Partager la publication "Denis Dugouchet, bâtisseur de routes et de rêves : un champion maître d’œuvre du Masters 2024"
Par Jeff Tatard – Photos : DR
Ce qui anime encore le coureur
À 57 ans, Denis Dugouchet reste animé par la même flamme qu’à ses débuts : “La passion du vélo et j’aime redonner ce que ce sport m’a apporté.” La compétition n’est plus l’unique horizon ; elle est devenue un levier : transmettre, fédérer, rendre ce qu’il a reçu. Il l’avoue avec la modestie de ceux qui savent ce que donner veut dire : “Oulaaa non ! Malheureusement, j’ai toujours l’envie, c’est le principal.” Et si aujourd’hui il ne se fixe plus tant sur la performance, cette envie est plus puissante que jamais.
L’homme, le coureur, la résilience

Entre 1986 et 2000, Denis a vécu 14 ans en première catégorie. Son parcours a été jalonné de victoires, de défaites, aussi. Mais tout s’est trouvé bouleversé en 2005 : “victime d’un accident…, 2 vertèbres fracturées. J’ai toujours des séquelles aujourd’hui, mais la passion est plus forte que la douleur.” Une vérité radicale : quand on aime, on se relève. Après une période d’arrêt, le vélo n’était plus seulement un sport, mais une urgence, un repère dans la reconstruction personnelle.
Denis ne s’embarrasse pas de tristesse : “Les moments les plus durs, je les ai oubliés.” La mémoire, chez lui, retient le positif : la camaraderie, les lignes d’arrivée, les instants partagés. “Ma carrière en elle-même, les rencontres, les victoires, les défaites : ce ne sont que des bons souvenirs.” Un homme d’équilibre émotionnel, qui fait la part du passé volontairement.

Mécanicien à Herblay : l’autre versant de la passion
Arrivé quasiment par hasard à Herblay, il fait désormais partie de la famille de « Matériel Vélo » : “Aujourd’
La mécanique ? Ce n’est pas un artifice : cela l’a formé à connaître son vélo, et surtout son corps : “Si je prépare un objectif, je suis capable de faire le ‘JOB’ comme un jeune premier.” Mais pour lui, la technique reste un pont vers la connaissance de soi et de la machine — et un service à ceux qui roulent aujourd’hui : “Je vois que beaucoup privilégient l’esthétique à l’efficacité. Moi, je suis un mécano qui connaît un peu le sujet.” Cette honnêteté est sa marque : ni show-off, ni précieuse posture ; juste l’engagement du passionné humble.
La Manche, ses racines, ses routes
Denis est normand jusqu’au bout, et fier de l’être : “Ce sont mes racines. Avec le vélo, j’ai beaucoup bougé mais je suis revenu.” Il aime la Manche, ses paysages, ses montées discrètes, ses routes qu’il connaît par cœur : “Mes débuts… je connais pas mal les routes depuis le temps. Quand je vois Thierry Marie ou Anthony Delaplace, j’y crois : on peut être performant tout en restant profondément local.”
Il érige un principe : “Fonce, n’aie pas de regret.” Quitte à se lancer dans des allers-retours professionnels, le cœur en deux lieux, il ne regarde pas la distance ; il regarde l’objectif.
L’organisation : construire un héritage
Le Championnat de France Masters 2024 ne relève pas du hasard : présent en 2022, lors des championnats à Crocq, Denis a enclenché le projet : “Lors des championnats 2022 à Crocq, j’ai parlé avec Jean-Michel Richeffort… c’est parti comme ça.” Un déclic discret, mais déterminant.
Deux années plus tard, l’irrésistible volonté de mettre en valeur la Manche prend forme : “Saint-Sauveur-le-
Le plus important : le sens de la fête. “Je souhaite que les concurrents soient heureux, que ce soit la fête du vélo toute la semaine.” Ce championnat, ce n’est pas seulement un défi sportif : c’est une communion, un moment de vie partagée. “C’est très particulier, les championnats Masters, ce sont souvent des retrouvailles entre anciens…”
Les défis, les ambitions, les traces durables
Les défis sont à la hauteur : trouver budget, bénévoles, engagement politique… “Beaucoup de défis, le budget, les bénévoles…” Mais quand Denis frappe à la porte de la mairie, la réponse fuse : “M. Briens m’a dit ‘mais il ne faut pas aller voir ailleurs.’” Un signe de confiance rare, et moteur.
L’objectif ? Rester dans la mémoire des gens : “J’aimerais que tout le monde s’en rappelle.” À travers une communauté réunie : Espoir Bike Team, La Roue libre Saint‑Sauveuraise, clubs locaux — tous unis : “J’ai lancé un appel à tous les clubs alentours, certains répondent présents.” C’est le sens de son approche : plus qu’un championnat, c’est un rassemblement des forces vives du territoire.

