Puissance sur home-trainer : les pièges à éviter

C’est la saison des séances en intérieur, sur du matériel de plus en plus perfectionné. Un home-trainer plus ou moins évolué, voire connecté, peut être une bonne solution pour travailler la puissance de manière précise. Mais il y a toutefois des pièges à éviter pour que les séances ne se transforment pas en long chemin de croix. On vous explique.

Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com

Vous êtes de plus en plus nombreux à rouler sur home-trainer, pour compenser les sorties extérieures souvent très difficiles voire impossibles en cette période de l’année. Vous en profitez aussi pour vous entraîner de manière très pointue avec la puissance, une donnée qui est d’ailleurs essentielle dans toutes les applications connectées du marché (Zwift, MyWhoosh, BKool, Rouvy…).

Les applications connectés ont rendu les séances de home-trainer beaucoup plus ludiques, mais plus exigeantes aussi.

Le home-trainer présente comme avantage de vous obliger à pédaler pendant toute la séance (sans temps de roue libre) et de vous permettre de cadrer parfaitement les exercices, sans tenir compte des facteurs extérieurs comme la météo ou la circulation. C’est donc d’exercices précis et bien cadrés dont on parle théoriquement. Pour ce faire, beaucoup disposent soit d’un home-trainer qui mesure la puissance, soit d’un capteur de puissance sur le vélo, soit d’un logiciel qui estime cette puissance en fonction de divers paramètres comme la vitesse, la cadence, face à pente simulée. L’intention est louable et part de la volonté de bien faire. Mais attention aux excès ou aux erreurs d’interprétation…

Une puissance différente entre la route et le home-trainer

La puissance produite sur home-trainer est différente de celle que vous pouvez produire sur la route. Il n’y a pas les mêmes frottements ou ou la même résistance à l’avancement. Pour autant, le home-trainer procure ses propres difficultés, avec un effort plus constant, plus de déshydratation et par conséquent une fréquence cardiaque plus soutenue et qui a plus de mal à redescendre au cours de la séance.

La puissance sur home-trainer, qu’elle soit mesurée par le biais d’un capteur de puissance sur le vélo ou par l’appareil lui-même, ne peut être comparée qu’à la puissance sur home-trainer. Si vous tenez à définir un point de comparaison, il faudrait réaliser un test avec une fréquence cardiaque stable sur route et sur home-trainer, et essayer d’en ressortir un écart type.

En d’autres termes, c’est une grosse erreur de tenter de reproduire sur home-trainer les seuils de puissance que vous connaissez sur route. Vous risquez le surentraînement en visant des zones de puissance qui ne correspondent pas réellement à l’effort fourni. Pour vous donner un ordre d’idée, on évalue à 10 % environ la différence entre route et home-trainer. Ce qui signifie que si vous avez une FTP évaluée à 250 watts sur route après un test de terrain, celle-ci n’est que de 225 watts environ sur le home-trainer.

Un déséquilibre qui favorise le surentraînement

Lorsque vous pensez home-trainer ou optimisation du temps qui est associé à cette pratique, vous avez tendance à oublier le facteur essentiel de progression dans un sport d’endurance comme le cyclisme sur route : l’entraînement dans la zone aérobie, c’est-à-dire en mode «foncier ». Le cyclisme, même de compétition, est un sport à 95% aérobie. Pour être performant, les intensités très violentes sont bien entendu nécessaires, mais il faut avant tout repousser au maximum la zone de transition entre les mécanismes aérobie et anaérobie, de manière à être encore présent en fin d’épreuve.

Le home-trainer est un excellent complément, mais il ne peut suffire à lui-même pour être performant sur route.

Et comme la progression dans l’un des deux domaines se fait au détriment de l’autre par le principe des réservoirs communicants, vous comprenez qu’un entraînement déséquilibré, sans une grosse proportion d’aérobie, ne permet pas de progresser, et conduit même parfois au surentraînement, avec un état de fatigue généralisé. Quant aux bénéfices attendus, il est assez simple de comprendre l’intérêt d’un gros niveau aérobie : lors d’une compétition, chaque attaque, accélération ou difficulté du parcours nécessite une production de puissance pendant quelques secondes. Celui qui a un niveau d’endurance supérieur ne se met pas « dans le rouge» et ne produit quasiment pas d’acide lactique, conservant ainsi son maigre réservoir de « super carburant» pour l’effort décisif, à la fin de l’épreuve.

Celui qui peut être au contraire puissant et explosif mais disposant d’un plus faible niveau d’endurance se retrouve plus vite « dans le rouge » avec les mêmes efforts, et n’a plus d’énergie en fin d’épreuve, et ses muscles sont bourrés d’acide lactique, ce qui limite leur fonctionnement. On sait par ailleurs que les efforts « moyens » type Zone 3 (en dessous du seuil anaérobie donc) permettent de progresser rapidement dans un premier temps, mais sont rapidement assez usants, ce qui limite fortement leur intérêt. De ce fait, le modèle qui fonctionne bien consiste à passer au moins 80 % de son temps hebdomadaire en zone d’endurance de base, et de consacrer 20 % du temps restant à des intensités supérieures, qu’il s’agisse de seuil, de PMA ou de sprints courts ou longs. Dans le cas d’un entraînement exclusivement basé sur la pratique du home-trainer, il faut se faire un peu violence pour effectuer 4 heures sur 5 ou 8 heures sur 10 au cours de la même semaine à rouler tranquillement !

Alors, bon ou pas le home-trainer ?

Ce qu’il faut en retenir, c’est que le home-trainer n’est qu’un ersatz de l’entraînement sur route. Il est utile pour conserver un minimum de condition physique et pour conserver les bases, mais il faut rester prudent quant à sa pratique et à sa durée, et faire aussi attention au moment de faire des exercices liés à la puissance sur ce type d’appareil, qui pourraient se révéler rapidement contreproductifs…

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Guillaume Judas

  - 54 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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