Pourquoi la Zone 2 est essentielle à la progression

Dans le vélo, on entend souvent parler de FTP (Functional Threshold Power), de records de puissance ou de grosses cuisses. Mais ce qui distingue un cycliste capable de réaliser des performances sur la durée, ce n’est pas seulement sa capacité à rouler ou à grimper vite. C’est sa base aérobie, construite grâce à un entraînement régulier en zone 2. Trop de pratiquants négligent cette zone, pourtant essentielle, et voient leur progression stagner. Voici pourquoi.

Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com

Qu’est-ce que la Zone 2 ?

La zone 2 correspond à une intensité modérée, généralement entre 75 et 85 % de votre fréquence cardiaque maximale ou à environ 55-75 % de votre FTP. À ce rythme, vous pouvez parler sans être essoufflé, mais l’effort reste soutenu (il ne s’agit pas de promenade en roue libre). C’est la zone où votre système aérobie travaille efficacement, pour développer l’endurance et l’efficacité énergétique sans accumuler de fatigue excessive.

Comment voir que vous manquez de temps passé en Zone 2 ?

Un pratiquant qui néglige le temps passé en Zone 2 montre des faiblesses révélatrices, bien au-delà d’un niveau qui stagne au fil des mois. Lorsque la base aérobie est insuffisante, on constate plusieurs phénomènes :

  • Un cœur moins efficace : un système aérobie sous-développé limite la progression du VO₂max (capacité maximale à utiliser l’oxygène) et réduit le nombre de mitochondries, les usines énergétiques des cellules (Holloszy, J. O., & Coyle, E. F. (1984). Adaptations of skeletal muscle to endurance exercise and their metabolic consequences. Journal of Applied Physiology.). Résultat : vous fatiguez plus vite.
  • Plus de dépendance au glycogène : avec trop peu d’entraînement en Zone 2, votre corps brûle principalement du glycogène à l’effort, plutôt que des graisses, ce qui peut conduire à des fringales et à une fatigue précoce lors des longues sorties (Brooks, G. A. (2018). The science and translation of lactate shuttle theory. Cell Metabolism).
  • Une récupération plus lente : une base fragile surcharge le système nerveux, ralentit la récupération et augmente le risque de stagnation ou de blessures (Seiler, S. (2010). What is best practice for training intensity and duration distribution in endurance athletes? International Journal of Sports Physiology and Performance).
  • Moins de tolérance aux grosses charges d’entrainement : sans fondation solide, les efforts longs deviennent difficiles, et vous plafonnez rapidement.
  • Un essoufflement rapide : une mauvaise capacité aérobie accélère la production de lactate, ce qui rend les efforts à haute intensité très difficiles (Billat, V. L. (2001). Interval training for performance: A scientific and empirical practice. Sports Medicine).
  • Plus de risques de blessures : la fatigue qui résulte d’efforts violents sans une préparation suffisante en amont augmente les risques de tendinites ou de surentraînement (Meeusen, R., et al. (2013). Prevention, diagnosis, and treatment of the overtraining syndrome. Medicine & Science in Sports & Exercise).
  • Des progrès techniques limités : sans longues sorties à faible intensité, vous manquez de temps pour peaufiner votre position, votre technique de pédalage ou votre pilotage.
Cyclisme Zone 2
Rouler le plus souvent possible en Zone 2 développe de nombreuses qualités qui favorisent la progression à long terme.

Pourquoi rouler en Zone 2 change la donne

La zone 2 est une intensité d’entrainement sur laquelle repose toute performance durable à vélo. Avant même l’apparition des cardiofréquencemètres, des capteurs de puissance, des outils d’analyse ou des ouvrages proposant des plans d’entrainement, les cyclistes faisaient de leur base foncière une condition indispensable à la réussite de leur saison. Ils parlaient en nombre de bornes, ou en heures de selle, mais n’étaient finalement pas si loin de la réalité. Aujourd’hui encore, ceux qui ne roulent qu’aux sensations ou qui accumulent les sorties à bonne allure mais sans plan précis ne se s’en sortent pas moins bien que ceux qui ne font pratiquement que du home-trainer à haute intensité.

La Zone 2, telle que définie plus haut, permet d’améliorer significativement votre endurance. En renforçant votre système aérobie, vous pouvez rouler plus longtemps sans vous épuiser. Élever le niveau d’endurance permet aussi une meilleure utilisation des graisses comme carburant, et d’économiser les réserves de glycogène. Les coups de fatigue sont ainsi repoussés, et vous conservez plus d’énergie pour les efforts décisifs en fin de sortie ou d’épreuve. Enfin, rouler de façon contrôlée en Zone 2 permet d’accumuler du volume d’entrainement sans surcharge excessive, ce qui favorise une progression constante dans le temps.

Des études montrent que les athlètes d’endurance comme les cyclistes professionnels consacrent environ 80 % de leur temps d’entraînement à des intensités faibles à modérées, comme la Zone 2, pour maximiser leur efficacité énergétique et leur récupération (Stöggl, T., & Sperlich, B. (2015). The training intensity distribution among well-trained and elite endurance athletes. Frontiers in Physiology).

Comment intégrer la Zone 2 dans votre entraînement ?

Pour être sûr d’augmenter votre temps d’entrainement en Zone 2, il faut déjà la déterminer. Utilisez un cardiofréquencemètre ou un capteur de puissance, et basez-vous sur votre fréquence cardiaque maximale (la Zone 2 se situe entre 75 et 85 % de votre FC max) ou sur votre FTP (entre 55 et 75 %). Vous constaterez que la Zone 2 n’est pas une simple promenade de santé, mais que vous êtes un peu occupé, concentré sur un effort régulier, pas difficile mais pas complètement anodin non plus. Si vous n’avez pas de capteur, fiez-vous à votre ressenti : vous devez pouvoir parler sans être essoufflé, mais vous restez légèrement en prise. Pour optimiser le temps passé en Zone 2, sachez lever le pied dans les parties ascendantes pour rester en confort, mais aussi pédaler énergiquement dans les parties descendantes, pour rester dans la zone.

Prévoyez deux à trois sorties par semaine en Zone 2 uniquement, dont une de minimum trois heures, voire plus selon votre niveau. L’objectif est d’accumuler du temps à cette intensité.

Rouler en Zone 2 doit représenter environ 80 % de votre volume hebdomadaire. Mais il vous faut compléter avec des séances de fractionnés ou de travail de seuil pour travailler la puissance, en plus des séquences en récupération active bien entendu.

Enfin, faites preuve de patience. Les bénéfices de ce genre de travail se construisent sur plusieurs semaines. L’assiduité à l’entrainement reste la clé de la progression.

Réorienter les intensités d’entrainement

Grâce ou à cause des outils et des applications modernes d’entrainement, de plus en plus de pratiquants ont pris conscience de la nécessité de calibrer les séances pour chaque sortie soit productive. Mais à trop en vouloir, certains en oublient l’essentiel : sans fondations solides, il est impossible de progresser durablement. C’est ce que l’on voit souvent chez ceux qui roulent beaucoup sur home-trainer, uniquement en circuit avec d’autres cyclistes (comme à Longchamp), ou qui roulent seuls sans les conseils d’un coach. Ils pensent No Pain No Gain, mais finissent souvent par se décourager, faute de résultats.

Rouler en Zone 2 n’est pas très excitant mais c’est indispensable. En construisant une base aérobie solide, vous améliorez votre endurance, retardez la fatigue et réduisez les risques de blessures. C’est la fondation qui permet ensuite aux efforts intenses de faire toute la différence.

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Guillaume Judas

  - 54 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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