Performance et confort, les avantages et les inconvénients du matériel moderne

Indéniablement, les vélos modernes en milieu et haut de gamme ont franchi de nouvelles étapes en termes de performances ces dernières années. Plus rigides, plus aérodynamiques, et avec moins de résistance au roulement, ils permettent de rouler plus vite, comme en témoignent les moyennes en hausse dans la plupart des courses d’amateurs et de professionnels. Mais est-ce toujours avantageux pour le cycliste lambda ? Voyons point par point ce qu’ont apporté les innovations les plus récentes, mais aussi ce qu’elles peuvent créer comme inconvénients.

Par Guillaume Judas – Photos : @depositphotos.com / adobe.firefly.com

Grâce au carbone et à l’ingéniosité des constructeurs, les vélos d’aujourd’hui permettent de rouler plus vite qu’il y a quelques années, pour un effort équivalent. Mais ce gain de performance s’accompagne de quelques contraintes qui ne sont pas toujours du goût des non-compétiteurs.

Le cadre : toujours plus aérodynamique

Les cadres en carbone modernes sont légers, rigides et surtout plus aérodynamiques. La résistance de l’air augmente avec la vitesse, jusqu’à devenir la principale des résistances qui s’opposent à l’avancement. Beaucoup de modèles se ressemblent esthétiquement, parce que les ingénieurs des principaux constructeurs travaillent avec des outils équivalents. Ils étudient la forme des tubes par ordinateur, avec des simulations de pénétration dans l’air, avant de valider leurs choix en soufflerie et sur la route avec toute une batterie de tests internes. Grâce à des process de fabrication qui progressent eux aussi et à la maîtrise des fabricants (souvent localisés en Asie), ils peuvent choisir des formes de tubes optimisées pour les gains aérodynamiques tout en optimisant le poids de la structure et sa rigidité. Mais attention, on parle ici d’une rigidité maîtrisée, qui n’est pas castratrice dans le haut de gamme, et qui permet au cadre de vivre en se déformant furtivement sous les coups de pédale de l’utilisateur, afin de le rendre agréable même après plusieurs heures d’effort. Un cadre nu pèse généralement entre 700 et 1000 g, tout en étant efficace contre le vent pour les modèles les plus huppés.

Cependant, la combinaison d’un cadre rapide, léger et nerveux peut être difficile à manier et à piloter sous certaines conditions pour un cycliste non-expérimenté. À haute vitesse, un engin de course totalement dédié au rendement maximal peut aussi décrocher et sortir de la route s’il perd le contact avec le bitume, dans le cas d’un trou ou d’une irrégularité sur le bitume par exemple.

Et le sur mesure ? Pendant des décennies, un cadre de haut de gamme (en acier) était forcément synonyme de châssis réalisé sur mesure pour l’utilisateur, avec des longueurs de tubes et des angles de tube de selle et de douille de direction choisit en fonction du type de pratique. Ceci avait l’avantage d’adapter parfaitement les cotes du vélo à la taille du cycliste et à sa manière de rouler, pour le confort et la tenue de route. Aujourd’hui, en raison de technologies de fabrication très coûteuses avec les vélos modernes en carbone, cette pratique a quasiment disparu. Néanmoins, les études posturales ont elles aussi fortement évolué, et force est de constater que l’on rencontre aujourd’hui beaucoup moins de cyclistes avec des tendinites ou d’autres blessures de ce type qu’il y a 30 ans.

Le poste de pilotage : toujours plus intégré

L’arrivée des freins à disque et des transmissions électroniques avec des durites de frein plus flexibles et des fils (ou l’absence de fils) plus souples que des câbles traditionnels ont permis d’intégrer tout cela à l’intérieur du cintre, de la potence et de la douille de direction, pour obtenir un poste de pilotage plus épuré, tout comme l’ensemble du cadre d’ailleurs. Outre l’aspect esthétique, cette technologie a offert également des gains aérodynamiques non négligeables.

