Les 30/30 : une méthode éprouvée, mais pas universelle

Les intervalles 30/30, qui consistent à alterner 30 secondes d’effort intense suivies de 30 secondes de pédalage léger, sont un classique de l’entraînement cycliste pour améliorer le VO₂max, c’est-à-dire la capacité maximale du corps à utiliser l’oxygène pendant l’effort. Mais tous les cyclistes ne tirent pas le même bénéfice de cette méthode. Selon le type de pratiquant, l’efficacité des 30/30 peut varier. Voici pourquoi et comment adapter cet entraînement pour optimiser ses effets.

Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com

Selon les plans d’entrainement les plus courants, les 30/30 sont programmés à une intensité de 125 à 145 % de la FTP (Functional Threshold Power, ou puissance au seuil fonctionnel), en alternant 30 secondes d’effort dans la zone cible avec 30 secondes de récupération active. L’objectif de ce type d’exercice est de créer une forte demande en oxygène, pour forcer le cœur à travailler à un débit proche de son maximum, de manière à stimuler les adaptations cardiovasculaires nécessaires pour augmenter le VO₂max. Selon une étude publiée dans le Journal of Sports Sciences (2020), les intervalles courts à haute intensité comme les 30/30 sont efficaces pour améliorer la capacité aérobie, notamment chez les athlètes ayant une base aérobie plus faible.

Pour les coureurs très endurants mais qui manquent un peu de punch, ceux qui excellent dans les efforts longs mais peinent sur les sprints ou les accélérations courtes, les 30/30 à 125-145 % de la FTP sont suffisamment intenses pour les pousser à la limite. Ces cyclistes terminent souvent ces intervalles à bout de souffle, signe que le stimulus aérobie est atteint.

Cependant, pour les coureurs qui profitent d’une forte puissance anaérobie, ces mêmes intervalles peuvent sembler trop faciles. Une intensité de 125-145 % de la FTP ne suffit pas à les faire haleter, ce qui limite l’impact sur leur VO₂max. Pourquoi ? Parce que leur physiologie leur permet de d’escamoter la difficulté ressentie de ces efforts, en s’appuyant sur des mécanismes anaérobies plutôt qu’aérobies.

Pourquoi les 30/30 sont plus faciles pour certains

Les coureurs aux fortes capacités anaérobie bénéficient de trois avantages physiologiques qui réduisent l’efficacité des 30/30 traditionnels pour stimuler leur VO₂max :

  • Régénération rapide de la phosphocréatine (PCr) : leurs muscles régénèrent rapidement les réserves d’ATP-PCr pendant les 30 secondes de récupération. Cela leur permet de produire de l’énergie sans solliciter pleinement leur système aérobie lors des intervalles d’effort. Une étude de Sports Medicine (2017) montre que les athlètes avec une forte capacité anaérobie récupèrent jusqu’à 50 % de leurs réserves de PCr en 30 secondes, réduisant ainsi la demande en oxygène.
  • Meilleure capacité de tamponnage glycolytique : les fibres musculaires de type II, prédominantes chez ces coureurs, ont une capacité supérieure (environ 50 %) à neutraliser le lactate et les ions H⁺. Cela retarde l’acidose, empêchant l’effort de pousser le système aérobie à son maximum, comme expliqué dans une analyse de Frontiers in Physiology (2019).
  • Efficacité neuromusculaire : ils recrutent préférentiellement des fibres à contraction rapide, qui consomment moins d’oxygène par watt produit. Résultat : ils peuvent maintenir la puissance cible sans atteindre la fréquence cardiaque associée au VO₂max, selon des recherches publiées dans European Journal of Applied Physiology (2018).

En résumé, si vous terminez vos 30/30 en vous sentant facile ou en appréciant l’exercice, il y a de fortes chances que vous soyez ce type de coureur. Ces intervalles ne vous poussent pas assez pour générer le stimulus VO₂max attendu, contrairement à un effort soutenu de 5 minutes à la limite de votre capacité aérobie.

Pour travailler le VO2Max, des efforts plus longs peuvent être plus efficaces.

Comment adapter les 30/30 

Pour les coureurs à forte capacité anaérobie, il est crucial d’ajuster les 30/30 pour qu’ils sollicitent véritablement leur VO₂max. Pour les optimiser, augmentez l’intensité à 150-170 % de la FTP, voire plus, afin de maximiser la demande aérobie et solliciter pleinement le système cardiovasculaire. Réduisez les périodes de récupération à 15-20 secondes pour limiter la régénération de la phosphocréatine, et maintenir ainsi une forte sollicitation aérobie, comme recommandé dans les protocoles HIIT. Prolongez les blocs d’intervalles à 8-12 répétitions par série, avec plusieurs séries, pour accumuler la fatigue et forcer le système aérobie à s’activer. Enfin, complétez votre entraînement avec des efforts soutenus de 3 à 5 minutes à 95-100 % du VO₂max (environ 110-120 % de la FTP) pour maximiser les gains aérobies.

Testez votre profil et ajustez votre entraînement

Pour savoir si vous êtes un diesel ou un coureur punchy, observez votre ressenti pendant les 30/30. Si vous les trouvez relativement faciles et récupérez rapidement, augmentez l’intensité ou modifiez la structure des intervalles. Si, au contraire, vous êtes à bout de souffle après chaque effort, le protocole classique est probablement adapté à votre profil.

Un test simple recommandé par de nombreux entraîneurs consiste à comparer votre puissance sur un sprint de 30 secondes à celle d’un effort de 5 minutes. Si votre puissance sur 30 secondes est significativement plus élevée (par exemple, 50 % de plus), vous êtes probablement un coureur punchy (Friel, J. (2021). The Cyclist’s Training Bible. VeloPress).

Personnalisez vos 30/30 pour des gains optimaux

Les intervalles 30/30 sont un outil puissant, mais leur efficacité dépend de votre profil physiologique. Pour les diesels, le protocole standard à 125-145 % de la FTP est idéal. Pour les cyclistes plus dynamiques, il faut intensifier les efforts et ajuster les récupérations pour véritablement stimuler le VO₂max. En adaptant ces intervalles à votre physiologie, vous optimiserez vos progrès, que vous soyez un sprinteur explosif ou un grimpeur endurant.

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Guillaume Judas

  - 54 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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