Partager la publication "Reprendre et réapprendre à courir avec progressivité"
Novembre arrive. Les jours raccourcissent, les kilomètres en selle se comptent moins facilement, et beaucoup de cyclistes troquent le vélo contre une paire de chaussures de running. Tradition hivernale bien ancrée : la course à pied s’invite dans la trêve. Mais chaque année, le scénario se répète : on rechausse les runnings comme si l’été n’avait jamais existé. On part pour 45 minutes, parfois à 14–15 km/h, parce qu’on se sent « en forme ». Et, presque toujours, les douleurs arrivent : tendons d’Achille, périostite, genou qui couine, TFL, fatigue profonde…
Par Jeff Tatard – 3Bikes.fr / Photos ©3Bikes
Mais alors : Pourquoi ?
Parce que courir n’est pas pédaler. La course à pied sollicite les structures du corps en charge : les muscles, les tendons, les fascias, les os, et ce bien plus intensément. L’habitude cardiovasculaire n’y change rien : le cœur sait, mais les tissus ne sont plus prêts.
Cette progressivité, les plus grands champions l’appliquent. Et si eux y vont doucement… pourquoi pas nous ?
Quand les plus grandes championnes nous rappellent que « reprendre » veut dire commencer bas !
Pour mieux comprendre, nous en avons parlé avec Christelle Daunay, multiple championne de France (cross, 10 km, 10 000 m, semi-marathon, marathon) et championne d’Europe du marathon en 2014.
Son message est limpide : « On reprend très progressivement, parfois en alternant course et marche. »
Même discours chez Mekdes Woldu, 20ᵉ des Jeux olympiques de Paris, actuelle recordwoman de France du 10 km, 10 000 m, semi-marathon et marathon. Une athlète à 180 km hebdomadaires en moyenne, qui pèse entre 40 et 45 kg grand max, surentraînée, adaptée à l’impact… et pourtant : « Quand je reprends, c’est 10 minutes, et pas d’un seul trait. Je marche. »
Oui, vous avez bien lu : une marathonienne olympique commence… en alternant course et marche.
Alors que beaucoup de cyclistes persuadés de leur condition aérobie imaginent pouvoir attaquer directement par un footing de 45 minutes à 13 ou 14 km/h, et parfois voir plus pour certains…
Cela n’a aucun sens. Et c’est précisément là que les problèmes commencent.
Courir : un stress biomécanique très différent du vélo
Sur le vélo, le corps est porté. En course, chaque foulée génère 3 à 4 fois le poids du corps à l’impact. Les tissus doivent absorber, relâcher, réabsorber… des milliers de fois.
La condition cardiovasculaire du cycliste aide à ne pas être essoufflé, mais le reste du corps n’est pas prêt. D’où l’importance d’une montée en charge lente et structurée…
- Reprendre intelligemment : le protocole 3 séances / semaine
- Objectif : courir 45 min en continu, à ~6’/km
- Durée : environ 6 à 8 semaines
- Règle n°1 : terminer chaque séance avec du jus.
- Règle n°2 : ne pas courir trop vite.
- Règle n°3 : accepter d’avoir l’impression de « faire trop peu ». C’est normal.
La proposition de reprise selon 3bikesSEMAINE 1
SEMAINE 2
SEMAINE 3
SEMAINE 4
SEMAINE 5
SEMAINE 6
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Et maintenant ? Construire sans brûler les étapes
À ce stade, vous êtes capable de courir 45 minutes d’un seul trait, à allure confortable, environ 6 min/km pour 80 % du temps.
Autrement dit : vous courez sans être essoufflé, avec une foulée relâchée.
Vous avez déjà intégré trois ingrédients essentiels :
- Les variations d’allure
On appelle cela le fractionné ou le fartlek.
L’idée : courir un peu plus vite pendant de très courtes périodes (+50 % de la vitesse de base, mais jamais plus d’1 minute d’affilée) pour dynamiser la foulée et varier le geste.
