Partager la publication "Test du Specialized Allez Sprint, le roi de l’aluminium"
Dans le monde du cyclisme sur route, où le carbone règne souvent en maître, Specialized prouve avec l’Allez Sprint qu’un vélo en aluminium peut rivaliser avec les meilleurs, et pour un prix inférieur. Présenté comme le « premier super vélo en alliage au monde », ce n’est pas juste une alternative économique. Alors, qu’est-ce qui rend l’Allez Sprint si spécial ? Plongeons dans ses caractéristiques et son comportement si attachant avec le test d’un kit cadre qui n’a rien à envier à de nombreux concurrents en carbone en termes de performances.
Par Guillaume Judas – Photos : ©3bikes.fr
Lancé pour la première fois en 2015, l’Allez Sprint est rapidement devenu un vélo culte pour les coureurs de critériums ultra-rapides aux États-Unis. Avec ses tubes aérodynamiques, une structure rigide, une géométrie agressive et un prix abordable, ce modèle a très vite été considéré comme une bête de course ultime.
Specialized a semble-t-il adouci le comportement de cette deuxième version, lancée en 2022. Un Allez Sprint un peu moins extrême à tous les niveaux, avec notamment un peu plus de stabilité, et donc plus accessible sur des parcours plus variés que les vire-vire en centre ville.

Un design inspiré du Tarmac SL7
Pour le concevoir, les ingénieurs Specialized ont littéralement décortiqué leur modèle phare en carbone au moment de son lancement, le Tarmac SL7, pour essayer de le réinterpréter en aluminium. La géométrie est ainsi parfaitement identique. C’est donc la même aussi que celle du Tarmac SL8 sorti depuis, avec seulement un tube supérieur un peu moins sloping. Les lignes sont aérodynamiques et étudiées en soufflerie, avec des câbles entièrement intégrés et des formes de tubes complexes obtenues par hydroformage.
Les cadres de vélo en aluminium ont connu quelques innovations majeures au fil des ans et l’hydroformage en est l’un des exemples les plus marquants. Il s’agit de l’application d’une pression hydraulique à l’intérieur des tubes pour les modeler de manière à obtenir le comportement et le poids voulus. Nous sommes ainsi très loin de la fabrication des cadres en aluminium que certains ont connu il y a 25 ou 30 ans.
Enfin, l’Allez Sprint bénéficie de la même fourche en carbone Fact que le Tarmac SL7, ainsi que d’une tige de selle en carbone directement issue de celui-ci.
Tarif abordable
Une seule version de l’Allez Sprint en vélo complet est disponible, équipée d’un groupe Shimano 105 et de roues en aluminium DT Swiss R470, à 2900 €. À ne pas confondre avec l’Allez tout simple, le premier prix parmi les vélos de course chez Specialized.
L’Allez Sprint est aussi disponible en kit cadre, à 1650 €, ce qui permet de laisser libre court à votre imagination pour un montage personnalisé et conforme à l’esprit original du vélo.
C’est donc d’un test du kit cadre dont il s’agit ici. Le montage est personnalisé, avec un groupe Shimano Dura-Ace Di2 11 vitesses, des roues en carbone à profil moyen/haut (plusieurs roues ont été testées avec ce cadre), un cockpit Roval Rapide et une selle Power Mirror.
Difficile d’établir un prix précis du vélo, puisque le groupe utilisé a cinq ans et plusieurs dizaines de milliers de kilomètres au compteur. Mais comme on le verra plus loin, les performances sont largement à la hauteur de la plupart des vélos en carbone, et tout cela à partir d’un cadre au tarif raisonnable.
La magie de la technologie Smartweld
Au cœur de l’Allez Sprint, on trouve la technologie D’Aluisio Smartweld, une méthode de soudure innovante. En déplaçant les soudures loin des zones de stress critiques, comme la douille de direction ou le boîtier de pédalier, Specialized obtient un cadre à la fois plus rigide et plus durable.
La douille de direction a été découpée dans une seule pièce d’alliage, puis formé mécaniquement pour créer une forme plus aérodynamique avec une épaisseur de paroi constante. Le tube diagonal et le boîtier de pédalier, hydroformés d’une seule pièce, sont conçus pour offrir une grande stabilité.
Les soudures sont très visibles. Un regret pour certains, surtout si on compare l’Allez Sprint à des cadres ou vélos en carbone du même prix, plus propres esthétiquement en raison des différents types de fabrication liés au matériau.
