Premier essai du nouveau Cervélo S5, la fusée de Vingegaard

Plus léger, plus aéro, toujours aussi rigide : le nouveau Cervélo S5 est-il toujours la référence ? 

Cervélo lance une nouvelle mouture de son célèbre S5, le vélo aérodynamique de la marque, déjà utilisé par les coureurs de Visma | Lease a Bike sur tous les terrains (y compris en montagne) depuis le Dauphiné. Si la machine évolue peu esthétiquement par rapport à la remarquable précédente version, c’est dans les détails qu’elle s’annonce plus rapide que jamais. Et après un premier galop d’essai à son guidon fin mai, près du siège de l’équipe Visma à ’s-Hertogenbosch aux Pays-Bas, nous pouvons confirmer que le nouveau Cervélo impressionne fortement.

Par Guillaume Judas – Photos : ©Cervélo – Gruber Images / ©3bikes.fr

Depuis 2011, le Cervélo S5 bouscule les codes esthétiques et aérodynamiques dans le milieu du vélo. Cette nouvelle version, déjà la cinquième itération, séduit ou rebute, mais ne laisse personne indifférent. Assez proche à première vue du modèle sorti et testé dans ces colonnes il y a à peine plus de deux ans, ce nouveau S5 progresse toutefois de manière significative, selon la marque, dans les domaines du poids et de l’aérodynamisme, tout en conservant sa rigidité (très élevée), sa stabilité (exceptionnelle) et sa compatibilité bienvenue avec des roues larges et des pneus de 32 mm.

Grâce à cette compatibilité, le Cervélo S5 était déjà utilisé sur les classiques comme Paris-Roubaix (notamment par Pauline Ferrand-Prévot, qui a remporté la course féminine en 2025). Avec ce (léger) gain de poids, il sera également utilisé sur les étapes de montagne du Tour de France par les coureurs de Visma | Lease a Bike, comme Jonas Vingegaard, en alternance avec le nouveau R5, qui devrait être présenté un peu plus tard dans la saison.

Une ligne toujours emblématique

Seuls les connaisseurs reconnaîtront d’un premier coup d’œil les évolutions esthétiques du nouveau Cervélo S5. Le cockpit se distingue, comme pour la précédente version, par sa forme particulière et son aérodynamisme poussé. Il est fixé directement à la fourche, qui enveloppe élégamment la douille de direction. Cervélo propose bien entendu des entretoises ajustables pour personnaliser la hauteur de la potence, avec une vis unique pour sécuriser le guidon à l’avant du vélo. Cette conception limite légèrement le braquage complet de la direction, ce qui peut compliquer le rangement dans une housse de transport ou un coffre de voiture.

À l’arrière, le vélo arbore un tube de selle sculpté pour épouser la roue, prolongé par une tige de selle d’une rectitude trompeuse. Pourtant, la géométrie du S5 reste comparable à celle d’un vélo classique, offrant une grande liberté de réglage pour le recul de la selle.

La jonction entre le tube de selle et les haubans, à la fois compacte et fluide, optimise l’écoulement de l’air, tout comme l’espace réduit entre le pneu et le cadre. Le boîtier de pédalier, généreusement dimensionné, s’appuie sur un tube diagonal qui suit les contours de la roue avant, renforçant l’aérodynamisme.

De face, le Cervélo S5 présente une silhouette élancée, pensée pour fendre l’air avec une résistance minimale. Son profil imposant, avec des tubes larges et des jantes hautes, pourrait suggérer une certaine instabilité, mais chaque détail a été minutieusement étudié pour allier performance et maîtrise.

Des gains mesurés

Sur le nouveau S5, Cervélo annonce une multitude de petites améliorations, pas forcément visibles au premier abord, mais plus sensibles sur la balance. La marque revendique un gain de poids de 29 g (c’est précis !) sur le cadre nu. Le poids est surtout réduit au niveau du poste de pilotage, 100 g plus léger dans cette nouvelle version, aux formes un peu plus affinées, avec un évasement plus marqué au niveau du bas du cintre par rapport à la position des poignées de frein, et qui perd les possibilités de réglage en inclinaison par rapport au modèle 2023. La fabrication monocoque et l’abandon de la visserie à ce niveau permettent d’économiser du poids (15 g), sans que l’ergonomie – excellente selon notre point de vue – en pâtisse. La tige de selle remaniée avec sa visserie perd également 33 g.

La fourche, quant à elle, prend un peu d’embonpoint, avec une cinquantaine de grammes supplémentaires en raison d’une partie basse plus large, pour gagner en aérodynamisme. Mais Cervélo compense avec de nouvelles roues Reserve de 57/64 mm de haut, plus légères que les 52/63 mm testées en 2023.

Ces roues, plus hautes, avec des jantes toujours aussi larges (35 mm de largeur extérieure pour la roue avant, 34 mm pour l’arrière), sont parfaitement intégrées au cadre pour limiter au maximum la traînée aérodynamique. Elles disposent même d’une jante asymétrique à l’arrière pour s’insérer idéalement avec un tube de selle légèrement asymétrique.

