Partager la publication "Essai du Specialized Roubaix SL8 Expert sur les pavés de l’Enfer du Nord"
Quelques mois après le lancement du nouveau Specialized Roubaix SL8 et notre premier essai du modèle haut de gamme S-Works, nous avons repris contact avec le vélo dit d’endurance de la marque américaine, mais cette fois-ci dans sa version plus abordable Expert, proposée à 6500 €. Une somme déjà conséquente pour une machine très polyvalente, d’abord destinée à apporter beaucoup de confort et à supporter de larges sections de pneumatiques, comme nous avons pu nous en rendre compte en roulant avec le Roubaix Expert sur les très exigeants pavés du Nord.
Par Guillaume Judas – Photos : ©Etienne Schoeman/Specialized
Le Specialized Roubaix est proposé dans une gamme complète qui s’étend de 2800 à 14000 €, avec des caractéristiques et des composants plus ou moins évolués. Mais la philosophie derrière la conception du vélo demeure la même, à savoir favoriser le confort de l’utilisateur et offrir une grande polyvalence de pratique, que ce soit sur des routes plus ou moins bien bitumées, ou encore sur des pistes ou chemins pas trop extrêmes. La production du vélo repose sur une géométrie avec un tube de direction plus haut que les vélos de course traditionnels, un triangle arrière plus long, un système d’absorption des chocs à l’avant et à l’arrière du vélo destiné à suspendre le cycliste pour l’isoler des irrégularités du terrain et un dégagement important du cadre autour des passages de roues pour permettre le montage de gros pneus. Ceci dans le but d’offrir une conduite stable et décontractée pour favoriser l’endurance, et ouvrir le vélo à une pratique cyclotouriste, d’ultra-distance, voire à des parcours spécifiques comme sur les secteurs en pavé de Paris-Roubaix.
Le Roubaix tire son nom des célèbres pavés qui ont marqué et continuent de marquer l’histoire du cyclisme, un nom qui symbolise cette capacité à affronter les conditions les plus exigeantes. Au milieu de l’infâme secteur du carrefour de l’Arbre, avec ses pavés bombés, disjoints, irréguliers, gras et humides, mais aussi sur d’autres secteurs un petit peu moins dangereux et difficiles, j’ai pu me rendre compte des capacités d’absorption du vélo ainsi que des différences subtiles apportées par les réglages de la suspension avant Future Shock, et surtout de la pression de gonflage des pneumatiques. Deux jours en immersion sur les pavés du Nord en compagnie de Peter Sagan et de ses précieux conseils qui n’ont laissé aucune trace de courbature ou de blessure, comme une preuve que le concept d’ensemble fonctionne parfaitement.
Confort et rendement
Le Specialized Roubaix Expert est un vélo de milieu de gamme qui favorise donc le confort, sans pour autant délaisser le rendement, loin de là. La principale différence avec le Roubaix S-Works déjà testé il y a six mois concerne le niveau des fibres de carbone du cadre, ici en Fact 10r au lieu des Fact 12r, selon la nomenclature de la marque américaine. Concrètement, cela signifie une centaine de grammes en plus pour le cadre seul. Je n’ai ressenti aucune différence en termes de rigidité et de qualité de roulement. Autrement dit, le Roubaix Expert est un vélo qui reste vif et dynamique lors des relances et quand il s’agit de mettre de braquet sur le plat. Les mises en action sont franches et efficaces et la machine offre une inertie positive qui favorise le maintien d’une bonne allure de croisière. Celle-ci est de plus bien entretenue par un aérodynamisme étudié en soufflerie qui promet des gains significatifs par rapport à l’ancienne version du Roubaix. Parce qu’après tout, il n’y a pas de petites économies, même pour une pratique d’endurance.
Sur l’arrière du vélo, un système relativement simple au niveau de la tige de selle et nommé After Shock améliore le confort tout en se montrant relativement transparent au niveau des sensations au cours du pédalage. Il s’agit d’une tige de selle en carbone fixée très bas dans le cadre au niveau du tube de selle, avec un collier de serrage placé 65 mm plus bas qu’un système de serrage traditionnel. La longueur de la tige et sa conception favorisent une légère déformation vers l’arrière lors des chocs subis par le triangle arrière du vélo. Les vibrations sont ainsi absorbées sans altérer la rigidité et sans provoquer de sensation de pompage.