Mais de mon point de vue, le seul grief que l’on puisse réellement faire à l’Allez Sprint en termes d’harmonie générale concerne la jonction entre le sommet du jeu de direction et la fixation de la potence.
Le cadre peut être monté avec n’importe quelle potence ou combo monobloc comme ici, sans qu’aucun acheminement de câbles spécial ne soit nécessaire. Il est compatible aussi bien avec les transmissions électriques que mécaniques. Il est cependant dommage qu’un capot supérieur de jeu de direction mieux intégré avec le cockpit Roval Rapide ne soit pas proposé par Specialized.
Poids en hausse
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le poids du cadre Allez Sprint est en hausse par rapport à la première version de 2015. En taille 52, avec la peinture, le collier de serrage de selle, les pattes de dérailleur et les vis de porte-bidon, le cadre pèse 1500 g, soit environ 300 de plus que la précédente version. À titre de comparaison, c’est presque 800 g de plus qu’un S-Works Tarmac SL8 pesé dans les mêmes conditions.
L’intégration des câbles, le passage au freinage à disque, le standard du boîtier de pédalier (en BSA plutôt qu’en BB30) et la compatibilité avec des pneus jusqu’à 32 mm expliquent cette hausse de poids par rapport au premier Allez Sprint. Des caractéristiques qui favorisent pourtant les performances et la polyvalence.
J’ai pesé le vélo complet à 7,95 kg tel que monté à l’occasion, avec pédales à capteur de puissance, porte-bidons et support de compteur. Il serait encore possible de gagner facilement 200 g sans faire beaucoup d’efforts. L’Allez Sprint peut ainsi rivaliser dans le domaine avec de nombreux vélos en carbone vendus entre 6000 et 7000 €. Tout en montrant plus de personnalité selon mon point de vue.
Accélérateur de sensations
Dès les premiers coups de pédale, l’Allez Sprint annonce la couleur. Le cadre offre une excellent rigidité, proche des tout meilleurs du marché. Chaque watt produit semble se transformer en propulsion immédiate, surtout sur le plat. Au sprint, la réponse est franche : pas de flexion parasite, juste une accélération nette.
Mais je ne retrouve pas non plus le côté totalement intransigeant des cadres en aluminium que j’utilisais en compétition il y a 25 ans. Des vélos très efficaces dans certaines conditions, mais sur lesquels on pouvait rapidement butter si les jambes n’étaient pas au rendez-vous.
L’Allez Sprint est très réactif. Il répond au quart de tour à la moindre sollicitation. En danseuse, on ne ressent aucune partie du cadre fléchir. Mais grâce à l’angle et à la chasse de la partie avant et de la fourche, la direction est vive, ce qui permet de virer très court, et surtout de faire des petits mouvements de la roue avant pour éviter de se sentir bridé par la raideur du cadre.
D’ailleurs, celle-ci est bien atténuée pour un montage avec des pneus des 28 mm sur des jantes assez larges. Avec une pression de gonflage entre 4 et 5 bar, le vélo est non seulement un peu plus confortable – suffisamment pour aider à supporter les parties granuleuses du bitume – mais il est aussi un peu moins cassant au niveau de sa rigidité latérale.
Et si les pneus plus gros atténuent légèrement l’impression de rigidité qu’il dégage, un montage avec des pneus de 25 mm montre au contraire que le contact avec la surface de la route est plus sec, avec plus de résonance et plus de vibrations. Le vélo est aussi un peu plus tranchant lors des changements de rythme, mais plus usant à la longue aussi.
Comme sur des rails
Avec sa direction réactive et sa fourche en carbone ultra précise, l’Allez Sprint se place comme un scalpel dans les virages serrés. À 60 km/h en descente sur une route sinueuse, aucune hésitation : il tient la trajectoire, freine fort et inspire confiance.
Là où avec une géométrie identique le Tarmac SL7 se montre parfois un peu trop joueur avec une direction très chatouilleuse notamment lorsque le vent souffle de côté, l’Allez Sprint semble bénéficier d’une rigidité un peu plus marquée sur l’avant, qui lui confère plus de stabilité à haute vitesse. Et finalement plus de confort, car ce comportement incite un peu plus au relâchement, ce qui conduit finalement à moins de fatigue à la fin d’une sortie.
