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La fréquence cardiaque dans l’entraînement cycliste : limites et bonnes pratiques
La fréquence cardiaque (FC) est un indicateur couramment utilisé pour évaluer l’intensité de l’effort lors d’un entraînement cycliste. Cependant, de nombreux facteurs influencent la FC, ce qui peut entraîner des erreurs d’interprétation et limiter sa précision. Nous parlons notamment des phénomènes de dérive et d’inertie de la FC, ainsi que des paramètres externes qui l’affectent. Nous proposons des solutions pour optimiser son utilisation.
Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com
Il y a une quarantaine d’années, les appareils de mesure de la fréquence cardiaque pendant l’effort ont révolutionné une première fois l’entrainement dans le sport et dans le cyclisme en particulier. Et il a fallu l’apparition puis la démocratisation des appareils capteurs de puissance quelques années plus tard pour encore affiner et personnaliser la préparation des coureurs et cyclosportifs. Aujourd’hui encore, de nombreux pratiquants se contentent de la mesure de la fréquence cardiaque, largement disponible et répandue sur la plupart des compteurs/GPS du marché.
Le contrôle de la fréquence cardiaque pendant l’exercice permet d’optimiser le temps passé dans certaines zones d’intensité, pour des progrès plus rapides et plus ciblés. Une surveillance de la fréquence cardiaque qui s’avère également très utile pour gérer l’apport énergétique, limiter les dérives liées à la déshydratation, anticiper une maladie ou un problème de cœur, ou encore respecter les consignes des médecins en fonction de l’âge ou des antécédents médicaux.
Reste que la mesure de la fréquence cardiaque présente certaines limites. Et que dans certains cas, la simple lecture de la FC n’est pas pertinente pour indiquer l’intensité de l’effort.
Les facteurs externes influençant la FC
Plusieurs paramètres externes et physiologiques peuvent modifier la FC pour une même intensité d’effort :
- Températures élevées : une chaleur importante complique la thermorégulation, obligeant le cœur à battre plus vite pour maintenir la circulation sanguine, ce qui augmente la FC.
- Déshydratation : la perte de fluides réduit le volume sanguin, forçant le cœur à accélérer pour assurer un débit cardiaque stable.
- Altitude : à haute altitude, la moindre disponibilité en oxygène oblige l’organisme à augmenter la FC pour répondre aux besoins énergétiques.
- Fatigue : un état de fatigue générale, qu’il soit physique ou mental, perturbe l’adaptation de la FC à l’effort, rendant les données moins prévisibles.
L’inertie de la FC : un retard d’adaptation
L’inertie de la FC correspond au délai nécessaire pour que la FC s’adapte à une augmentation soudaine de l’effort. Ce retard est particulièrement problématique lors des changements rapides d’intensité.
Exemple : lors d’un intervalle où la puissance passe de 150 W à 350 W, la FC ne grimpe pas instantanément de 130 bpm à 195 bpm. Elle augmente progressivement, ce qui peut fausser l’évaluation de l’effort.
Conséquences : sur des intervalles courts à haute intensité (par exemple, 30 secondes à puissance maximale aérobie, ou PMA), la FC n’a pas le temps d’atteindre son pic. Ainsi, même si le cycliste atteint son VO2 max (consommation maximale d’oxygène), la FC reste un indicateur peu fiable. Sur des intervalles longs (par exemple, 8 minutes au seuil), chercher à atteindre rapidement une FC cible peut pousser à démarrer trop fort, au risque de ne pas tenir l’effort.
La dérive cardiaque : une augmentation progressive de la FC pendant l’effort
La dérive cardiaque désigne l’augmentation graduelle de la FC au cours d’un effort, même lorsque l’intensité, mesurée par la puissance (en watts), reste constante. Ce phénomène est particulièrement visible lors de séances prolongées ou répétitives, comme des intervalles.
Exemple : lors d’une séance d’intervalles, vous pouvez produire 290 W pour une FC de 180 bpm en début de session. En fin de séance, pour la même FC de 180 bpm, la puissance peut chuter à 275 W en raison de la fatigue. Cela montre que, à mesure que la fatigue s’installe, une même FC correspond à une intensité moindre.
Conséquences : s’appuyer uniquement sur la FC pour déterminer la zone d’intensité peut être trompeur, car elle ne reflète pas précisément la puissance réelle produite.
Comment utiliser la FC efficacement ?
Compte tenu de ces limites, voici des recommandations pour intégrer la FC de manière optimale dans l’entraînement cycliste :
- À haute intensité : prescrire un entraînement basé uniquement sur la FC est peu précis. Pour plus de fiabilité, il est recommandé de coupler la FC avec la perception de l’effort (RPE), qui permet d’évaluer subjectivement l’intensité, et/ou d’utiliser un capteur de puissance, qui mesure directement la puissance produite et reste l’outil le plus fiable pour gérer l’intensité.
- À basse intensité : la FC est un bon indicateur dans les zones d’endurance, où la dérive cardiaque est moins marquée. Elle permet de s’assurer que l’effort reste dans la zone cible.
- Analyse physiologique : la FC reste un outil précieux pour analyser les réponses physiologiques à l’entraînement, comme l’adaptation du corps à l’effort ou la récupération. Elle aide à comprendre comment le cycliste réagit à différentes charges de travail.
Indispensable, mais pas toujours suffisante
Bien que la fréquence cardiaque soit un indicateur utile et de notre point de vue indispensable pour surveiller sa santé, elle ne doit pas être utilisée seule, surtout à haute intensité, en raison de la dérive, de l’inertie et des nombreux facteurs externes qui l’influencent.
Pour un entraînement précis, combiner la FC avec un capteur de puissance et la perception de l’effort est la meilleure approche. À basse intensité ou pour les efforts assez longs, la FC reste un outil fiable et accessible, tandis que son analyse globale permet de mieux comprendre les adaptations physiologiques. En intégrant ces principes, vous pouvez optimiser vos entraînements et atteindre vos objectifs avec plus de précision.
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