À l’avant, le système de suspension Future Shock est placé entre la potence et le tube de direction. Il offre 20 mm de débattement et réduit considérablement l’impact et les vibrations au niveau du poste de pilotage, tout en maintenant l’avant du vélo rigide pour conserver une tenue de route précise. Il s’agit avec ce Roubaix SL8 de la troisième version du Future Shock, qui peut être facilement adapté pour que chaque pratiquant, quels que soient son poids ou sa position sur le vélo, puisse bénéficier d’un confort optimal, grâce à trois ressorts différents adaptables dans le système. Cette nouvelle version est déclinée en trois niveaux de gamme, et le Roubaix Expert est normalement livré avec le niveau intermédiaire, qui offre un amorti hydraulique en plus du ressort personnalisable, mais sans pouvoir régler la compression. Cependant, il est possible comme ici sur le vélo de test d’opter en option pour le système le plus haut de gamme fourni normalement sur le S-Works, avec une compression réglable en cinq positions tout en pédalant, grâce à un tour de molette (de totalement verrouillé à souple). Une option à 450 € qui peut valoir le coup, selon l’utilisation que vous comptez faire de votre vélo.
En position verrouillée, la suspension procure dans tous les cas un comportement totalement neutre, sans montrer le moindre flottement lors des relances énergiques ou des sprints. Dans la position la plus souple, on peut ressentir un léger débattement lorsqu’on se positionne en danseuse sur l’avant du vélo, mais les sensations ne sont pas altérées en roulant en restant assis sur la selle. En termes de confort, en passant sur des trous ou un revêtement très irrégulier, la différence entre les deux positions extrêmes est bien sûr très nette. Il y a beaucoup moins de vibrations au niveau des mains et des bras, et cela se ressent aussi en ce qui concerne le degré de fatigue, après plusieurs heures en selle. Je trouve néanmoins que la position la plus souple diminue un peu l’impression de contrôle des trajectoires. Je ne me sens pas totalement en connexion avec la direction du vélo, pour savoir exactement où placer mes roues. Finalement, j’ai trouvé le meilleur compromis sur les pavés avec la position 4/5, c’est-à-dire presque la plus dure mais pas tout à fait, associée avec des pneumatiques plus gros, mais j’y reviendrai plus loin.
La polyvalence grâce au choix des pneus
De ce côté-là justement, le Roubaix SL8 (quel que soit le niveau de gamme) est compatible avec des pneus jusqu’à 38 voire 40 mm avec des crampons légers. Cela dépend aussi des roues utilisées et du ballon formé par le pneu en fonction de la largeur interne de la jante, mais ce qu’il faut retenir c’est que le vélo peut vous permettre de vous aventurer au-delà des routes bitumées, sur des sections de Gravel ni exceptionnellement boueuses ni trop empierrées, en tout cas différentes des routes traditionnelles. Grâce aux progrès réalisés dans le domaine ces dernières années, la polyvalence du vélo ne peut qu’être accentuée, et ce sont d’ailleurs des capacités recherchées par de plus en plus d’utilisateurs. Une vision moderne du cyclotourisme en quelque sorte. Ou du vélo couteau suisse, aussi bien à l’aise sur le bitume que sur une surface fuyante. Notons par ailleurs que comme le nouveau Roubaix est équipé des fixations nécessaires à des sacoches sur le haut du cadre ou pour des garde-boue ou des porte-bagages, il peut être bien sûr transformé en vélo de bikepacking pour des aventures de plusieurs jours.
Livré d’origine avec des pneus S-Works Mondo en 32 mm de section, le Roubaix Expert a donc de la marge. Avec ces pneus, je n’ai pourtant pas fait le fier lors du premier passage sur un secteur pavé mouillé : malgré cette section déjà conséquente et une pression de 3,5 bar à l’avant et à l’arrière, j’avais l’impression de rouler en pneus lisses sur une couche de verglas. Pas assez de vitesse et d’assurance, sans doute, malgré les conseils de pilotage de Peter Sagan himself, mais le champion doit bien peser 20 kg de plus que moi. Et pour ne pas trop se faire balloter et tenir le haut du pavé, c’est quelque chose qui compte. Dans cette configuration, l’absorption des vibrations n’est même pas vraiment en cause, d’autant plus que la suspension Future Shock joue parfaitement son rôle.
Il s’agit ici surtout d’une question d’adhérence, un domaine où le Mondo peut parfois surprendre au niveau de la bande de roulement, avec nettement moins de grip que sur les épaulements du pneu. C’est le prix à payer pour un bon rendement sur le bitume et une bonne longévité, mais sur les pavés mouillés du carrefour de l’Arbre, ça demande un peu de confiance. Reste que c’est tout de même cette configuration exactement qui a été choisie par tous les pros équipés par Specialized sur les courses femmes et hommes du Paris-Roubaix. Et c’est avec ces pneus que Lotte Kopecky a remporté la course féminine.