Les récentes évolutions en matière de construction avec du carbone ont également permis de diminuer le poids des cintres et surtout des combo cintre/potence, tout en conservant une solidité et une rigidité d’excellent niveau. Les formes ont été optimisées pour diminuer encore la résistance à l’air sur une partie du vélo très exposée.

Cependant, cette technologie complique grandement la maintenance, car chaque changement de pièce implique de démonter entièrement la partie avant du vélo. Ce qui limite les possibilités d’entretien pour ceux qui ne sont pas équipés comme des mécaniciens professionnels.

Les guidons intégrés présentent l’inconvénient majeur de ne pas être réglables en inclinaison (puisque le cintre est souvent solidaire de la potence, sauf exceptions), et leur forme en courbure, hauteur et profondeur est imposée par le choix du constructeur, ce qui peut présenter parfois des problèmes de confort pour certains utilisateurs.

Enfin, pour réduire la surface frontale du vélo et du cycliste en position, là encore dans le but d’améliorer la pénétration dans l’air, la tendance est aux guidons plus étroits qu’il y a quelques années, un choix souvent imposé par les constructeurs sur les postes de pilotage livrés avec les vélos. Cela se traduit par moins de maniabilité au niveau de la direction (en raison de la diminution du bras de levier avec un guidon étroit), et parfois par plus d’inconfort en termes de position du cycliste, surtout dans les ascensions.

Des roues toujours plus hautes

Grâce au carbone, les jantes sont plus hautes tout en conservant un poids raisonnable par rapport aux anciennes roues en aluminium. Des jantes plus hautes signifient là encore plus d’aérodynamisme, bien que différents facteurs entrent en compte, comme la forme et la largeur des jantes, mais aussi des rayons, la manière dont ils sont liés à la jante, ou encore la forme des moyeux. Néanmoins, les gains aérodynamiques à attendre de ce type de matériel sont bien moindres que ceux que l’on peut espérer d’un cadre moderne, d’une bonne position du cycliste sur sa machine et de vêtements adaptés. Les fantasmes des cyclistes autour des roues sont donc souvent bien loin des résultats réels pour ce type de matériel.

Plus les jantes sont hautes, plus elles sont efficaces dans certaines situations, notamment avec un vent portant. Mais elle offrent une prise au vent latéral qui peut rendre le vélo difficile à piloter. Elles sont ainsi plus inconfortables à long terme que des jantes plus basses sur des parcours variés en imposant une attention constante, voire handicapantes dans les pentes à fort pourcentage à cause de leur inertie.

Les freins à disque ont imposé un nouveau type de fixation des roues sur le cadre, avec les axes traversant. De ce côté-là, c’est bénéfique pour tout le monde puisque le gain en rigidité latérale est incontestable, sans pour autant provoquer d’inconfort.

Toujours moins de résistance au roulement grâce aux pneus tubeless

Depuis quelques années, d’énormes progrès ont été réalisés en matière de résistance au roulement, principalement grâce aux pneus tubeless. Ceux-ci ont même largement remplacé les traditionnels boyaux chez les pros. Et chez les amateurs, leur côté pratique est appréciable, avec de nombreuses crevaisons instantanément réparées tout en continuant à rouler, grâce au liquide préventif.

Les pneus tubeless offrent également des gains aérodynamiques par rapport aux boyaux lorsqu’ils sont associés à des jantes dont la largeur extérieure correspond à celle des flancs des pneus. La tendance est d’ailleurs aux sections plus larges, de 28 à 30 mm pour une pratique compétitive, qui procure grip et confort avec des des pressions de gonflage plus basses qu’avec des pneus de plus faible section.

