Partager la publication "Quand le triathlon forge le cycliste – et inversement : l’exemple Théo Ramirez"
Un samedi de septembre, sur les routes vallonnées de Margny-sur-Matz, un jeune homme a pris le départ d’une course cycliste presque incognito. Triathlète de formation, il s’aligne rarement sur ce type d’épreuve. Pourtant, ce jour-là, il a fait exploser le peloton à la force de ses jambes, avant de s’envoler seul vers la victoire. Son nom : Théo Ramirez, 20 ans, licencié à Amiens Triathlon. Cette performance, impressionnante par son audace et sa maîtrise, n’est pas qu’un simple succès en course. Elle pose une question passionnante pour tous les passionnés d’endurance : qu’apporte le triathlon au cyclisme, et inversement ? À travers son parcours et ses mots, Théo nous invite à plonger dans ce dialogue fertile entre deux disciplines qui s’enrichissent mutuellement – et à comprendre comment, de cette complémentarité, naît un athlète plus complet.
Par Jeff Tatard – Photos : DR
Sa victoire sur cette course cycliste où nous l’avons rencontré pour 3bikes n’a pas seulement marqué par la manière. Elle illustre une question fascinante pour tous les passionnés d’endurance : quand un triathlète passe sur le vélo, qu’a-t-il de particulier ? Et inversement, que peut apprendre un triathlète de la culture cycliste ?
À travers son parcours et ses mots, nous allons explorer ce dialogue entre disciplines, riche d’enseignements pour tous ceux qui aiment rouler, courir, nager… ou simplement progresser.

Le triathlon, école de l’endurance et du mental
Le triathlon est un sport où l’on apprend à gérer. Gérer son corps, son énergie, son effort. Pas de roue à prendre, pas de coéquipier pour boucher les trous : la performance est d’abord individuelle. Théo le résume ainsi : « En tri, tu es seul contre toi-même. Tu ne peux pas te cacher. »
Cette école forge des qualités précieuses pour le vélo :
- Endurance au long cours : savoir maintenir une intensité soutenue pendant plusieurs heures.
- Gestion de l’effort : doser ses forces sans jamais se laisser griser trop tôt.
- Résilience mentale : supporter la douleur, apprivoiser la fatigue, rester lucide malgré la souffrance.
Ce bagage explique en grande partie l’aisance de Théo à Margny-sur-Matz. Là où d’autres explosent après une attaque, il a tenu. Là où certains doutent, il a continué à appuyer. Et il en tire une règle d’or : « Je préfère arriver rincé à la fin plutôt que d’attendre le sprint sans avoir rien fait. »
L’apport du cyclisme : intensité et stratégie
Mais l’histoire n’est pas à sens unique. Le cyclisme a aussi beaucoup à offrir à un triathlète. Première différence : la dynamique de course. Un peloton vit d’accélérations brutales, de phases de récupération, d’attaques tactiques. Là où le triathlon impose un effort linéaire, le vélo apprend à gérer les à-coups. Théo le souligne avec franchise : « En vélo, ça marche par à-coups, avec des phases d’intensité et de récup. C’est pas le même effort que le tri. »
Deuxième apport : la stratégie collective. Lire une course, comprendre qui collabore, qui temporise, savoir se placer : autant de compétences peu utilisées en triathlon mais déterminantes sur deux roues. Même si Théo a été surpris par certaines attitudes – « beaucoup moins de collaboration qu’en tri » – il reconnaît que cette expérience lui ouvre un nouveau champ d’apprentissage.
Enfin, il y a le volume de haute intensité. Rouler dans un peloton nerveux, multiplier les attaques, tenir une échappée : autant de stimulations physiologiques qui enrichissent l’entraînement triathlétique, souvent centré sur la régularité.
L’exemple Ramirez : un équilibre hybride
Le parcours de Théo illustre parfaitement ce dialogue. L’hiver, il roule peu, se concentre sur la natation et la course à pied. Le vélo revient au printemps, puis devient central en été, quand les triathlons se calment. « Cet été, j’ai quasi fait que du vélo. Je me suis fait plaisir en montagne, à grimper des cols à bloc. Pas de plan précis, juste l’envie. » Un entraînement hybride, à la fois structuré par son coach et dicté par ses sensations. Quelques séances de PMA ajoutées récemment pour affûter son explosivité, mais toujours cette boussole simple : le plaisir et l’écoute du corps.
Et c’est là toute sa singularité. Entre la rigueur du triathlon et la liberté du vélo, Théo trouve un équilibre qui lui permet de progresser sans se brider.
Le mental, fil conducteur
Qu’on parle de triathlon ou de cyclisme, une constante revient : la tête décide autant que les jambes. Théo le dit clairement : « Je regarde mon compteur, je sais que ça va faire mal, mais je préfère tout donner. » Cette approche, héritée du triathlon, l’aide dans les courses vélo. Mais l’inverse est vrai : l’exigence tactique du cyclisme l’oblige à réfléchir différemment, à sortir du simple duel avec lui-même.
Ainsi, chaque discipline nourrit son mental :
- Le triathlon enseigne la résilience individuelle.
- Le vélo impose la réactivité collective.
Pour un athlète complet, conjuguer les deux, c’est l’assurance d’un mental plus riche, plus adaptable.
Inspirations et philosophie
Comme beaucoup de jeunes triathlètes français, Théo a grandi en admirant Vincent Luis, modèle de constance et de panache. Côté vélo, ses références sont tout aussi parlantes : Thibaut Pinot pour l’émotion, Remco Evenepoel pour l’audace. On comprend mieux ses choix : des coureurs capables d’attaquer de loin, de rouler seuls, de tout donner. Des hommes qui préfèrent échouer en ayant osé plutôt que gagner sans panache.
Et Théo de conclure par une maxime qui résume tout son état d’esprit : « Prendre du plaisir et borner, faire ce que j’ai envie, parce que c’est pas dans vingt ans qu’il faudra le faire. Je me sens mieux sur mon vélo qu’en boîte de nuit. »
Ce que les lecteurs peuvent retenir
Pour nos lecteurs cyclistes, l’histoire de Théo est bien plus qu’un récit de victoire. C’est une source d’enseignements concrets :
- Tester d’autres disciplines : nager, courir, varier ses entraînements enrichit le vélo.
- S’entraîner seul : apprendre à se fier à ses sensations, à construire un effort sans l’aide d’un groupe.
- Valoriser le plaisir : ne pas oublier que la performance se nourrit aussi du plaisir immédiat.
- Jouer sur les deux tableaux : la rigueur du tri + la nervosité du vélo = un athlète plus complet.
Et pour les triathlètes, la leçon est claire : oser affronter un peloton peut renforcer explosivité, tactique et gestion des intensités.
Et pour conclure : un dialogue à cultiver
La victoire de Théo Ramirez à Margny-sur-Matz n’est pas qu’un fait divers local. C’est le symbole d’une richesse à exploiter : celle des passerelles entre disciplines. Le triathlon forge des qualités précieuses pour le vélo : endurance, gestion, mental. Le cyclisme, en retour, aiguise intensité, tactique et instinct de course. Ensemble, ils construisent des athlètes complets, capables d’affronter toutes les situations.
Théo n’en est qu’au début de son chemin. Mais son exemple rappelle une vérité simple : les frontières entre sports d’endurance sont faites pour être franchies. Et c’est dans ces allers-retours que naissent les plus belles échappées.
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