Tadej Pogačar : quand la posture devient domination

Le Tour de France 2025 entre demain dans sa troisième semaine décisive. L’étape du Mont Ventoux (mardi 22 juillet) ouvrira un triptyque final redoutable avec, en ligne de mire, deux géants alpins : le Col de la Loze (jeudi 24) et La Plagne (vendredi 25). L’arrivée se jouera ensuite sur un parcours inédit dans Paris, avec une ultime étape courte, nerveuse et symbolique, via la Butte Montmartre, avant un passage final sur les Champs-Élysées, le dimanche 27 juillet. À la veille de cette séquence ultime, Tadej Pogačar domine le classement général avec 4’13” d’avance sur Jonas Vingegaard. Solide à Luchon-Superbagnères (étape 14), serein dans les Pyrénées, il continue d’imposer sa loi… tout en restant toujours assis sur sa selle. Normal ou pas normal ?

Par Jeff Tatard – Photos : ©continental, ©depositphotos.com, DR

Car ce qui fascine autant que ses chiffres, c’est sa posture : Pogačar grimpe assis. Souvent. Longtemps. Fort.

Pour comprendre ce style devenu sa signature, 3bikes.fr a croisé trois regards complémentaires :

• Laurent Jalabert, ancien champion, aujourd’hui consultant France Télévisions

• Emmanuel Brunet, ancien responsable de la performance à la FFC

• José Lopez, coach biomécanicien, discret mais réputé dans les cercles de l’optimisation posturale

La posture : une arme de domination

Laurent Jalabert, en direct sur France TV, ne s’en cache pas : « Pogačar grimpe souvent assis. Pas par facilité, mais parce que c’est son mode de combat. »

Une phrase simple, mais lourde de sens. Car dans un peloton où la danseuse reste le réflexe face aux forts pourcentages, le Slovène reste vissé, plaqué sur sa selle comme sur un rail. Il ne bouge pas — c’est la montagne qui cède.

Géométrie et position : tout est calculé

Tadej Pogačar : quand la posture devient domination
Emmanuel Brunet, ancien responsable de la performance à la FFC, décrypte avec précision les choix biomécaniques qui transforment un style en avantage décisif. ©FFC

Pour Emmanuel Brunet, cette posture n’est ni intuitive, ni gratuite. C’est le fruit d’une construction chirurgicale : « Il est placé très en avant sur la selle. Son centre de gravité est aligné avec l’axe du pédalier, la selle est légèrement inclinée vers l’avant. Tout ça lui permet de rester assis sans perte de rendement, même à haute intensité. »

Ce positionnement permet un pédalage fluide, constant, sans oscillation inutile. L’angle hanche-tronc reste ouvert, la respiration abdominale est préservée — même sur des cols à plus de 10 %.

La selle inclinée : ce petit rien qui change tout

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José Lopez, expert discret mais incontournable de la performance posturale, décrypte les réglages qui font la différence quand la pente s’élève.

José Lopez, expert en posture vélo et coach technique, insiste sur un détail clé : « Cette légère inclinaison vers l’avant évacue la pression périnéale, stabilise le bassin, et surtout… évite les glissements inutiles. Il peut donc rester assis sans avoir à se réajuster en permanence. »

Un gain de confort… mais aussi un gain de watts. Selon lui, ce réglage précis est rare mais redoutablement efficace chez les grimpeurs puissants : « Certains l’essaient, mais très peu arrivent à le maintenir avec autant de régularité. »

Ventoux et Alpes : terrain de prédilection

Le Ventoux mardi (15,7 km à 7,4 %) après la journée de repos de lundi s’annonce chaud, venté, éprouvant. L’enchaînement avec les Alpes, et notamment les 5 500 m de dénivelé de l’étape de la Loze, créera un terrain parfait pour observer ce style : puissance assise, sans pic, sans relâche.

Là où les autres doivent relancer debout, Pogačar déroule, installé, compact, impassible. C’est un choix énergétique autant que mental : la stabilité devient une menace.

Tadej Pogačar : quand la posture devient domination
Depuis son plus jeune âge – ici sur le Tour 2021 – Tadej Pogacar a l’habitude de grimper presque toujours assis.

Avantage physique : entre génétique et entraînement

Enfin, Brunet et Lopez s’accordent : cette posture serait inopérante sans un corps parfaitement calibré. Pogačar dispose d’une mobilité postérieure remarquable (ischios, lombaires, hanches), d’un gainage central profond, et d’une coordination articulaire exceptionnelle (hanche-genou-cheville).

Il peut ainsi soutenir 400 à 420 watts assis, longtemps, sans désalignement ni perte mécanique.

Conclusion : le style Pogačar, c’est l’efficacité dans l’immobilité

À la veille de la dernière semaine, il y a fort à parier que, Pogačar n’aura pas besoin de changer de rythme pour dominer. Il restera assis — et c’est le peloton qui vacillera autour de lui.

Sur les pentes du Ventoux, dans les cols écrasants des Alpes, jusque dans la montée finale de Montmartre, ce n’est pas seulement sa puissance qui marquera les esprits, mais la constance de sa posture : un centre de gravité verrouillé, une selle subtilement inclinée, un corps parfaitement fixé… mais jamais figé dans l’intention.

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Jean-François Tatard

- 44 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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