Cuissard à 19 € : quand la bonne affaire devient toxique

Imaginez : vous venez de recevoir ce cuissard Pro Team flambant neuf, 92 % de réduction par rapport au modèle Castelli officiel. Vous jubilez. Sauf que ce n’est pas une affaire. C’est une contrefaçon chimiquement dangereuse qui va passer quatre heures collée à vos parties intimes à chaque sortie vélo. Bienvenue dans le Far West du e-commerce chinois, où le faux et le low-cost ne sont pas qu’une question de logo : c’est une porte grande ouverte vers l’importation massive de produits toxiques qui n’auraient jamais dû franchir les frontières européennes. Et ces produits bon marché, cousins directs de la fast-fashion, beaucoup de cyclistes les adorent.

Par Guillaume Judas – Photo : DR

Vous venez de recevoir votre cuissard à 19,90 €. Il ressemble trait pour trait au Q36.5 Dottore Clima (290 €) ou à l’Assos Tudor Pro Replica (275 €). Vous vous dites : « J’ai niqué le système. » En réalité, c’est le système qui vous nique : 69 % des produits testés sur Shein et Temu sont dangereux pour la santé. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’UFC-Que Choisir, qui a analysé 160 produits en octobre 2025.

Pour les vêtements, le magazine allemand de défense des consommateurs Öko-Test s’est intéressé plus particulièrement aux produits vendus par Shein, et a retrouvé des métaux lourds et des produits chimiques dangereux pour l’environnement dans les deux-tiers des cas.

Quant à AliExpress, la plateforme préférée des cyclistes – qui jure vendre des produits « de la même qualité que les originaux ou direct usine sans intermédiaire » (sic) – elle est sous la menace d’une lourde amende de la Commission européenne pour avoir « enfreint son obligation d’évaluer et d’atténuer les risques liés à la diffusion de produits illégaux ».

AliExpress semble d’ailleurs souffrir des mêmes maux que Temu, comme le montre une enquête des autorités coréennes sur des substances toxiques retrouvées dans des vêtements pour enfants.

Alors, toujours envie de “niquer le système” ?

Les normes en question

Quand vous achetez un vrai maillot Castelli ou Rapha, vous payez aussi – et surtout – le respect des normes REACH. Pas de phtalates, pas d’amines aromatiques cancérigènes, pas de métaux lourds dans les teintures, pas de nonylphénol éthoxylate. Sur AliExpress, beaucoup de vendeurs proposent des copies plus ou moins parfaites qui contournent toutes ces règles. Comment ? En déclarant leurs colis comme échantillons gratuits ou pièces détachées vélo aux douanes. Résultat : aucun contrôle systématique, aucune traçabilité.

Et que dire des fameux certificats SGS ou REACH compliant affichés fièrement sur les fiches produit ? La plupart sont des faux grossiers. Bah oui, vous pensez sérieusement qu’un fabricant véreux qui fait de la contrefaçon ne va pas, en plus, photoshopper un faux PDF ? Allons…

Restent, sur ces plateformes, des produits non contrefaits — donc plus légaux, car issus directement d’usines chinoises et de marques inconnues ici. Il y a évidemment moins de risques qu’en achetant un faux Castelli. Mais rien que le prix trop bas devrait vous alerter. Shein et Temu ne sont pas connus pour vendre de la contrefaçon, mais ça ne les empêche pas de ne pas respecter les normes.

Vous avez vraiment envie de jouer avec votre santé ?

Les risques pour la santé

Le scandale ne s’arrête pas là. Un maillot, des chaussettes, des chaussures qui ne respectent pas les normes… ok, on voit ce que ça donne. Quel client de Shein ou Temu n’a pas vu un T-shirt rétrécir au premier lavage ou dégorger sa couleur sur la peau du cou ? Mais les choses deviennent beaucoup plus graves avec les casques et lunettes de cyclisme. Là, c’est une question directe de sécurité. Rien ne vous garantit que vos imitations Oakley à 10 € vous protègent vraiment des UV. Et en cas de chute, le verre n’aura rien d’incassable. Si vous voulez ensuite porter le cache-œil du capitaine Crochet, c’est vous qui voyez.

Et pour revenir à votre fameux cuissard : sachez que la peau du périnée absorbe jusqu’à dix fois plus de substances que celle du bras. Vous pédalez, vous transpirez, vous ouvrez grand la porte aux perturbateurs endocriniens s’ils sont présents dans votre cuissard contrefait.

Alors oui, vous allez payer 250 € un cuissard Assos ou Rapha. Ou peut-être 70 € un cuissard Van Rysel, probablement lui aussi fabriqué en Chine, mais conforme aux normes européennes. Et vous ne jouerez plus à la roulette russe chimique avec vos testicules. Parce que le cancer de la prostate, lui, ne fait pas 85 % de réduction.

Vous voulez rouler safe ? Payez le prix ou passez au coton bio. Mais arrêtez de prendre votre corps pour la décharge chimique de Shenzhen.

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Guillaume Judas

  - 54 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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