- Le seuil léger
Un peu plus soutenu que l’allure habituelle (environ +20 % de la vitesse de base), mais toujours contrôlé.
On apprend à être à l’aise « un peu vite », sans forcer.
- Le travail ludique court
De petits blocs rapides, courts, amusants → idéal pour casser la monotonie, développer la coordination et apprendre à courir « bien », sans tension.
La suite logique
Une fois ces bases intégrées, on peut progressivement :
- Allonger la durée des sorties
- Rendre les variations d’allure plus structurées (ex. : 45’’/45’’, 1’/1’, 2’/1’…)
- Allonger légèrement les blocs proches du seuil
Ce n’est pas pour aller plus vite. C’est pour apprendre au corps à encaisser, à absorber l’impact, à se renforcer naturellement. L’idée n’est jamais de performer tout de suite, mais de s’adapter sans se blesser.
Pourquoi jouer avec les allures ?
Pour progresser… et ne jamais s’ennuyer. Les variations d’allure (20/40, 30/30, 45/45…) sont simples à comprendre : un temps rapide / un temps lent. Elles ont deux grands avantages…
- Efficaces sans être épuisantes : De courtes accélérations suffisent à stimuler le corps : le cœur, la coordination, la foulée… Sans accumuler trop de fatigue.
- Ludiques et dynamiques : Elles créent du rythme dans la séance → on ne voit pas le temps passer.
Elles favorisent aussi :
- Une foulée plus efficace (on apprend à courir « propre »)
- Une meilleure économie de course (moins d’énergie pour la même vitesse)
- Une répartition différente des impacts
→ le corps alterne les contraintes, au lieu de subir toujours la même répétition
En résumé,
On progresse plus, en s’ennuyant moins, tout en se blessant moins.
→ Difficile de faire plus gagnant.
Renforcement : l’assurance-vie du coureur selon 3bikes
La course impose des contraintes. Un minimum de renforcement change tout… 1 à 2 séances / semaine suffisent :
- Gainage
- Ischios
- Mollets
- Fessiers
- Pieds/chevilles
- 5 -15 minutes, pas plus.
C’est un investissement minime pour un bénéfice maximal :
- Meilleure posture
- Prévention blessures
- Rendement
Le cycliste en manque souvent → priorité ++ (voir +++)
Les bénéfices psychologiques et sociaux
Reprendre la course à pied :
- Reconnecte au corps
- Stimule le mental
- Améliore le sommeil
- Aide à l’auto-efficacité
- Apporte un sentiment de liberté
- Permet de s’entraîner en groupe, rapidement, près de chez soi
Peu de matériel, peu de contraintes → grandes récompenses.
Le message essentiel : l’humilité comme accélérateurSi Christelle Daunay et Mekdes Woldu, championnes, recordwomen, olympiennes, reprennent en alternant course et marche… …alors un cycliste, même très en forme, doit commencer bas. Le secret de la progression, c’est l’humilité. On n’accélère jamais autant qu’en commençant lentement. |
En résumé
- Le cycliste a le cœur, pas les tendons
- Reprendre = alterner course + marche
- Progressivité absolue
- Objectif : 45’ facile à 6’/km
- Variations d’allure ensuite
- Renforcement minimal indispensable
- Bénéfices : physiques, mentaux, sociaux
Pour conclure
Reprendre la course quand on vient du vélo, ce n’est pas « faire du cardio autrement ». C’est réapprendre à encaisser le sol. La bonne nouvelle ? En allant doucement, en construisant patiemment, le plaisir vient très vite.
Et avec lui, une forme nouvelle, complémentaire, puissante.
Courir, c’est poser le corps au sol. Bien courir, c’est lui laisser le temps d’y revenir.
Alors, cet hiver, faites simple : lentement, moins longtemps, plus souvent. Et souvenez-vous : même les plus grandes recommencent petit.
=> Pour comprendre concrètement comment passer du vélo à la course sans se blesser, découvrez cet excellent article pratique : Transitioning from Cycling to Running: Start Slow and Build Smart.
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