Le cyclisme d’aujourd’hui : lucide et exigeant
Denis observe un sport en mutation : “Une élite qui se professionnalise, et un fossé qui se creuse derrière. Un calendrier éclaté, de moins en moins de coureurs.” Il en perçoit la fragilité : “En 1991, à l’ASPTT Paris, nous étions 27 première catégorie. Aujourd’hui, ils sont 15 élites en Île-de‑France, tous dans un même club.” Les courses traditionnelles se sont estompées. Mais il y a de l’espoir : “Les Masters, c’est très bien, mais nous ne sommes pas l’avenir du vélo.” Un cri d’alerte : la jeunesse, les clubs, les épreuves locales — tout reste à renforcer.
Chaque coureur, chaque bénévole a sa place : “C’est dommage, on a besoin de vous autant que vous avez besoin de nous.” Dans ce regard, Denis construit une philosophie du sport . Objectif ? Se fixer des hauteurs, oser échouer, et toujours aimer : “J’aime bien mettre la barre très haut… qu’est‑ce que je risque ? Pas réussir, pas grave, j’aurai essayé.” Un état d’esprit, une leçon.
Quand le chantier humain devient l’épreuve
En décidant de ne pas disputer cette édition, mais d’y consacrer toute son énergie, Denis Dugouchet scelle un message clair : le vélo, c’est aussi cette capacité à poser un projet, à le construire, à le faire vivre : “C’est mon idée, mais je me suis entouré de la meilleure équipe.” Pour lui, la performance ne se résume pas à l’effort ou aux watts ; elle est collective, organique, durable.
Il en appelle à d’autres territoires : “J’aimerais surtout que ça donne envie de faire mieux.” Le message est lancé : un championnat, une ville, des hommes — un tout qui dépasse l’individu. “J’espère que mon profil de coureur m’a aidé à mieux comprendre ce que les participants attendent.” Derrière la logistique, il y a la vélocité intérieure du sportif.

L’homme des deux rives, le pont entre les générations
Denis incarne un passage. Entre l’élite d’hier, l’amateur pro d’aujourd’hui, et la jeunesse d’après. Il est sur deux rives — Herblay et la Manche — et bâtit un pont symbolique. Il n’a pas choisi la facilité : organiser, ça ne rapporte ni gloire ni prime. Alors pourquoi ? Parce qu’il y croit, tout simplement. “J’aime beaucoup ma région, mais j’aime aussi la montagne.” Il dit ce qu’il fait, sans posture.
Le championnat qu’il organise est un testament : au‑dessus de la performance, il y a l’humanité. La passion ne s’éteint jamais, elle se modifie, elle se traduit en actes, en engagement.
Un récit qui trace sa propre route
À l’arrivée de ces trois jours de course, s’il n’y a qu’un souvenir que Denis souhaite laisser, c’est celui de la fête, de la reconnaissance, de la transmission. Ce championnat ne sera pas seulement mesuré au chrono, mais à la joie des retrouvailles, aux efforts collectifs, aux routes tracées à la force des bras, des idées — et des rêves.
Et si ce Championnat de France Masters 2024 à Saint‑Sauveur-le‑Vicomte s’avérait être plus qu’une course ? S’il devenait le symbole que le vélo est un sport de partage, de dépassement, d’enracinement, porté par des hommes comme Denis Dugouchet : bâtisseur de routes, maître d’œuvre de ses ambitions, gardien de la passion cycliste.
Plus qu’un coureur, un passeur
Denis Dugouchet n’organise pas seulement un championnat ; il écrit une épopée humaine. Celle d’un homme qui, en repliant la pompe de son atelier, remonte sur le vélo pour tracer un avenir collectif. Il montre qu’on peut être champion, artisan, organisateur, bâtisseur — souvent au même moment. Et que chaque route, qu’elle soit asphaltée ou imaginée, commence toujours par un rêve. Un rêve un peu fou ? Oui, mais passionné. Et c’est pourquoi, du 18 au 20 juillet, on suivra ses traces — et les ramifications qu’elles auront dessinées — avec admiration et émotion.
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