Partager la publication "Entre deux vols, la vie à 50 km/h de Stéphane Loth"
Dans un monde qui court après le temps, certains hommes décident de courir avec lui, pas contre. Voici l’histoire vraie, inspirante et presque irréelle d’un haut cadre international d’une grande entreprise américaine, qui, à presque 50 ans, continue de mettre un dossard, d’attaquer dans les bosses, et de rivaliser avec les jeunes loups du peloton… alors qu’il gère en parallèle un business de 60 millions d’euros, plusieurs équipes à travers le monde et une vie de famille bien remplie. Voici l’histoire d’un homme qui n’a jamais accepté de choisir entre passion, profession et épanouissement personnel. Voici l’histoire d’un battant, d’un stratège, d’un père. Voici une leçon de courage, de méthode et d’humilité, pour tous ceux qui disent : « Je n’ai pas le temps. »
Par Jeff Tatard – Photos : DR
L’homme sans costume ni cuissard
Quand il ne porte ni cravate ni casque aéro, il est d’abord un père de famille, un amoureux, un homme du Nord. Né dans le Pas-de-Calais, ce compétiteur-né a grandi entre les valeurs du travail, du respect et de la famille. À 33 ans, il décide de reprendre sa vie en main après un divorce. Une promesse, presque un serment : il écrira un destin à sa mesure. À 50 ans, il continue de le faire, tous les jours. À vélo.
D’un Gitane dans l’Izoard à une licence en D1
Son premier amour avec le vélo remonte à ses 15 ans. Son père lui offre un Gitane route pendant des vacances près du lac d’Embrun. Son baptême ? L’Izoard. Mais à l’époque, il est pongiste de haut niveau, flirtant avec les sommets nationaux du tennis de table. Le vélo, c’est un rêve. Il deviendra réalité à 30 ans, grâce à une rencontre. Un ami, Frédéric Coutif, lui vend un vélo Look. Il prend une licence. Il découvre la course. Il ne s’arrêtera plus.

Le dossard comme moteur de vie
Quand on lui demande pourquoi il continue la compétition malgré une vie de cadre international à haute pression, la réponse fuse : « Je suis un compétiteur. » Le dossard, ce n’est pas un accessoire. C’est une finalité. Un symbole. Une nécessité. Dans le sport comme au travail, il a besoin d’un objectif, d’un plan, d’une progression. S’entraîner, performer, se confronter : c’est ainsi qu’il respire. Et surtout, qu’il existe.
Le secret ? Il n’y en a pas
« Comment fais-tu ? » Cette question, Stéphane Loth l’entend souvent. Il répond sans détour : « Je n’aime pas perdre mon temps. » Tout est une question de priorités, d’organisation et d’engagement. Il voyage souvent, parfois à l’autre bout du monde, mais trouve toujours le moment de rouler : à midi, à la tombée de la nuit, entre deux visios. Son agenda n’a pas de case “repos”, mais il a du cœur à revendre.
Et quand il ne peut pas pédaler, il compense. Un peu de salle de sport (qu’il déteste), une hygiène de vie stricte, un mental de fer. Il ne se plaint pas. Il s’adapte. Il improvise. Il avance.
Handicap ou moteur ?
Il ne se cache pas derrière des excuses. Les déplacements, les nuits courtes, les rendez-vous à n’en plus finir ? Et parfois (souvent) à l’autre bout de la terre. Des contraintes, oui. Un handicap ? Non. Plutôt un carburant. « C’est justement parce que c’est dur que c’est bon. » Il se sent vivant dans l’effort. Il ne veut pas être le plus rapide. Il veut être celui qui ne lâche jamais. Celui qui, même dans l’ombre, continue de se battre.