Au moment de tomber la chaîne sur le pignon de 11 pour sprinter, je ne ressens aucune différence de rendement avec un S-Works Tarmac SL7 ou SL8
Une stabilité que j’ai pu retrouver sur le plat en appuyant fort avec un gros braquet. Le vélo ne semble pas se désunir même en roulant fort avec le 53/13 ou 12 (vent dans le dos !), et au moment de tomber la chaîne sur le pignon de 11 pour sprinter, je ne ressens aucune différence de rendement avec un S-Works Tarmac SL7 ou SL8.
Grimpeur honorable
Dans les ascensions, l’Allez Sprint ne fait pas de miracle face à des vélos dont le poids du cadre est divisé par deux. Si son léger embonpoint est sans conséquence sur des bosses courtes d’un kilomètre à 6 ou 7 %, il marque un peu le pas quand il est confronté à des machines très haut de gamme dans les forts pourcentages, où il se montre un poil moins aérien.
Mais un vélo, ce n’est pas qu’une histoire de chiffres bruts pour un cadre. Le montage haut de gamme compense ici en partie les quelques petits bourrelets de l’Allez Sprint. Complet et prêt à rouler, le vélo fait à peine 8 kg. Le guidon et les poignées de frein sont très légers, ce qui améliore encore l’impression de maniabilité. Les roues Roval, Mavic ou Fulcrum testées sur le vélo sont toutes des modèles haut de gamme, au comportement rigide et réactif. Et les pneus Continental installés pour l’occasion sont aussi parmi ce qui se fait de mieux en termes de résistance au roulement.
Comme je l’ai précisé plus haut, le poids de l’Allez Sprint avec un tel équipement rivalise avec celui de nombreux vélos du marché vendus entre 6 et 7000 €. Vous pouvez faire mieux avec un peu d’imagination. Ou aussi bien pour un prix contenu, en choisissant soigneusement chaque pièce. Sans compter que le poids d’un cadre n’est bien sûr pas le seul élément à prendre en compte.
Un choix pas si cornélienÂ
Si je devais choisir entre un S-Works Tarmac SL8 équipé en Shimano 105 avec de petites roues carbone basiques et cet Allez Sprint en Dura-Ace (11 vitesses) avec de bonnes roues carbone à profil moyen, que ferais-je ? Bien sûr, je sais qu’un S-Works en 105, ça n’existe pas, ou presque pas, mais juste pour l’exercice, nous savons que le poids et le prix des deux propositions seraient équivalents.
Pour être franc, j’ai ressenti beaucoup moins de différence entre un Tarmac et un Allez Sprint, qu’entre un groupe Dura-Ace et un 105. Idem pour les roues, ou pour le poste de pilotage. Le gain de poids se niche à tous les niveaux, même au sein de composants plus ou moins éloignés du centre de gravité du vélo, qui peuvent au final modifier la perception que l’on a de la machine dans sa globalité. Je garderais dans ce cas l’Allez Sprint sans hésiter.
Une bête de course sans se ruiner
Bien que nettement plus lourd qu’un carbone haut de gamme, le cadre Allez Sprint est rigide latéralement, il dispose d’une géométrie parfaite à mon goût et sa maniabilité est sans équivalent ou presque. Je me demande même si son léger surpoids ne lui apporte pas quelque chose en plus en ce qui concerne la stabilité à haute vitesse. Quant au confort, sans être exceptionnel, il profite largement de la hausse de la section des pneumatiques. D’ailleurs existe-t-il encore sur le marché des vélos franchement inconfortables depuis que tout le monde ou presque roule en 28 ou plus ?
Bref, j’adore ce cadre Allez Sprint, en dépit des quelques petits défauts esthétiques qu’on peut lui trouver (soudures, jonction entre la direction et la potence…). Son comportement est bien plus vivant et réactif que le poids inscrit sur la fiche technique peut le laisser penser. Ce kit cadre démontre surtout qu’un cycliste compétiteur astucieux peut se monter un super vélo de course sans atteindre le prix très élevé (et souvent décrié) des machines les plus haut de gamme, avec un soupçon de personnalisation en plus.
Le Specialized ALLEZ SPRINT (kit cadre) en bref…Cadre : Specialized E5 Premium Aluminum Disc, technologie D’Aluisio Smartweld, tubes hydroformés – Fourche : Fact Carbon – Tige de selle : S-Works Tarmac 2021 – Poids du cadre seul : 1500 g en taille 52 – Nombre de tailles : 6 Les détails du montage : Poste de pilotage : Roval Rapide Contact : specialized.com |
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