Partager la publication "Port du casque : protection ou infantilisation ?"
Le débat qui serre la jugulaire… Il paraît qu’en Espagne, le casque est obligatoire hors agglomération. Pas pour aller chercher le pain – ce qui rassurera les amateurs de tradition boulangère à vélo – mais bien pour ceux que l’on appelle pudiquement « les cyclistes sportifs ». Autrement dit, les mecs aux jambes affûtées qui roulent vite, longtemps, et souvent suffisamment droit pour que la probabilité de toucher le sol soit presque nulle… jusqu’au jour où un sanglier, une portière ou leur propre ego décide du contraire.
Par Jeff Tatard – Photo : Nico & JL
Bref : le port du casque, protection ou infantilisation ? Voilà une question que nous croyions datée du temps des caméras GoPro fixées sur des casques qui pesaient 5 ou 600 g, mais visiblement non. La rédac’ de 3bikes adore de temps en temps les sujets a priori consensuels qu’on s’arrange ensuite pour rendre polémiques (c’est une de nos gymnastiques intellectuelles favorites). Alors on a plongé. Et on a demandé l’avis de deux profils qui incarnent deux cyclismes, deux époques et deux philosophies : Jean-Loup, l’immuable disciple du vent dans les cheveux, et Nico Meunier, l’homme qui est « tombé du côté des casqués » après une carrière pro début 2000.
Et là, le débat s’est animé tout seul.
Jean-Loup : le casque, oui… mais seulement quand il veut !
Jean-Loup, c’est le type qui a connu les compétitions des années 80, celles où le casque était aussi présent que la crème solaire indice 50 : pratiquement jamais. Une autre époque. Un autre rapport au risque. Et surtout une élégance capillaire que même les fabricants modernes de ventilations « optimisées aérodynamiquement » ne pourront jamais restituer.
Quand on lui demande pourquoi il roule souvent tête nue, il nous répond avec une franchise adorable : « Précédemment je ne le mettais fréquemment pas, principalement par habitude, mauvaise, je te le concède… Maintenant, lorsque je fais le choix de ne pas le mettre, c’est par confort… ou par beau temps… ou par temps froid parce que j’aime bien mon bonnet. »
Il ajoute d’ailleurs : « Pour moi, le casque a un côté très inconfortable : il a tendance à basculer vers l’avant et à cogner contre mes lunettes de vue. Je n’en ai pas eu beaucoup à ma convenance. »
Le bon sens rural dans toute sa splendeur.
Le casque, pour lui, n’est pas un ennemi. Pas un principe idéologique non plus. C’est un outil qu’on utilise si on en ressent le besoin :
« Évidemment c’est un véritable élément de sécurité, mais je ne souhaiterais pas le voir devenir obligatoire… Libre à chacun de le porter ou non. »
En groupe ou en ville, il le met automatiquement « par peur de se faire shooter ». Seul, en rase campagne, il préfère « faire attention aux sangliers ». On ne juge pas : chacun ses priorités.
Et surtout, cette phrase qui résume son état d’esprit : « J’aime bien cette possibilité de pouvoir choisir. »
Le vélo, pour Jean-Loup, c’est la liberté. Liberté de sortie, liberté de rythme… et liberté de ventilation naturale.
| Et puisqu’on parle de liberté, il faut évoquer le troisième larron : Émilien Clère. Lui aussi a connu le passage au casque presque obligatoire, mais avoue que, l’été, il préfère souvent sa casquette… et l’hiver, son bonnet. Une simplicité désarmante. Il ajoute d’ailleurs qu’aux Pays-Bas, où il va régulièrement, on voit très peu de gens rouler casqués, y compris dans un trafic autrement plus dense qu’en France. Son avis est limpide : « Pour un usage quotidien, je pense qu’il faut laisser chacun choisir. » Un champion de France qui revendique le libre arbitre : ça compte dans le paysage. |
Nico : le casque comme acte d’exemplarité
À l’opposé du spectre capillaire, Nico Meunier.
Ancien pro, devenu adepte convaincu du casque en toutes circonstances. Il a connu les années sans, puis les années avec, puis les années où l’on ne se pose même plus la question.
Et pour lui, le point de bascule est limpide : « L’arrivée des enfants et l’exemplarité pour tous les pratiquants a changé ma vision du port du casque. »
Ça, et le fait que les casques modernes ne ressemblent plus à des demi-melon en polystyrène compacté. L’argument technologique revient d’ailleurs très fort : « Avec les évolutions technologiques, nous ne le sentons plus. »
Pour lui, rendre le casque obligatoire en toutes circonstances serait excessif, il rejoint même Jean-Loup sur la question du pain – mais en groupe, il n’y a pas de discussion possible : « Le port du casque lors des entraînements en groupe devrait être obligatoire, à la fois pour des raisons d’exemplarité et en raison des risques liés à la pratique collective. »
Et concernant l’ambiance sécuritaire ambiante : « L’aspect peut sembler moralisateur. »
On sent le mec qui a roulé sous la pluie, contre le vent, avec 38 à l’heure de moyenne à l’entraînement, mais qui n’a jamais eu besoin qu’on lui fasse la leçon.
Infantilisation ou responsabilité ?
Entre ces deux visions, il y a en réalité le cœur du débat : Est-ce qu’on doit protéger les cyclistes contre eux-mêmes, ou est-ce qu’on peut leur laisser la responsabilité de leur tête ?
Ceux qui veulent imposer le casque partout disent : « On protège des vies. »
Ceux qui refusent l’obligation répondent : « On protège aussi des libertés. »
Dans un monde idéal, chacun porterait un casque quand c’est pertinent, et personne n’aurait besoin d’une contrainte légale pour comprendre que le bitume est dur et que la boîte cranienne est fragile. Mais dans le monde réel, certains trouvent que la prévention vire parfois à la morale, et d’autres que la liberté vire parfois à l’inconscience.
Jean-Loup ne veut pas qu’on lui dise quoi faire. Nico veut montrer l’exemple. Les deux roulent, les deux existent, les deux sont cohérents.
Et si le vrai problème, ce n’était finalement pas le casque… mais qu’on cherche toujours à résoudre par un décret un débat qui est profondément culturel ?
L’Epilogue, sans juge et sans tribunal
Le casque n’est pas qu’un objet : c’est un symbole. Pour les uns, il protège. Pour les autres, il contraint.
Mais ce qui ressort, au fond, c’est que le cyclisme reste un espace de liberté rare. Une liberté de mouvement, d’allure, de solitude ou de partage. Et qu’on a instinctivement envie de la préserver.
Alors oui, la question du casque restera un débat. Et c’est très bien comme ça.
Parce qu’un débat, c’est de la vie.
Et que le vélo, ça devrait toujours rester vivant.
Règles essentielles pour rouler à vélo en Espagne (…et qui pourrait bien inspirer la France)
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