant… les chronos ne bougent plus, la FTP stagne, les sensations restent moyennes. Vous vous dites qu’il manque encore un peu de volume, qu’il faut « tenir le rythme » plus longtemps. Et si c’était exactement l’inverse ?

Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com

Le vrai problème n’est presque jamais un manque de volonté. C’est une erreur de ciblage. On connait tous parmi nos amis cyclistes ou triathlètes celui ou celle qui en fait toujours plus, mais mal. Oui, vous là, on vous voit, on vous connait, et on aimerait bien vous aider. Comme la plupart des amateurs (et pas mal de bons régionaux), vous passez l’essentiel de votre temps d’entrainement dans ce qu’on peut appeler une zone grise : un peu trop vite pour récupérer vraiment, un peu trop lentement pour créer un stimulus puissant.

Résultat : vous payez chaque jour le prix physiologique d’une sortie dure (fatigue résiduelle, inflammation, plus d’énergie, système nerveux usé) sans jamais toucher les bénéfices maximaux sur le VO2max, la puissance au seuil ou la capacité anaérobie. Vous arrivez déjà émoussé le mardi après la sortie du dimanche. Le jeudi vous trainez encore vos jambes lourdes lors de la séance essentielle de VO2mas, et vous lèvez le pied sans oser vous l’avouer. Puis vous compensez en ajoutant une sortie foncière le dimanche « parce qu’il faut bien faire du volume ». Le cercle est bouclé, la stagnation garantie.

Chez les triathlètes, on voit beaucoup de sportifs qui accumulent beaucoup de volume… et beaucoup de fatigue.

Plus vite et moins longtemps

La science, elle, est formelle depuis plus de vingt ans. Les athlètes qui progressent le plus vite, des pros du WorldTour aux meilleurs masters, ne sont pas ceux qui s’entraînent le plus longtemps. Ce sont ceux qui polarisent le mieux leur charge d’entrainement, avec environ 80 % du temps en intensité très basse (Zone 1, conversation totalement fluide, fréquence cardiaque calme) et 20 % en intensité vraiment élevée (Zone 3 et plus, intervalles courts ou longs près du maximum). Entre les deux, ils évitent autant que possible cette zone rrise, ce no man’s land métabolique qui use le corps sans le transformer.

En clair : les jours faciles doivent être ridiculement faciles. Oui, ça veut dire rouler très très cool dans certaines côtes plutôt que de forcer avec le grand plateau à 300 watts et 160 pulsations juste pour « rester dans le rythme ». Ça veut dire accepter de voir son nom descendre de quelques places sur un segment Strava parce qu’on roule à 28 km/h au lieu de 33. Ça veut dire rentrer d’une sortie de quatre heures avec l’impression de pouvoir refaire la même sortie immédiatement. C’est déstabilisant pour l’ego, mais c’est exactement ce qui permet, deux jours plus tard, de supporter 6×5’ au seuil ou 8×30 »/30 » à bloc avec des jambes qui répondent enfin présent.

Sur certaine séances, il faut accepter d’en faire moins et que ce soit surtout plus facile.

Il ne faut pas se contenter pas de regarder le TSS (Training Stress Score) ou la puissance normalisée affichée par le compteur. Un même chiffre peut cacher deux réalités totalement différentes selon le niveau de fatigue accumulé. C’est pourquoi la perception de l’effort de la séance comparée à la fréquence cardiaque réelle habituellement observée sur ce type d’effort est importante et doit aussi servir d’indicateur. Quand le cœur monte dix battements plus haut que d’habitude à même allure, ou quand une sortie facile est notée 4/10 au lieu de 1 ou 2, ce n’est pas un manque de mental : c’est un signal clair que la charge interne est trop élevée et qu’il faut lever le pied avant que le corps ne le fasse à votre place.

On met les freins et on planifie

La règle d’or est simple à comprendre, difficile à appliquer : les jours faciles doivent être vraiment faciles pour que les jours durs puissent être vraiment durs… et réellement productifs. Quand cette règle est respectée, le volume total nécessaire chute souvent de 20 à 30 % et les performances explosent. C’est contre-intuitif, presque vexant pour celui qui a bâti sa légitimité sur « je roule plus que les autres », mais les données ne mentent pas.

Alors, quel type de cycliste ou de triathlète êtes-vous vraiment ? Celui qui empile les heures en espérant que la quantité finira par payer, ou celui qui commence à structurer proprement sa charge d’entrainement et à redécouvrir ce qu’être frais et dispo signifie ?

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Guillaume Judas

  - 54 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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