45 000 km en Power Mirror : bilan cash, sans crème et sans douleur

Entre 300 et 400 € la selle. Oui, vous avez bien lu. Quand vous allez cliquer sur « valider la commande », votre carte bleue risque de pleurer plus fort que vous sur la prochaine Étape du Tour entre Bourg-d’Oisans et l’Alpe d’Huez. Mais voilà. Qu’on soit convaincu ou non sur le papier par le concept de la selle avec un revêtement en 3D, force est de constater que ça fonctionne. J’ai passé le cap définitivement il y a deux ans. De quoi faire 45 000 bornes assis sur une Specialized Power Mirror. Je vous raconte.

Par Guillaume Judas – Photos : ©3bikes.fr

La selle Specialized Power Mirror a été présentée la première fois en 2020, juste avant le Covid. J’ai même été l’un des premiers à la tester, sur un vélo de gravel de la marque, en parcourant les chemins blancs autour de Gérone. J’avais trouvé ça bien. Il faut dire que tout le monde à l’époque parlait de cette histoire d’impression 3D avec un liquide magique qui se transforme en nid d’abeille infini. Mais je n’ai pas trouvé ça génial au point de changer mes trois selles Fizik Arione (pour deux vélos + une en rab’ pour les vélos de test), un modèle avec lequel je roulais depuis huit ans. Et oui, tout cela représente quand même un budget. Et surtout, avec ses dimensions particulières, un croissant large et un bec court, la Power Mirror réclame un ajustement très fin, ce qui fait toute la différence entre une sensation bof et un confort absolu.

Le revêtement de la Power Mirror dispose d’une structure imprimée en 3D.

Sur le papier, c’était pourtant la selle qui pouvait régler tous mes problèmes de fesses. Parce que bon, 35 ans que je galère. Les fesses et les pieds pour moi, c’est toute une histoire. J’ai tout essayé ou presque. Liège portugais, cuir anglais, carbone découpé au laser, mousse à mémoire de forme qui se souvenait surtout de me faire mal. Résultat ? Une collection de selles qui a pris la poussière et des fesses qui prenaient feu après trois heures à pédaler.

La Specialized Power est proposée en plusieurs largeurs au niveau du croissant. Mais elle est plus large que la moyenne (ici en 143 mm).

Donc ce premier test rapide m’a quand même chamboulé. Pas encore assez pour passer sur la Mirror. J’ai franchi le cap en deux fois. D’abord une S-Works Power pour la forme, puis une Fizik Antarès Adaptive pour découvrir le revêtement 3D. Dans les deux cas, c’était encore trop dur. Alors j’ai franchi le cap. « Pour voir ». Au cours de l’hiver 2023-2024, j’ai remis la S-Works Power Mirror sur un vélo, en complément d’une Power normale sur le vélo de gravel. J’ai eu la chance de trouver tout de suite le bon réglage. Le bon recul. La bonne inclinaison. J’ai foncé voir Julien, l’ergonome de chez K7 Bikes, un Concept Store Specialized : « Tu mesures tout au laser, angles et millimètres, je ne veux plus rien changer ! »

Le modèle S-Works bénéficie de rails en carbone.
Avec ses rails alu, le modèle Pro pèse 40 g de moins, pour un prix de 70 € de moins que la S-Works.

En vrai, j’ai d’abord râlé sur le poids : 200 grammes en 143 mm pour près de 400 €, c’est plus lourd qu’un croissant fourré au Nutella. Et puis le look… disons qu’elle ressemble à une raie manta qui aurait trop regardé Blade Runner. Je sais. C’est la selle utilisée par Remco, mais pourtant je n’ai pas pu éviter les quolibets de mes compagnons de route, sauf ceux qui sont vaccinés au rayon Specialized, et qui pensent que tout ce que sort la marque californienne, c’est de toute façon « toujours top ».

Ce modèle S-Works a beaucoup roulé. Mais seul le revêtement parait un peu « patiné » par rapport à une selle toute neuve.

J’ai mis la Power Mirror sur mon Tarmac, j’ai serré les vis et j’ai roulé. D’abord 50 bornes pour voir. Puis 100. Puis 600 dans la semaine. Puis des sorties sous la pluie. Puis des séances en nage sur le home-trainer. Cuissard promotionnel à 50 € ou Q36.5 à 250 €, même combat. Crème anti-frottement ? Je l’ai cherchée l’an dernier pour ranger mon armoire de salle de bains, impossible de remettre la main dessus. Elle doit être quelque part entre mes rêves de remonter l’Alpe d’Huez comme un cabri et mes vieilles chaussettes fluo (celles que j’avais la dernière fois que j’ai monté l’Alpe comme un cabri).

Aucune usure ni déformation apparente.

Début 2025, deuxième montage, deuxième vélo, deuxième selle Power Mirror. Une Pro, cette fois-ci, avec les rails alu, un peu moins chère mais 45 g encore de plus sur la balance. D’ou l’intérêt de la mesure au rayon laser dont j’ai parlé plus haut, si vous avez bien suivi. Mes deux machines, mes deux selles, sont réglées pile-poil pareil. Je passe de l’une à l’autre les yeux fermés.

Question confort, la Specialized Power fait partie des meilleurs modèles du marché.

Pour quel bilan ? Il y a quelques jours, un pote m’a demandé ce que je pensais de cette selle. C’est dingue, cette question m’a permis de me rendre compte que ça fait des mois que je n’y pense plus. Ça m’a permis aussi de calculer que j’avais fait 45 000 km en deux ans sur l’une ou l’autre de mes deux selles Power Mirror. Aucune des deux n’est fatiguée. Mais ce sont surtout mes fesses qui ont retrouvé une seconde jeunesse. Pendant 35 ans, chaque sortie ou presque était une négociation : « Tiens bon jusqu’au ravito, après tu pourras marcher comme un cow-boy. » Je me suis d’ailleurs souvent servi de cette excuse pour affirmer à qui voulait l’entendre que l’ultra-distance ce n’était pas pour moi. « Trop mal au cul les copains, mais promis je vous suis avec la balise GPS. »

Aujourd’hui, j’enfourche le vélo, je roule, je descends, je bois mon café. Point. Pas un point de pression, pas une irritation, pas un « aïe » discret en remontant sur la selle le lendemain d’une sortie de 150 bornes. La meilleure selle du monde, c’est celle qui disparaît. La Power Mirror a réussi le braquage parfait : elle s’est évaporée de ma conscience. Et franchement, pour 300 à 400 €, c’est le seul vol qui m’ait fait sourire. Specialized a lancé cette été la Power Evo Mirror, avec une forme légèrement différente. Utilisée par Remco. Même pas en rêve je vais changer !

Si vous souffrez encore à l’approche de 2026, tentez le coup. Vos fesses vous enverront une carte postale depuis le paradis. Moi, je file rouler. Sans crème, sans douleur, et avec le sourire d’un mec qui a enfin gagné la guerre contre son cul.

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Guillaume Judas

  - 54 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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