L’humilité chevillée au corps
Ce qui frappe chez lui, c’est cette modestie presque désarmante. Peu de gens, même parmi ses proches, savent qu’il est un haut dirigeant. Encore moins qu’il rentre parfois d’un vol long-courrier la veille d’une course. Il ne cherche ni l’admiration, ni les excuses. Il est discret, à l’image de ses racines nordistes : « Être, pas paraître. »
Le pacte avec soi-même
À 50 ans, certains rêvent de ralentir. Lui, il accélère. Non pas par frénésie, mais par nécessité. Il sait que chaque sortie compte, chaque heure de selle est une victoire sur le quotidien. Même une simple sortie entre potes devient une forme de thérapie. Une respiration. Il ne roule pas seulement pour gagner. Il roule pour s’apaiser, pour comprendre, pour vivre.
Et pourtant, il doute parfois. Il se demande s’il est normal. S’il ne devrait pas faire « comme tout le monde ». Puis il se rappelle pourquoi il fait tout ça : pour être heureux.
Une méthode de champion
Sans suivre un plan d’entraînement précis, il applique au sport les principes qu’il utilise en entreprise : fixer un objectif, définir les étapes, s’adapter, évaluer. Il est son propre coach. Il écoute son instinct. Il sait quand pousser, quand temporiser. La performance n’est pas une obsession, c’est une direction. Et le plaisir n’est jamais sacrifié.
Il fait attention à tout : récupération, sommeil, nutrition, compléments alimentaires. Il a la rigueur d’un pro, même dans l’amateurisme éclairé. Il n’attend rien du destin : il le construit.
Le vélo, plus qu’un sport : une philosophie
Quand on lui demande ce que le vélo lui apporte que son métier ne pourra jamais lui offrir, il sourit. « Le vélo, c’est ma bouffée d’oxygène. » C’est l’espace de liberté absolue, un terrain d’introspection et de rencontres. Là où les contraintes professionnelles imposent leur tempo, le vélo lui offre le sien. C’est dans l’effort qu’il trouve les réponses, dans le vent qu’il affine ses décisions, dans les bosses qu’il construit ses certitudes.
Inversement, son métier lui apporte ce que le vélo ne peut pas offrir : un cadre intellectuel, une ouverture au monde, un regard stratégique. Les deux univers se nourrissent. L’un l’élève, l’autre l’ancre.
L’équilibre dans la tension
Son plus grand défi ? Il n’est pas physique. Il est mental. Vivre à 100 à l’heure, sans céder. Assumer tous ses rôles sans en trahir aucun. Il ne se plaint pas. Il transforme les frustrations en moteur. Le sport, il le dit, lui a sauvé la vie plus d’une fois. C’est son exutoire, son équilibre, son refuge.
Sa femme, pilier silencieux, tient la maison, gère sa propre entreprise. Ensemble, ils ont fait un pacte : chacun portera l’autre à tour de rôle. C’est ce soutien discret qui rend tout cela possible. Et c’est cette fidélité dans les engagements, privés comme professionnels, qui force le respect.
Une leçon pour ceux qui “n’ont pas le temps”
Il ne cherche pas à convaincre. Il témoigne. Il ne dit pas que c’est facile. Il dit que c’est possible. Que le plus grand frein n’est pas le temps, mais l’absence de volonté. Il ne prétend pas être un modèle. Il dit simplement que chacun peut, à sa manière, écrire un destin qui lui ressemble.
Alors, la prochaine fois que vous direz « j’aimerais bien, mais je n’ai pas le temps », pensez à lui. À ses allers-retours entre les États-Unis, l’Autriche, et les routes de l’Oise. À ses courses courues sans excuses, à ses victoires silencieuses, à sa capacité à ne jamais renoncer.
Et rappelez-vous que la ligne d’arrivée n’est pas toujours au bout de la route. Parfois, elle est simplement dans le miroir. Et quand on s’y regarde, on sait si on a gagné.
Cet homme, ce coureur, ce cadre, ce père — il ne cherche pas les projecteurs. Mais son parcours mérite la lumière. Non pour le glorifier, mais pour rappeler que rien n’est impossible quand on choisit la voie de l’effort, de la discipline et du cœur. Ce n’est pas qu’une histoire de vélo. C’est une histoire de vie. Et c’est celle que nous avons tous, potentiellement, entre les mains.
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