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Un matin clair de printemps, Pierre Thierry a ouvert sa porte à 3bikes. Pas seulement celle de sa maison, mais aussi, plus subtilement, celle de son monde. Le jeune coureur professionnel nous a accueillis avec sincérité, loin des projecteurs et des podiums, pour raconter ce que c’est vraiment que de devenir un coureur WorldTour à seulement 21 ans. Son quotidien, ses doutes, ses joies, les coups de pédale dans le vide et les instants suspendus dans la lumière : tout est là . Le portrait d’un passionné en pleine ascension, lucide, humble, et résolument déterminé.
Par Jeff Tatard – Photos : DR / Instagram Pierre Thierry
Le choc du grand bain
Il aurait pu enjoliver. Il aurait pu réciter un discours. Mais Pierre Thierry préfère le vrai. Dès les premiers échanges, il annonce la couleur : « La différence, c’est l’ascension au niveau WT. 100% du peloton est en super forme. Le peloton ne casse jamais, à part quand Pogacar ou Van der Poel attaquent. »
Lui qui a quitté les rangs amateurs il y a peu découvre ce que signifie rouler parmi les plus grands. Ici, plus question de « se retrouver rapidement dans un petit groupe pour se jouer la gagne« . Dans le monde pro, la densité est écrasante. Chaque attaque est suivie, chaque faiblesse exploitée.
Mais il encaisse. Il apprend. À chaque course, il gagne du terrain, pas nécessairement en kilomètres, mais en maturité. Dans la tête, il le dit : « C’est un peu compliqué de prendre des claques à toutes les courses. Mais je sens une progression au fur et à mesure. »
Quand le rêve devient réel
Il y a eu un moment. Un instant de bascule, de conscience. Pas un sprint ou un podium, non. Quelqu’un a choisi de plus intime, plus symbolique : « Quand je me suis retrouvé aux côtés de Pogacar, au milieu des plus grandes équipes du monde au Canada… Les coureurs que je regardais à la télé, je me retrouvais au milieu d’eux, à devoir me battre comme eux. »
C’est à ce moment-là que Pierre a compris qu’il était dedans. Qu’il n’était plus le spectateur mais l’acteur. Il n’y avait plus d’échappatoire. Juste le terrain, les jambes, le cÅ“ur, et tout ce qu’il avait construit depuis l’enfance pour se retrouver là , enfin.
Un style en construction
Il ne se considère pas encore comme un coureur défini. À l’âge où beaucoup cherchent encore leur voie, Pierre explore. Il teste, s’adapte, s’écoute. Mais déjà , quelques certitudes émergent : « Ce qui me convient le mieux, ce sont les parcours accidentés avec des bosses. Plutôt pour puncheur. Pour le moment, le seul moyen de performer, c’est de jouer dans les échappées. Avoir le coup d’avance. »
Son moteur, c’est aussi le contre-la-montre. Une discipline exigeante, presque scientifique, où chaque détail compte. « C’est cette discipline qui m’a permis de faire mes premiers résultats chez les amateurs. Et ce que j’aime, c’est qu’autour du chrono, il y a toujours plein de nouvelles technologies. »
Cette attention au progrès, au matériel, à la science de la performance, en dit longtemps sur sa rigueur et sa curiosité. Il est de cette génération qui ne sépare pas la tête des jambes.
Des épreuves qui forgent
Quand on lui demande ce qui l’a le plus marqué depuis qu’il est pro, il cite Paris-Nice. Non pas pour une victoire, mais pour l’âpreté : « Toute la semaine, il a fait froid. Il pleuvait, parfois même de la neige. Et pour autant, le rythme ne ralentissait pas. Ça roulait à bloc. C’était très dur. J’ai fini épuisé. »
Ces souffrances ne le découragent pas. Elles l’éduquent. Et quand il parle des galères, il le fait sans détour : « Depuis le passage chez les pros, il y en a beaucoup. Et ça montre qu’on ne devient pas un bon coureur du jour au lendemain. Il faut du travail, et beaucoup de patience. »
C’est peut-être ça, la grande force de Pierre : la conscience du temps. Dans un monde qui célèbre l’instant, lui préfère bâtir.
Petits bonheurs, grandes émotions
Mais le vélo, ce n’est pas que la souffrance. C’est aussi la camaraderie, les retrouvailles, le plaisir simple de rouler ensemble. Il se souvient avec émotion du Tour de l’Avenir : « On se retrouvait en équipe de France avec les espoirs de mon âge. Il y avait une super ambiance. Ça faisait du bien de redescendre d’un cran. Ça m’a rappelé les années amateurs. »
Un souvenir à hauteur d’homme. Le genre de moment qui rappelle que derrière le coureur, il ya un garçon, un frère, un ami.
La journée parfaite, entre rigueur et liberté
Lorsqu’on lui demande à quoi ressemble une journée parfaite, Pierre Thierry répond sans hésiter : « Réveil à 8h, petit-déjeuner, réveil musculaire, entraînement de 4h. Ensuite repas, sieste. Si la météo le permet, un tour de moto. Puis repas, et dodo. »
Une routine bien réglée, mais dans laquelle il insère toujours une petite bulle de liberté. Comme pour préserver l’équilibre. L’esprit. La Joie.
Des liens de sang et de selle
L’arrivée de son petit frère dans le peloton professionnel est une étape marquante. Ils roulent ensemble, parfois dans la même équipe. Et cette proximité donne à Pierre une responsabilité nouvelle. « Le plus gros conseil que je lui ai donné, c’est de ne pas se brûler les ailes. Y aller étape par étape. Ne pas en faire plus que ce que demande l’entraîneur. »
Il sait ce que c’est, cette fougue du début, cette envie de prouver. Mais il sait aussi ce qu’elle peut coûter. Alors il transmet, avec bienveillance et modestie. « C’est une chance d’avoir la même passion que son frangin. »
Et on sent, dans cette phrase simple, toute la tendresse d’un grand frère.
Une vision, une ambition
Pierre ne rêve pas encore de gagner le Tour. Il rêve plus juste, plus essentiel : « acquérir un maximum d’expérience, ne plus faire d’erreurs de débutant, m’épanouir, et garder la niaque. »
Mais il a tout de même une scène en tête. Un souvenir à revisiter, à réécrire : « Ma victoire à Plouay en amateur, en solitaire… Si je peux gagner de la même façon une course WorldTour, ce serait génial. »
Il rêve de revivre cette émotion brute, mais sur une autre scène. Avec d’autres enjeux. Devant le monde.
Grandir de l’intérieur
Enfin, s’il y a un domaine dans lequel il veut vraiment progresser, c’est la connaissance de soi : « Comprendre comment mon corps réagit aux entraînements, aux enchaînements de courses… Et aussi grandir dans ma façon de courir, mieux lire la course, faire les efforts au bon moment. »
Là encore, rien de flamboyant. Juste une immense lucidité, un vrai sens du métier. Pierre veut comprendre avant de conquérir.
Dans l’ombre des géants, la lumière d’un futur
Pierre Thierry n’est pas encore une star. Mais il est déjà bien plus qu’un espoir. Il est l’un de ces coureurs qui, loin du tapage, tracent leur route avec méthode, sincérité et passion.
À l’heure des promesses bruyantes et des carrières éclairs, il incarne autre chose : un projet construit. Un tempérament. Une histoire qui s’écrit lentement, mais sûrement.
Et peut-être qu’un jour, à Plouay ou ailleurs, Pierre Thierry lèvera les bras. Et ce jour-là , ceux qui auront lu ces lignes comprendront que rien n’était dû au hasard.
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