Mais la technologie tubeless conserve quelques inconvénients non négligeables. Sur certaines crevaisons, le liquide ne suffit pas, et il reste nécessaire de réparer avec une chambre à air. Déclipser un pneu tubeless est souvent problématique sur le bord de la route, et les montages et démontages doivent s’effectuer dans les règles de l’art notamment avec suffisamment de pression pour claquer le pneu contre la jante afin d’obtenir l’étanchéité nécessaire. Certains fabricants de roues ont également fait le choix de jantes sans crochets, qui obligent à un choix de pneus compatibles limités, et qui interdisent une pression de gonflage supérieure à 5 bar, au risque de déjanter.

Enfin, le tubeless impose également l’ajout de liquide préventif compliqué à manipuler en dehors d’un atelier ou d’un garage, que ce soit lors du montage du pneu ou de son démontage. En cas de crevaison, le liquide, à base de latex, se répand sur le vélo et sur les vêtements, et il est difficile à nettoyer.

Des transmissions plus rapides et plus polyvalentes

Les transmissions électroniques permettent de gagner en précision et en rapidité pour les changements de vitesse. Elles sont associées à des applications qui offrent des possibilités de personnalisation, avec des changements de vitesse multiples, synchonisés ou semi-synchronisés très agréables à utiliser. Les dernières versions des transmissions haut de gamme sont même sans fil, du moins au niveau du poste de pilotage, ce qui permet d’épurer encore le guidon et apporter de la souplesse dans la direction par rapport aux transmissions par câble.

Ces dérailleurs électroniques fonctionnent avec des batteries, qu’il faut recharger après environ 1000 km, sous peine d’être dans l’incapacité de faire fonctionner les changements de vitesse. Ceux qui partent à l’aventure à vélo peuvent trouver ce système moins autonome qu’une transmission classique, en plus d’être largement plus onéreux à remplacer en cas de panne ou de casse.

Grâce aux cassettes à 12 vitesses, la plage de développements est étendue, ce qui offre plus de polyvalence au vélo. Mais malgré les 12 pignons, les développements extrêmes des cassettes proposées par les fabricants restent peu utilisés par les pratiquants amateurs, notamment par ceux qui habitent dans des régions avec peu de dénivellation. En théorie, les cyclistes disposent donc de 12 pignons avec deux plateaux, mais utilisent seulement sept ou huit rapports différents au quotidien, avec des sauts de denture au milieu de la cassette préjudiciables pour le confort de pédalage.

Des freins largement plus efficaces

Depuis une dizaines d’années, le freinage à disque a réussi progressivement à s’imposer sur les vélos de route. C’est un avantage indéniable au niveau de la sécurité, notamment sous des conditions humides. Souples, puissants et progressifs, les freins à disque sont plus lourds que des freins à patins, mais ils permettent une meilleure intégration des composants, ce qui est à la fois plus esthétique et plus aérodynamiques. Avec un freinage qui s’applique sur un disque et non plus sur une jante, ce système limite le besoin de rouler avec plusieurs paires de roues différentes selon les conditions.

Performance et confort, les avantages et les inconvénients du matériel moderne
L’entretien du matériel moderne est en général plus complexe.

Ce système nécessite également moins d’entretien, avec des changements de durites, d’huile et de plaquettes moins fréquents que les changements de gaines, de câbles et de patins du système précédent. En revanche, il est là encore plus difficile d’effectuer l’entretien soi-même, sans de bonnes connaissances en mécanique, des outils adaptés et la place nécessaire. Des conditions qui continuent à rebuter les plus réfractaires, adeptes d’un système plus simple et réglable en quelques minutes avant le départ d’une course par exemple.

De plus, le freinage à disque implique plus de précautions en cas de transport du vélo. Les étriers sont réglés de manière très précise pour limiter les frottements avec les disques, et ils peuvent se dérégler lorsque le vélo est transporté dans le coffre d’une voiture, ou dans une housse pour prendre le train ou l’avion. Les leviers de frein ne doivent pas non plus être manipulés si les roues ne sont pas montées sur le vélo, au risque de déplacer les plaquettes vers l’intérieur de l’étrier. Ce qui complique le remontage du vélo avant de rouler pour les moins bricoleurs.

