Partager la publication "Pourquoi les coureurs tombent-ils malades dans la troisième semaine du Tour ?"
Chaque année, on le voit revenir comme un métronome : ce coup de moins bien, cette gorge qui gratte, ce regard fiévreux au départ de la 18e étape. Les signes ne trompent pas. La troisième semaine du Tour est souvent celle où les organismes lâchent. Pas toujours dans l’effort, mais dans la résistance invisible : celle de l’immunité. Et la question revient : pourquoi tombent-ils si souvent malades à ce moment-là ?
Par Jeff TATARD – Photos : Instagram gowift, Instagram tntsportcycling
Trois semaines de guerre douce
Le Tour de France, c’est 21 étapes, des cols, du vent, de la pluie, de la canicule, des chutes, des émotions, des nuits hachées, des podiums manqués, des transferts nocturnes. Bref, un millefeuille de stress et de dépenses énergétiques. Et si le corps tient bon sur les watts, le système immunitaire, lui, encaisse chaque jour.
À force de tirer sur la machine, il finit par céder. Pas d’un claquement de doigts. Mais insidieusement. Comme si le corps disait « J’ai tenu 17 jours. Tu peux pas me demander 4 de plus. »
Le jour de repos… ou le piège du relâchement
Le jour de repos est censé être une bouffée d’air, un sas. Mais pour l’organisme, c’est souvent l’inverse : le relâchement brutal du rythme provoque une rupture d’équilibre. On ne force plus, le système nerveux se détend, la température corporelle descend… et les défenses immunitaires flanchent.
La preuve cette année avec Mathieu Van der Poel, obligé de quitter la course après la journée de repos, foudroyé par une pneumonie déclarée dans la nuit. On parle ici d’un coureur hors norme, taillé dans le granit, capable de tenir 260 km vent de face… et pourtant mis à terre par un virus invisible, au lendemain d’un jour sans chrono.
Pogacar fatigué, Alaphilippe enroué… les signes sont lÃ
Même Pogacar, visage fermé, traits tirés, commence à donner l’impression que la machine n’est plus aussi lisse. Pas de chute de performance flagrante, mais ce petit quelque chose dans l’attitude qui trahit l’usure. Le genre de détails qu’on ne voit qu’à ce niveau-là .
Et derrière, les autres ressentent aussi l’érosion. Julian Alaphilippe l’a confié après sa 3e place à Carcassonne : la gorge pique, ça racle un peu.
Sur le plateau de Vélo Club, Thomas Voeckler n’a pas hésité : « Ce soir, Julian, tu te barres direct à l’hôtel, tu te couvres, tu parles à personne. Sinon t’es fichu. »
Quand les coureurs gardent leurs distances… même avec les micros
L’ambiance dans le peloton, depuis quelques jours, c’est presque celle d’un couvent hygiéniste. Masques remis dès l’arrivée, poignées de main évitées, gel dans les poches des soigneurs.
Mardi au Ventoux, un coureur de Cofidis a même demandé à  Céline Rousseaux de prendre un peu de recul pendant l’interview. Pas par arrogance. Juste par prudence. Parce qu’à ce moment-là du Tour, chaque postillon peut être celui de trop.
Gagner le Tour, c’est aussi survivre à ses microbes
Les staffs le savent. Les soigneurs aussi. On ne gagne pas un grand Tour sans protéger son système immunitaire. C’est devenu une discipline à part entière : nutrition calibrée, compléments précis, protocole anti-infectieux, chambre isolée pour les leaders, et zéro contact inutile.
Certains coureurs, comme les leaders Ineos ou UAE, vivent quasiment en quarantaine mobile. D’autres, moins protégés, tombent les uns après les autres. Pas par manque de forme, mais par excès de microbes.
Et pendant ce temps-là …
… il y a celui qui pédale encore, les jambes lourdes mais la gorge claire, le regard flou mais sans fièvre. Celui-là a gagné un petit Tour dans le Tour : celui de la survie.
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