Sur le plan aéro, Cervélo annonce des arêtes de fuite et lignes de design plus marquées, ainsi qu’une colonne de direction plus profonde pour le cadre. La nouvelle forme du cockpit avec une ouverture de potence en V agrandie permet à la marque de revendiquer un gain de 6,3 watts à haute vitesse pour ce nouveau S5 par rapport à la version précédente, qui était déjà l’une des plus rapides du marché pour les vélos de route, selon de nombreux tests indépendants en soufflerie. Des chiffres que nous sommes incapables de vérifier dans le cas présent. Mais ce qui est sûr, c’est que la version haut de gamme essayée (avec un groupe Shimano Dura-Ace Di2) affiche le même poids avec les pédales (7,660 kg en taille 51) que le vélo testé en 2023 en SRAM Red sans les pédales. Soit un gain net de 220 g pour le vélo complet.

De là à atteindre les 6,8 kg – le poids limite UCI – comme l’affirme Cervélo avec un montage spécial pour Jonas Vingegaard, il y a tout de même un monde, et une affirmation qui nous laisse dubitatifs, même si l’équipe Visma | Lease a Bike n’hésite pas à monter des vélos en mono-plateau pour certaines occasions. De même, lorsqu’on interroge les ingénieurs de la marque sur le gain réel en watts de ce nouveau S5 avec d’autres roues que ces Reserve 57/64 spécialement conçues pour le vélo, ils semblent un peu embarrassés. Ils disent ne pas avoir de chiffres. Pourtant, si Vingegaard, Kuss ou Van Aert comptent faire la différence dans les cols, ce sera avec des roues aux jantes plus basses et plus légères. Ce nouveau Cervélo S5 ne serait-il qu’un coup marketing ?

Rigide, mais confortable

Pour ce premier essai du nouveau S5, direction les Pays-Bas et ’s-Hertogenbosch (Bois-le-Duc en français), là où se trouve l’impressionnant QG de l’équipe Visma | Lease a Bike, au moment où une petite armée de mécaniciens monte les vélos des équipes masculine et féminine, un bon mois avant la sortie officielle.

Au programme, une sortie plate en groupe d’une quarantaine de kilomètres, avec seulement quelques ponts d’autoroute, mais surtout un vent très violent et peu d’abris. Le terrain de jeu idéal du S5, un vélo conçu pour fendre l’air, et si possible à bonne vitesse.

Nous remarquons d’emblée le parti pris de Cervélo, qui propose, pour un vélo de série en taille 51, un cockpit de 38 cm de large, des manivelles de 165 mm et un grand plateau de 54 dents. C’est tout ce qu’il faut pour maintenir une posture agressive sur le vélo, avec les épaules rentrées et un angle entre les hanches et les cuisses qui favorise une position penchée vers l’avant. Les premières relances pour sortir du parking sont donc surprenantes, avec l’impression d’avoir peu de bras de levier en danseuse et de ne pas pouvoir déplier pleinement les jambes.

La machine se révèle hyper rigide, au moins autant que la précédente version. La partie avant et la partie arrière du vélo répondent comme un bloc, et il est inutile de compter sur un quelconque effet ressort du cadre ou des roues pour compenser un geste imparfait en danseuse. Le S5 est un vélo de pro, ou du moins d’athlète (très) entraîné. Il exige une coordination impeccable entre le haut et le bas du corps pour rester efficace, et si possible le maintien d’une bonne cadence de pédalage. Mais quand tout est réuni, c’est une véritable bombe. Le vélo est très rapide, et atteindre puis maintenir les 40 km/h semble ici plus facile qu’avec la plupart des vélos du marché.

Le vélo est très rapide, et atteindre puis maintenir les 40 km/h semble ici plus facile qu’avec la plupart des vélos du marché.

Au-delà de cette rigidité latérale, le Cervélo S5 ne malmène pas pour autant son utilisateur sur le plan longitudinal. Les pneus tubeless de 29 mm, parfaitement adaptés aux jantes larges, assurent confort et grip. La machine est rassurante dans les virages, tout en rebondissant très peu sur les mauvais revêtements. Une caractéristique qui permet de conserver une allure élevée, même sur les nombreuses bandes cyclables au bitume imparfait que l’on trouve aux Pays-Bas.

Une stabilité redoutable

Exigeant sur le plan sportif mais conciliant pour ce qui est de la durée possible de l’effort, le Cervélo S5 se distingue surtout par une stabilité démoniaque. Malgré des tubes larges, des roues très hautes, un espace très réduit entre les tubes et les roues, un vent latéral violent et en rafales, et malgré notre petit gabarit, jamais nous n’avons été aussi rassurés sur un vélo de cet acabit, et jamais nous n’avons ressenti autant d’efficacité sous de telles conditions. C’était déjà le point fort de la version précédente, mais ici, avec de nouvelles roues, Cervélo ajoute encore de la vitesse à cet équilibre.

On parle parfois de vélos exigeants, raides ou difficiles à rendre dynamiques. Le Cervélo S5 appartient à cette catégorie. Il n’est donc pas pour tout le monde. Il faut être entraîné ou expérimenté pour en profiter pleinement. Mais son assise sur la route et son côté imperturbable sous les rafales sont aussi très sécurisants. Ils apportent une certaine sérénité qui permet de se concentrer sur l’effort et sur les braquets utilisés. C’est aussi pour cette raison que le nouveau S5 est, selon nous, bien plus polyvalent qu’il n’y paraît, et finalement plus adapté à une large variété de terrains que son profil et sa rigidité ne pourraient le laisser penser.

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