Le vélo, nouveau marqueur social de nos modes de vie ?

… ou la problématique autrement posée : quand un cadre devient un CV roulant ! Car en effet, il fut un temps où rouler signifiait simplement… rouler. Aujourd’hui, on peut presque deviner la tranche d’imposition d’un cycliste rien qu’en regardant son vélo. Entre celui qui débarque avec un Canyon Ultimate CFR flambant neuf et celui qui recycle encore son vieil alu de 2008, l’écart social s’affiche à la vitesse où s’enchaînent les tours de Longchamp. D’ailleurs, à l’Hippodrome de Longchamp, il y a désormais une sorte de “défilé non officiel”. Celui en Specialized S-Works Tarmac SL8 te dépasse à 45 km/h, lunettes Oakley Sutro relevées sur le casque, et tu sens presque l’odeur du carbone tout droit sorti du four. Et toi, tu sais que tu vas rester dans sa roue exactement… six secondes.

Par Jeff Tatard – Photo : @jefftatard

Mais le plus drôle, c’est que personne ne trouve ça bizarre. Le vélo est devenu une carte de visite roulante : “Bonjour, je m’appelle Pierre, j’ai un Pinarello Dogma F, je fais du Zwift depuis 2020 et je n’achète jamais mes pneus en promo.”

Le matériel : passion, raison… et inflation

Soyons honnêtes : certains prix donnent le vertige. Et on en a déjà parlé notamment dans l’article « Quand le vélo coûte le prix d’une moto »

Un vélo complet qui dépasse le prix d’une petite voiture ? Normal. Une paire de roues coûte plus cher qu’un loyer parisien ? Normal. Une cassette à 450 € ou plus ? C’est presque devenu banal.

Il suffit de passer devant une boutique distribuant Rapha pour constater que le “vélo chic” n’est plus une niche : c’est un lifestyle. Tu rentres pour un maillot, tu ressors avec une étiquette plus salée qu’un dîner en amoureux… et pourtant tu souris, parce que c’est beau, parce que c’est propre, parce que c’est tentant. Et parce que soyons honnêtes, on a tous déjà craqué…

Mais derrière cette montée en gamme se cache une question : à force de vouloir se rapprocher des pros (du moins esthétiquement), n’a-t-on pas perdu de vue la réalité du cyclisme amateur ?
On voit des cyclistes qui produisent 180 watts mais affichent du matériel prévu pour accompagner les 460 watts de Pogacar.
C’est un peu comme acheter un couteau de chef étoilé… pour couper du surimi.

Sur « l’anneau de Longchamp », le Trek Madone SLR 7ème génération et son custom à 1 000 €, juste pour l’option additionnelle, rappellent une vérité simple : la distinction exige parfois… d’avoir bien enregistré le numéro de Sofinco dans le répertoire.

Longchamp, laboratoire sociologique à ciel ouvert

Pour y aller de temps en temps avec le maillot 3bikes, s’il existe bien un endroit en France où le vélo révèle nos comportements sociaux, c’est bien Longchamp.

Là-bas, à Longchamp, chacun trouve sa tribu…
  • le groupe “aérodynamique extrême”, casque profilé façon Giro Aerohead,
  • le clan “yolo dans les virages”, qui coupe les trajectoires comme s’ils descendaient le Stelvio,
  • les “work in progress”, souvent avec un Decathlon Van Rysel RCR impeccablement réglé,
  • et puis ceux qui viennent juste pour rouler… mais repartent avec un cours accéléré de sociologie urbaine.

À Longchamp, on juge en un coup d’œil : la hauteur de jante, l’état des pneus, la position sur le vélo, la fluidité du coup de pédale. Et on se reconnaît entre “pairs”. C’est humain. C’est irrationnel. C’est amusant aussi (tant qu’on s’en rend compte).

L’humain derrière le carbone

Mais caricaturer serait injuste. Il existe une vérité simple : malgré la folie du marché, le vélo reste une pratique profondément démocratique.
Il y aura toujours ce cycliste qui roule sur un vieux cadre acier Alex Singer, mais qui te dépose en discutant comme s’il lisait son journal.
Il y aura toujours ce débutant avec des pédales plates, mais une détermination qui ferait pâlir un triathlète.
Et il y aura toujours ces cyclistes qui viennent “juste pour être bien”, loin des comparaisons et des statistiques.

À une époque où l’on projette énormément d’identité sur les objets, le vélo a pris une place symbolique étonnante.
Mais vous savez ce qu’on pense sur 3bikes ? C’est nous qui avons changé, pas lui.

Alors, marqueur social le vélo ?

Oui… un peu.
Non… pas vraiment.
Ou plutôt : seulement si on le décide.

Le vélo n’a rien demandé à personne.
C’est notre regard qui surinterprète, qui classifie, qui s’amuse ou qui se perd.

Au fond, le vélo peut tout être : un marqueur, un refuge, un sport, un moyen de transport, une méditation, une échappatoire.
Mais il reste surtout un formidable outil pour remettre tout le monde à la même enseigne : dans une côte, que tu sois équipé en Shimano Dura Ace Di2 ou en groupe d’entrée de gamme, c’est toujours tes jambes qui parlent.

Et ça, aucun marqueur social n’y échappe.

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=> Et si vous voulez en savoir davantage sur ce que notre vélo dit réellement de nous

Jean-François Tatard

- 44 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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