Imaginez qu’en découvrant le portrait qui va suivre, vous ayez une révélation… Que ces quelques lignes vous réveillent un talent ignoré et que malgré vos années, elles vous donnent tardivement à nouveau envie de devenir un champion. Cette histoire, c’est celle de Charles-Henri Fouyer.
Par Jean-François Tatard – Photos : Maryline Beynette / velo60.fr
Nous sommes en 2012, Charles-Henri, Charly pour les intimes, fête bientôt ses 30 ans ! Cet ébéniste de formation n’a rien d’un cycliste et occupe ses week-ends avec des activités qui n’ont rien à voir avec le vélo. Il joue un peu au foot mais il s’émerveille surtout de tout ce qui est en lien avec la mécanique et notamment les motos. À ce moment là, le goût de l’effort comme on le connaît dans notre sport ne fait pas (encore) partie de sa culture.
Des débuts tardifs
C’est justement un défi posé là au hasard qui lui donne envie d’enfourcher la bicyclette. Il faut dire aussi que contrarié par des blessures à répétition et de plus en plus longues à traiter, Charly trouve dans le vélo un exutoire qui lui redonne le sourire. Et mieux, cela réveille très vite chez lui une passion jusqu’alors ignorée. « Je veux être un cycliste, moi aussi », se répète alors Charly…
Une deuxième vie
Il se dit que notre deuxième vie commence lorsqu’on se rend compte qu’on n’en a qu’une. Dans la même année que celle où il prend sa première licence en UFOLEP, Charly gagne dès sa troisième course et enchaîne avec trois autres opportunités saisies de lever les bras. En moins de 2 ans, il monte toutes les catégories pour terminer la saison 2014 en Première caté. 1982 c’est l’année de naissance qui figure sur la carte d’identité de Charly, mais 2012 c’est celle qui a donné naissance au champion qu’on connaît aujourd’hui.
La naissance d’une passion
Plus que la bicyclette, c’est l’objectif fixé qui l’intéresse. Le déroulement et la gestion de la compétition, mais aussi la mise en place d’un protocole d’entraînement bien spécifique et le plan qui l’amène à être à 100 % de son potentiel le jour J. Très vite, et guidé par Yannick Lamarque, son coach depuis 2015, Charly devient un expert et sa capacité à réussir systématiquement son objectif en fait un leader reconnu dans sa région.
On ne compte plus ses maillots distinctifs dans sa collection. Quasiment tous les ans, il rafle les titres de champion départemental et régional que ce soit en FFC ou en UFOLEP. Seul le titre de champion de France lui échappe encore. Il a également un lien intime avec la classique la plus convoitée de la région. Cela fait trois fois de suite que Charly gagne Paris-Vallangoujard. Sans parler de la Ronde de l’Oise, la plus prestigieuse course à étapes de France en UFOLEP et qu’il a gagnée plusieurs fois.
Son coup de pédale est fluide et efficace, c’est un spectacle à le voir tracer vers la victoire.
Son secret
Quand on interroge Charly sur les raisons de son succès, il ne trouve aucune explication plus rationnelle que l’entraînement. Mais lorsqu’on observe ce champion évoluer, on se rend compte qu’on a quand même affaire à quelqu’un d’exceptionnel. Le genre de phénomène que l’on croise une fois de temps en temps. La nature l’a gâté : son coup de pédale est fluide et efficace ! Il enroule le braquet. Sa force vient des hanches et on retrouve chez lui un panel de qualités qui lui permettent de s’exprimer quel que soit le terrain. C’est un spectacle à le voir tracer vers la victoire. Mais Charly s’entraîne aussi correctement. Et au-delà du fait qu’il roule en moyenne six fois par semaine, c’est la diversité des contenus de ses séances qui est intéressante à analyser. Jamais la même et toujours logiquement prévue pour optimiser la performance du dimanche. Il s’organise avec son emploi du temps professionnel et jongle avec les obligations d’un papa et d’un concubin précautionneux et attentif. Mais finalement, de cette abnégation et de ce lourd investissement, on n’en apprend rien de nouveau. Rigueur, discipline, courage, sont les valeurs que partagent tous les champions. Néanmoins, ce qui me frappe chez ce prodige tardif, c’est cet enthousiasme contaminant. Le sourire d’un enfant et une souffrance apparente quasi inexistante. Charly est équilibré et bien entouré. Sa famille, ses amis et quasiment tout le monde disent du bien de lui. Tout le monde a envie d’être son copain. Ou envie de le prendre pour exemple. Charly est discret et réfléchi mais Charly est attachant. Il déguste la vie. Cela semble évident. Charly est épanoui et heureux. Il est bienveillant et offre une gratitude rare à son sport. Comme s’il s’agissait de remercier la bicyclette comme on remercie quelqu’un qui vous a donné la chance de connaître une fois dans votre vie le bonheur. Charly ne compte pas les années, il fait que les années comptent. En fait, je pense que c’est un épicurien.
