Partager la publication "Chasseur de KOM sur Strava ou cycliste qui progresse vraiment ?"
Si vous êtes cycliste, ou même sportif, vous connaissez probablement Strava, cette application qui transforme chaque séance de sport en une aventure sociale et compétitive. Mais attention : il y a une différence entre rouler pour briller sur Strava et s’entraîner pour réellement progresser. Comment reconnaître un cycliste qui roule pour les segments ou pour la reconnaissance sur un réseau social plutôt que pour ses performances à long terme ? Voici les signes qui ne trompent pas.
Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com, SRAM
Depuis une quinzaine d’années, le virtuel a pris une place centrale dans la pratique du cyclisme, pour le meilleur comme pour le pire. Si certains se sont transformés en champions du home-trainer grâce aux applications connectées, d’autres brillent uniquement par leur profil Strava, le réseau social des sportifs. À l’image de notre époque, les réseaux sociaux permettent de s’ouvrir au monde tout en contrôlant l’image qu’on projette. Mais derrière cette vitrine, les résultats concrets ou les confrontations en compétition réelle sont parfois absents.
Insidieusement, beaucoup de cyclistes se laissent piéger par Strava, sans pour autant chercher à se fabriquer une image. Résultat ? Ils stagnent, voire régressent. Bonne nouvelle : en utilisant l’application de manière intelligente, il est encore temps de rééquilibrer son entraînement pour reprendre sa progression.

Les symptômes de celui qui ne voit que par Strava
- Il sort “juste pour chasser un KOM” : oublié le plan d’entraînement bien structuré. Ce cycliste est prêt à tout pour décrocher le “King of the Mountain” sur un segment, ou si possible une collection de segments, même si ça signifie ignorer ses zones d’effort ou sa récupération.
- Il roule en zone 5 au lieu de faire de la récupération active : alors qu’il devrait pédaler en endurance pour construire sa base, il pousse à fond pour battre un record personnel… ou celui d’un inconnu.
- Il évalue sa sortie en fonction des kudos : une sortie sans like sur Strava ? Une sortie ratée, même si elle était parfaitement adaptée à son plan d’entrainement.
- Il nomme et décrit sa sortie avec fausse modestie : sur l’application, il appelle sortie tranquille une séance à 34 de moyenne, comme pour sous-entendre qu’il en a encore sous le pied, ou il a besoin de justifier une séance lente en expliquant être accompagné d’un ou d’une autre cycliste prétendument moins fort.
- Il se compare constamment aux autres : plutôt que de suivre sa propre progression, il passe des heures à scruter les performances des autres sur le leaderboard.
- Il est déçu d’une sortie bénéfique : parce qu’elle n’a pas l’air stylée sur Strava, une sortie pourtant productive devient une source de frustration.
- En bref, il recherche constamment l’approbation de ses followers sur Strava plutôt que de chercher à progresser.
Pourquoi cette obsession peut freiner vos progrès
Strava, c’est fun, motivant, et ça donne envie de se dépasser. Mais quand l’application dicte vos sorties, elle peut devenir un piège. On sait pourtant que pour progresser à long terme, le respect d’un plan structuré est la clé du succès. Cela implique d’établir une stratégie à court, moyen et long terme, et de s’y tenir. Quitte à s’obliger à aller rouler quand la météo n’est pas favorable ou à s’imposer des phases de récupération quand il fait beau. Chasser des segments au détriment de votre plan peut casser votre progression.
On sait aussi que des entrainements trop intensifs et trop fréquents déséquilibrent l’entrainement. Une intensité incontrôlée conduit au surentrainement, à l’inverse du volume en endurance, qui produit rarement ce genre d’effet. Trop d’efforts à haute intensité sans récupération adéquate conduit à la stagnation, voire à la régression.
Il en est de même évidemment concernant les trop nombreuses sorties effectuées en zone 3, à une allure d’endurance soutenue pour faire une bonne moyenne. Ces séances induisent une fatigue trop importante, préjudiciable pour la progression à long terme.
Enfin, de récentes études comme celle de Deci et Ryan (2000) montrent que la comparaison sociale nuit à la motivation. Se focaliser sur la comparaison avec les autres peut diminuer votre motivation intrinsèque, celle qui vous pousse à pédaler pour vous-même. Que recherchez-vous en faisant du vélo ? Les performances ? Les résultats en compétition ? Les sensations ? la connexion avec le vélo et la nature ? Ou briller dans le regard des autres ?
Comment utiliser Strava intelligemment pour vraiment progresser
Strava peut être un outil formidable si vous l’utilisez à bon escient. Voici quelques conseils pour tirer le meilleur parti de l’application sans tomber dans le piège des comparaisons et des KOM :
- Restez fidèle à votre plan d’entraînement : utilisez Strava pour enregistrer vos sorties, mais ne laissez pas les segments dicter vos efforts. Une sortie en endurance ou en récupération est tout aussi importante qu’un sprint pour un KOM.
- Concentrez-vous sur vos propres données : suivez vos watts, votre fréquence cardiaque ou votre progression globale plutôt que de vous comparer aux autres.
- Contentez-vous de petites victoires : une sortie bien exécutée, même sans record, est une étape vers vos objectifs.
- Gardez vos objectifs en tête : que ce soit une course, une cyclosportive ou un défi personnel, ce qui compte, c’est de briller le jour J, pas sur votre feed Strava.
Les kudos, c’est cool. Les watts maîtrisés, c’est mieux
Strava peut être un excellent compagnon pour rester motivé et suivre vos progrès. Mais ne laissez pas les kudos (et donc le regard des autres) ou les classements prendre le dessus. Ce qui vous fera vraiment avancer, ce sont des entraînements cohérents, une gestion intelligente de l’intensité et un focus sur vos objectifs à long terme.
Alors, la prochaine fois que vous enfourchez votre vélo, posez-vous la question : est-ce que je roule pour Strava, ou est-ce que je roule pour devenir un meilleur cycliste ?
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