Questions autour du tubeless

En quelques années, les pneus tubeless sont devenus la norme chez de nombreux fabricants de pneumatiques, de roues et de vélos. Confort, rendement et côté pratique sont souvent avancés pour vanter les mérites de cette technologie. Il en est de même pour les nouvelles roues avec des jantes sans crochet. Difficile de résister à la pression du marché. Pourtant, de nombreux consommateurs refusent encore de franchir le pas pour le vélo sur route. Nous pouvons les comprendre. Voici pourquoi.

Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com / 3bikes.fr / JF Tatard / DR

Le prix des pneumatiques s’est largement envolé ces dernières années, avec plus de choix pour les consommateurs, plus de performances, mais pas forcément plus de durabilité pour les modèles proposés pour une utilisation sportive. Ce phénomène s’est accentué avec la diffusion du pneu tubeless, présenté comme une solution imparable par de nombreux fabricants, mais qui reste assez onéreuse. Force est d’ailleurs de reconnaître qu’il existe peu ou pas de pneu tubeless d’entrée ou de moyenne gamme.

Pour la plupart des pratiquants assidus, le bon compromis entre rendement, adhérence, résistance et aspect pratique reste toujours difficile à trouver. Quel que soit le pneu. Quand on roule beaucoup et de façon sportive, on recherche un pneu sûr et efficace, mais on n’a pas forcément les moyens – ni l’envie – de le changer tous les mois.

Les performances du Tubeless en général ne font pourtant aujourd’hui plus aucun doute. La preuve, c’est qu’il a presque totalement supplanté le boyau chez les pros. Et tous les tests indépendants le démontrent : sa faible résistance au roulement et l’aérodynamisme du système complet font gagner des watts. Pourtant, je dois l’avouer, je ne suis pas convaincu à 100 % par la technologie tubeless, et encore moins par les jantes sans crochet. Et je ne dois pas être le seul.

Le montage d’un pneu tubeless demande un bon coup de main.

Rendement et confort supérieurs

Du côté des avantages du tubeless, il peut y avoir un léger gain de poids par rapport à un pneu avec une chambre à air. Ceci est surtout notable sur les grosses sections de pneus. Aujourd’hui, avec les jantes larges, la section de 28 est devenue le nouveau standard. Un pneu à chambre à air pèse souvent autour de 260-280 g dans cette section, alors qu’un tubeless c’est autour de 300-320 g (parfois un peu moins). Il faut rajouter le poids de la chambre d’un côté (de 70 à 110 g en général) et le poids du préventif de l’autre (environ 40 g). Il y a match, mais ça tourne souvent à l’avantage (d’un souffle) pour le tubeless.

Le système permet aussi de rouler avec une pression de gonflage légèrement moins importante sans perte de rendement, ce qui est bénéfique pour le confort et l’adhérence. Des pneus un peu moins raides sur le bitume, c’est moins de rebond, plus de motricité et au final moins de fatigue pour le cycliste. J’ai aussi remarqué qu’avec des pressions de gonflage moins élevées avec des jantes sans crochet, l’usure des pneus était moins prononcée qu’attendue. Rouler avec moins de pression, c’est moins solliciter la carcasse du pneu.

Le liquide préventif inséré dans le pneu et quasi indispensable pour assurer l’étanchéité permet une autoréparation en cas de crevaison dans de nombreuses circonstances, sans qu’il soit nécessaire de s’arrêter sur le bord de la route pour réparer. Au cours des derniers mois par exemple, j’ai crevé six fois avec des pneus tubeless, mais c’est seulement lors de la dernière crevaison que j’ai dû effectuer une réparation. Les cinq premières fois, le liquide a parfaitement fonctionné et j’ai pu poursuivre mon entrainement sans être gêné.

Le liquide préventif est indispensable.

Enfin, et comme précisé plus haut, en très haut de gamme, la technologie tubeless offre la plus faible résistance au roulement possible par rapport aux pneus et aux boyaux. Aujourd’hui les pros roulent en tubeless en course. Certains coureurs comme Matej Mohorič affirment avoir gagné une dizaine de watts grâce aux pneumatiques depuis quatre ou cinq saisons. Plus pragmatique, Frédéric Porteleau, ingénieur en aéronautique et spécialiste des calculs de puissance de manière indirecte, estime le gain à 4 ou 5 watts sur des montées de col. C’est beaucoup. Pour la petite histoire, Tadej Pogacar roule depuis deux ans avec des pneus tubeless de 30 mm de section, gonflés à 4 bar…

Un système encore imparfait

Du côté des inconvénients, il peut arriver qu’un trou dans la bande de roulement provoqué par une crevaison soit trop important pour que le préventif fonctionne. Pour un cycliste à l’entrainement ou en randonnée, cela signifie qu’il doit quand même transporter avec lui son nécessaire de réparation, composé d’une chambre à air à glisser dans le pneu. Ce qui annihile au passage les avantages du tubeless dans le domaine du rendement.