Pour la pression de gonflage, le technicien Specialized m’a conseillé 2,7 derrière et 2,5 devant. Un autre monde.
Pour ma part, je suis repassé par les stands et j’ai testé une autre configuration, toujours permise par le Roubaix. Des S-Works Mondo encore, mais cette fois-ci en 35 mm de section, soit un bon 36 de largeur réelle sur les roues Roval Terra déjà assez larges. Et pour la pression de gonflage, le technicien Specialized m’a conseillé 2,7 derrière et 2,5 devant. Un autre monde. Sur le bitume, je ne peux pas vraiment dire que j’ai senti une nette différence en termes de rendement. Ça tire un peu plus, certes, et on doit sûrement perdre deux ou trois watts à 40 km/h à cause d’une pénétration dans l’air moins favorable. En revanche, sur le pavé mouillé, j’ai pu prendre de l’assurance. Je me suis senti moins secoué et j’ai surtout trouvé plus d’adhérence. J’ai perdu moins de vitesse dans les virages sur les pavés, et les relances ont donc été moins exigeantes. Et sur des sections de Gravel, je me suis presque cru sur le bitume.
Grâce à ce montage – et donc aux capacités du Roubaix dans le domaine – je n’ai plus eu à modifier sans cesse le réglage de la suspension Future Shock, en adoptant une fois pour toute une souplesse de compression qui me paraissait un bon compromis lors des enchainements bitume-pavés-bitume, etc. La section de 32 est sans doute parfaite pour des pros en condition de course, mais pour moi la section de 35 est bien mieux adaptée sur ce type de terrain. Même le lendemain de cette première prise de contact, en abordant les pavés sur le sec cette fois-ci, avec toujours autant d’amorti, mais surtout plus de vitesse et plus de confiance.
Le Specialized Roubaix Expert : un bon choix ?
Sur le Roubaix Expert, j’ai retrouvé une position identique à celle du Roubaix S-Works. Sur le plat, les deux vélos sont très proches en termes de comportement, avec une signature vraiment propre à ce modèle. L’efficacité est vraiment surprenante pour un vélo de cette catégorie, sans doute due à une rigidité latérale parfaitement étudiée, et seulement légèrement atténuée par la souplesse des gros pneus qui donne l’impression d’évoluer constamment sur un tapis feutré.
J’avais noté lors de mon essai du Roubaix S-Works que le poids était vraiment performant, avec 7,6 kg prêt à rouler, en tenant compte des pneus de 32 mm et du poids du système Future Shock (autour de 400 g). Mais on parle ici du modèle S-Works à 14 000 €, qui coûte plus du double que le Roubaix Expert. Un Expert qui s’affiche à 9 kg tout compris, et peut-être même un tout petit peu plus avec les pneus de 35. Le cadre n’est plus lourd que d’une centaine de grammes, mais le groupe (Sram Rival au lieu du Red), les roues (Roval Terra C au lieu des Terra CLX), la selle, le cintre sont aussi plus lourds. Le fonctionnement global du vélo est identique dans les deux versions, mais l’Expert fait tout en trainant un peu plus d’embonpoint.
Évidemment, seuls les compétiteurs ou les chasseurs de KOM sur Strava sentiront réellement la différence. Les rouleurs au long cours, les adeptes de l’ultra-distance ou les cyclotouristes qui recherchent un vélo pour tout faire ne se plaindront pas d’un rapport prix/poids loin de se montrer favorable. Car le point fort du Roubaix, qu’il soit en version Sport, Expert, Pro ou S-Works, c’est sa capacité à pouvoir aborder presque toutes les routes. Les pavés du Nord en sont un parfait exemple.
Le SPECIALIZED ROUBAIX EXPERT en bref… Les + : polyvalence, confort, dégagement pour les pneumatiques, rendement Cadre : Roubaix SL8 FACT 10r Carbon – Suspension : Future Shock 3.2 (3.3 en option) – Groupe : Sram Rival eTap AXS 12 vitesses (avec capteur de puissance) – Roues : Roval Terra C – Pneus : Specialized S-Works Mondo 700×32 – Selle : Specialized Power Expert – Cintre : Specialized Hover Expert – Poids : 8,7 kg (sans pédales) – Prix : 6 500 € Contact : specialized.com |
=> VOIR AUSSI : Tous nos articles Tests
Partager la publication "Essai du Specialized Roubaix SL8 Expert sur les pavés de l’Enfer du Nord"