Partager la publication "Pauline Ferrand-Prévôt face au défi du Rwanda : le poids de la performance, le poids des choix"
Il y a deux jours, la nouvelle est tombée : Pauline Ferrand-Prévôt sera au départ des prochains championnats du monde au Rwanda. Un mois seulement après l’annonce, deux mois après son triomphe au Tour de France Femmes, et à la veille de ce qui s’annonce comme le Mondial le plus exigeant de l’histoire, la question se pose : comment maintenir un tel état de forme, et surtout, comment maintenir ce poids qui a tant fait parler ?
Par Jeff Tatard – Photos : Tornati CC/Prologo / Instagram Pauline Ferrand-Prevot
Parce que derrière l’exploit, il y a le débat. En choisissant d’affiner son corps de quelques kilos pour maximiser son rapport poids/puissance, PFP a assumé une stratégie, encadrée, qui a payé. Mais à l’heure d’aborder le Rwanda et ses ascensions interminables, chacun se demande :
• Va-t-elle conserver ce poids « de Tour »?
• Va-t-elle forcément en reprendre pour mieux récupérer avant d’éventuellement reperdre ?
• Est-il même réaliste d’imaginer qu’une athlète de ce niveau puisse rester “au cordeau” pendant deux mois, sans que cela ait un coût physiologique et mental ?
Une frontière ténue
La maigreur dans le cyclisme n’est pas un sujet neuf. Depuis toujours, les grimpeurs jouent avec cette limite : trouver le poids idéal, celui où le corps ne porte aucun gramme de trop, mais où il conserve toute sa force. C’est une ligne de crête. Et comme souvent en haute montagne, un pas de travers et la chute peut être brutale : perte de puissance, fatigue chronique, blessures, troubles alimentaires.
Ce que vit Pauline Ferrand-Prévôt aujourd’hui, c’est l’exposition maximale de ce dilemme. Elle a su trouver sa clé pour le Tour. Mais le danger, c’est de croire que ce poids doit devenir la norme permanente. Or, le poids de forme n’est pas un chiffre gravé dans le marbre : il varie selon la saison, les objectifs, l’équilibre global de l’athlète.
Le Rwanda, un test ultime
Le parcours du Mondial 2025, nous l’avions écrit il y a un an déjà après le sacre de Pogacar : ce sera sans doute le championnat du monde le plus dur de l’histoire. Des pentes africaines raides, un climat éprouvant, une intensité extrême. Là encore, on ne gagne pas qu’avec des grammes en moins : on gagne avec une fraîcheur préservée, une récupération optimale, une résilience mentale intacte.
Alors, que va-t-il se passer ?
À court terme, il est probable que PFP ait à relâcher un peu la pression, reprendre du poids, puis ajuster de nouveau en vue du Rwanda. Ce cycle est normal, presque nécessaire. Mais l’essentiel n’est pas de savoir combien elle pèsera sur la balance le matin du Mondial. L’essentiel, c’est de savoir si elle sera capable d’aligner puissance, fraîcheur et confiance — car le corps n’est jamais qu’un outil au service de l’esprit.
Le vrai enjeu : le message
Au-delà de la championne, c’est le message qui compte. Le cyclisme a trop souvent entretenu une fascination pour la maigreur, comme si elle était la condition unique du succès. Or, ce n’est pas être maigre qui fait gagner : c’est être forte, équilibrée, entière.
La victoire de PFP au Tour restera historique. Mais si son triomphe au Rwanda devait advenir, espérons qu’il soit lu autrement : non pas comme l’apologie d’un corps affûté à l’extrême, mais comme la démonstration d’une intelligence rare, d’un sens de la préparation, d’une capacité à jouer avec ses ressources sans jamais se brûler.
Parce qu’au fond, c’est cela le vrai secret des championnes : non pas peser moins, mais savoir peser leurs choix.
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