Au moment de la réparation, il faut déjà être en mesure de dévisser à la main la valve tubeless avant de la remplacer par une chambre à air. Avec les mains gelées et mouillées, ce n’est pas toujours une mince affaire. Le pneu tubeless est aussi souvent très difficile à décoller de la jante à la main, et quand c’est possible, on se met du préventif (qui est une sorte de latex blanc liquide) partout. D’ailleurs, même en cas de petite crevaison, quand le liquide sort du pneu, il est susceptible de tâcher les vêtements, principalement l’arrière du cuissard. Enfin, après réparation du pneu (quand c’est possible) avec une mèche par exemple, ou lors d’un montage/démontage, il faut disposer d’un compresseur ou d’une pompe spéciale pour claquer le pneu sur la jante, sinon ça ne fonctionne pas.

Le préventif n’est pas vraiment propre.

Le montage d’ailleurs n’est pas toujours très facile sur certaines jantes. Ou plus exactement, la facilité de montage dépend du couple jante/pneu. Il faut un bon coup de main, ou beaucoup de force. Je bricole mes vélos depuis que j’ai 14 ans, mais depuis l’arrivée des freins à disques et maintenant du tubeless, certaines opérations de maintenance ou de remplacement me sont de plus en plus difficiles à réaliser seul. Avec le tubeless, il faut de la place, les outils, une bonne dextérité et se préparer à répandre du liquide préventif un peu partout. Parce que je vis en appartement, comme c’est le cas de beaucoup de monde, j’ai renoncé à m’occuper du tubeless moi-même. Pour beaucoup de pratiquants, être obligé d’aller chez le vélociste pour remplacer un pneu ou effectuer une réparation, c’est un problème.

Les jantes sans crochet ne sont pas compatibles avec tous les pneus.

Concernant les jantes sans crochet, elles sont légères mais leur principal défaut est qu’elles n’acceptent que des pneus tubeless compatibles. Ce qui limite les réparation de fortune ou à l’arrache en cas de problème, par exemple avec un pneu de secours. Enfin, elles imposent une pression de gonflage maximum de 5 bar, sous peine de provoquer un déjantage. À l’inverse, en cas d’éclatement du pneu sur la route à cause d’une grosse coupure, il peut aussi déjanter rapidement à cause de l’absence de crochet.

Pas de solution idéale

Le tubeless est aujourd’hui de plus en plus apprécié par les utilisateurs pour son confort et son rendement, et on peut dire qu’il est poussé en ce sens par les fabricants. Reste que pour toutes les raisons évoquées plus haut, et avant tout pour une question pratique quand ils roulent beaucoup, certains se refusent à franchir le cap. Dans les pelotons, sur les forums ou sur les réseaux sociaux, les discussions autour des avantages et des inconvénients du tubeless, c’est comme les débats sur les braquets – avant que tout le monde ou presque adopte une cassette à 11 ou 12 vitesses qui offre beaucoup de polyvalence.

Si vous testez le tubeless pour la première fois, vous serez sans doute enchanté par nombre de ses avantages, et à juste raison. Mais le système n’est pas miraculeux, en plus d’être globalement plus cher qu’un ensemble plus traditionnel pneu/chambre à air. Heureusement, vous avez encore le choix et c’est tant mieux.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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4 commentaires sur “Questions autour du tubeless

  1. Bonjour
    Il faut aussi prendre en compte la qualité et la quantité de liquide preventif.suivant les marques.
    Les dosages ne sont pas les mêmes pour etre efficace a la crevaison

  2. En ce qui concerne la difficulté du montage, mon expérience (très mince) me laisse penser que c’est plutôt un soucis du couple pneu/jante : mes roues m’ont été livrées déjà chaussées avec des pneus tubeless ready mais avec chambre à air. Lorsque j’ai percé pour la première fois, démonter le pneu pour changer la chambre m’a pris déjà pas mal de temps. Pour le remonter encore plus. Et au gonflage, il faut aussi claquer le pneu pour le réinsérer dans les crochets de la jante. J’ai été obligé de « masser » le pneu tout en le gonflant petit à petit. Bilan, 30 minutes d’arrêt pour une crevaison pour laquelle il me fallait moins de 5 minutes avant.
    Mais j’imagine que la prochaine fois je serai un peu plus rapide.

  3. Cela fait 10 ans que je roule sur route en tubeless car je viens du VTT. Le tubeless a énormément évolué depuis. Cela fait 6 ans que je roule en VTT avec des jantes sans crochets et 3500kms sur route. Il suffit de respecter la pression maxi, les pneus compatibles ( il en existe beaucoup ) et pratiquer plusieurs fois montage/démontage des pneus avec le liquide préventif. Pour moi le seul inconvénient est la réparation au bord de la route avec les mains olein de liquide.

  4. J’ai abandonné le tubeless tout en étant convaincu par les arguments positifs.
    Mais les arguments négatifs sont bien réels.( la galère sur le bord de la route après crevaison, la galère dans le garage pour le montage ou le démontage et le surcout non négligeable etc.)
    Je suis donc revenu aux pneus à chambre( HUTCHINSON FUSION 5 Performance) avec 2 chambres in the Pocket (chambre à air Decathlon 1er prix) et je roule l’esprit serein.

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