De plus en plus d’informations sur les compteurs

Les compteurs modernes offrent de plus en plus d’informations, pour mesurer les données de la sortie à vélo, ou pour le guidage en suivant une trace GPS. Ils peuvent être connectés à différents capteurs qui indiquent la fréquence cardiaque, la cadence, la puissance, et permettent même de recevoir des messages. Un confort pour ceux qui aiment les data, mais un cauchemar pour les pratiquants qui ne sont pas familiarisés avec l’électronique. Surtout que l’autonomie relativement limitée de ce type d’appareils impose également de penser aux recharges ou aux changements de pile. Une charge mentale supplémentaire pour ceux qui aiment rouler à l’instinct, ou en totale autonomie. Se focaliser sur les données incite également à se déconnecter du paysage et à perdre de son indépendance. Car parfois, il faut se faire à l’idée qu’un compteur peut bugger, ou tout simplement perdre le signal GPS.

Des tenues qui aident à rouler plus vite

Les tenues portées par les coureurs et proposées par les fabricants ne sont pas en reste en termes de gains de performances. Les matériaux, et surtout l’ajustement, ont permis de limiter grandement les plis qui perturbent la pénétration dans l’air. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la vitesse et la puissance moyennes d’une sortie effectuée en hiver avec plusieurs couches de vêtements plus ou moins amples avec celles d’une sortie effectuée en plein été sur le même parcours : en produisant un effort équivalent, on roule beaucoup plus vite avec un maillot fin et ajusté. Chez les pros, la plupart des coureurs utilisent désormais une combinaison (avec quelques poches fines) plutôt que le traditionnel ensemble maillot/cuissard, afin de diminuer au maximum la résistance à l’air.

Performance et confort, les avantages et les inconvénients du matériel moderne
Les tenues modernes ne sont pas forcément adaptées à tous les gabarits.

Mais pour le cycliste du dimanche, une tenue ajustée n’est pas toujours des plus confortables. Ce type de tenue est conçu pour les sportifs affutés, qui conservent un certain confort avec ce qu’ils considèrent comme une seconde peau. Un pur amateur peut rapidement s’y sentir engoncé, mal à l’aise, et mettre en avant quelques bourrelets n’est pas non plus agréable.

Enfin, ces tenues légères offrent très peu de protection en cas de chute. Si le problème se pose déjà pour les coureurs dont c’est le métier, cela peut devenir vraiment inconcevable pour un sportif occasionnel qui souhaite à juste titre limiter les risques lors de sa pratique.

Un sport en constante évolution

Qu’on le veuille ou non, le cyclisme est un sport en partie mécanique, et les évolutions dans ce sens pour plus de performances sont inéluctables. Certaines de ces évolutions ne sont pourtant pas adaptées pour tous les types de pratiquants, surtout lorsqu’elles diminuent le confort.

Performance et confort, les avantages et les inconvénients du matériel moderne
Pour se faire plaisir et persévérer dans la pratique du vélo, il est nécessaire de choisir avec soin son équipement.

Rechercher l’amélioration des performances, quel que soit le niveau de pratique, est un objectif louable en soit, mais il faut dans ce cas rester cohérent jusqu’au bout. Un matériel dernier cri n’a pas beaucoup de sens si vous y ajoutez quelques accessoires pour votre bien-être au cours de vos sorties à vélo. Par exemple, une sacoche de selle ou de guidon avec le nécessaire de réparation, des outils ou du ravitaillement ajoute facilement 4 à 500 g à votre vélo. Deux grands bidons ajoutent un bon kilo. Au final, c’est 2,5 kg en plus que vous ajoutez à votre vélo de 7 kg que vous avez payé le prix d’une voiture d’occasion.

Suivre l’évolution du matériel doit donc surtout demeurer une démarche réfléchie en fonction de votre manière de rouler.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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