Gagner des watts à 3 °C : l’avantage caché de l’hiver

Et si les matins à 3 °C étaient la clé pour faire grimper votre FTP avant les fêtes ? Des travaux récents suggèrent que s’entraîner dans le froid n’est pas seulement une contrainte, mais peut devenir un avantage physiologique. En quelques semaines, la VO₂max progresse, les mitochondries se multiplient et le corps apprend à mieux utiliser les graisses comme carburant. Voici comment transformer votre entrainement hivernal en tremplin pour une grande saison.

Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com

Le froid n’a pas bonne presse chez les cyclistes. Pourtant, il cache un potentiel que plusieurs équipes de recherche ont commencé à explorer : quand la température descend sous les 8 °C, la distribution du flux sanguin change, la peau est moins irriguée et les muscles deviennent prioritaires. Les fibres lentes, ces marathoniennes de l’effort, sont davantage sollicitées. Résultat : une meilleure économie de pédalage à puissance égale. Certains travaux publiés dans American Journal of Physiology en 2023 montrent que des séances régulières en ambiance froide améliorent la tolérance à l’effort et l’efficacité métabolique chez des cyclistes entraînés.

Mais ce n’est que le début. Le froid agit comme un signal de stress contrôlé. Il stimule notamment la production de PGC-1α, une protéine clé dans la création de nouvelles mitochondries – ces petites usines cellulaires qui transforment l’oxygène en énergie. Des études publiées dans le Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports montrent que l’exercice associé à une exposition au froid peut augmenter l’expression des gènes liés à la biogenèse mitochondriale et favoriser une meilleure oxydation des lipides. Sur le terrain : vous tenez plus longtemps, vous récupérez mieux et vous puisez davantage dans les réserves grasses.

Un autre effet, plus discret, concerne l’oxygénation musculaire : le refroidissement périphérique modifie la microcirculation et la disponibilité en oxygène dans le muscle. Certaines synthèses parues dans l’European Journal of Applied Physiology suggèrent que les adaptations à l’entraînement en conditions froides impliquent des changements de perfusion et de transport d’oxygène sur le long terme. On reste loin d’un effet « dopant », mais l’ensemble de ces ajustements peut soutenir la performance d’endurance.

L’entrainement hivernal n’est pas toujours amusant. Mais ses bénéfices ne sont plus à démontrer.

Un plan hivernal

Alors, comment en profiter sans grelotter inutilement ? Le principe est simple : trois sorties par semaine, progressives, avec une astuce clé.

  • Commencez par deux heures en zone 2 quand le thermomètre affiche 3 à 6 °C. Ajoutez en fin de sortie trois blocs de huit minutes à 85 % de votre FTP.
  • La semaine suivante, passez à deux heures trente avec quatre blocs à 88 %.
  • Culminez à trois heures avec cinq blocs à 90 %. L’idée ? Laisser le froid faire son travail sur la vascularisation et la mise en route métabolique pendant la partie endurance, puis frapper fort quand le système est bien stabilisé. C’est là que les gains se construisent.

Quelques précautions

Pour que ça fonctionne, quelques règles s’imposent. D’abord, échauffez-vous à l’intérieur : dix minutes de home-trainer à basse intensité évitent le choc thermique. Ensuite, protégez les extrémités – gants chauds, couvre-chaussures – mais laissez le torse respirer avec un sous-maillot en mérinos et un coupe-vent léger. Buvez chaud : un bidon isotherme autour de 40 °C aide à maintenir votre confort et votre hydratation. Enfin, terminez « en feu » : les intervalles en fin de sortie maximisent le stress d’entraînement. Ralentissez ensuite dix minutes en pédalage léger pour revenir progressivement à la normale et limiter le coup de froid post-effort.

Rouler l’hiver demande une adaptation progressive.

L’hiver n’est pas une pause. C’est un accélérateur. Le froid ne vous ralentit pas : il vous forge. Les mitochondries se multiplient, les capillaires se densifient, la VO₂max progresse. Et pendant que les autres hibernent devant Netflix, vous, vous pédalez vers un printemps plus fort. Alors demain, quand le réveil sonne à 6 h 30 et que la buée sort de votre bouche, souriez : votre meilleur coach vient de se lever.

Ce qui est bien démontré 

  • Le froid modifie la distribution du flux sanguin
    La vasoconstriction cutanée réduit le débit sanguin vers la peau et le redirige vers les tissus profonds et les muscles. C’est un mécanisme classique de thermorégulation décrit dans de nombreuses études humaines.

  • Le froid est un stress qui active des voies d’adaptation
    L’association exercice + froid augmente l’expression de certains gènes liés à la biogenèse mitochondriale (dont PGC-1α) et peut favoriser une meilleure utilisation des graisses comme substrat énergétique, surtout à intensité modérée.

  • On peut très bien s’entraîner efficacement en conditions froides
    Les revues sur l’adaptation au froid montrent que des personnes exposées régulièrement au froid s’adaptent au niveau vasculaire, métabolique et perceptif (on a moins froid, on gère mieux l’effort).

  • Des blocs structurés (zone 2 + intervalles) améliorent VO₂max, capacité d’endurance et FTP
    C’est robuste dans la littérature sur l’entraînement, même quand les études ne portent pas spécifiquement sur l’hiver : combiner endurance de base et intervalles au seuil / proche du FTP améliore la performance cycliste.

Sources
Lundström et al. (2023) – American Journal of Physiology – Regulatory, Integrative and Comparative Physiology
Giroud et al. (2020) – Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports
Daanen et al. (2014) – European Journal of Applied Physiology

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Guillaume Judas

  - 54 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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