Sa méthode
Malgré cette légèreté apparente, Charly est un perfectionniste. Il ne laisse rien au hasard. Dans l’intensité, il s’entraîne aujourd’hui comme il faudrait le faire pour performer. Son état d’esprit n’a jamais changé. Charly me dit que « tant que la victoire est possible je ne lâcherai rien ». C’est un compétiteur et derrière cette gentillesse qui fait du bien à celui qui a la chance de partager un bout de son chemin, Charly est espiègle et se nourrit de cette volonté à figurer parmi les meilleurs sans nuire à ceux qui seront derrière. Et si « nul vent n’est jamais favorable à celui qui ne sait pas vers quel port il navigue », il y aura toujours deux ou trois objectifs majeurs pour jalonner une saison à la Charly Fouyer. Le reste du temps, c’est de la préparation avec une intelligente progressivité qui l’épargne des blessures et de la lassitude qui guette ceux qui ne savent pas aussi bien doser que lui.
Des regrets ?
Il est évident que si Charly avait découvert son sport plus jeune, les choses aurait été différentes. Aurait-il été meilleur ? Aurait-il été pro ? Aurait-il gagné une étape du Tour de France ? Mais l’inverse aussi… Aurait-il connu prématurément la lassitude ? Aurait-il connu une telle longévité ? De toute façon, chez Charly il ne s’agira jamais de regretter. Regretter ce qu’on n’a pas, c’est gâcher ce que l’on a. Charly a une vie pleine, riche émotionnellement et socialement.
Des souvenirs
Lorsqu’on l’interroge sur son meilleur souvenir en vélo, sans hésitation, la voix émue, il nous parle immédiatement de sa première victoire. Mais le premier titre régional lui réveille aussi une vive émotion. Et d’un point de vue performance, mieux encore qu’un long récit poétique relatant une aventure courageuse, son succès sur les Routes de l’Oise en 2018 font penser à une fabuleuse épopée dont seuls les super héros sont capables.
Une anecdote 3 étoiles
Coïncidence ou destin, le papa de Charly était président d’un club de vélo dans l’Aisne jusqu’à qu’il aille rejoindre les étoiles un an avant les débuts tardifs du fiston. Le papa aurait probablement été fier de voir son fiston gagner trois belles courses à la suite en 2022 malgré des erreurs d’appréciation. Cela aurait pu être un hommage onze ans après sa disparition, mais Charly, de tempérament très terre à terre, préfère parler d’une vraie passion qui devait être refoulée.
Et demain ?
Avec l’essor des nouvelles disciplines et des catégories par tranches d’âge, on n’est pas prêts de voir Charly s’arrêter de rouler. Dans sa catégorie d’âge, au niveau national, Charly fait partie des meilleurs. Plus qu’une roue à prendre, c’est une vraie référence. Et son éclectisme devrait également nous offrir l’opportunité de voir son nom prochainement dans des classements de la Gravel World Series.
Ce que je retiens
Quelle image garder de Charly ? Maintenant que je le connais encore un peu mieux, Charly est un gentil. Un vrai gentil. Ce qui me conforte aussi dans l’idée qu’il n’y a pas besoin d’être alimenté d’animosité ou animé de méchanceté et de revanche pour réussir dans le sport. Charly partage. Charly est positif et Charly regarde devant. D’ailleurs, quand on interroge les personnes qui le côtoient, on nous dit que Charly est discret mais dans le fond Charly est attentionné, généreux, fidèle, disponible, humble, heureux et contaminant d’enthousiasme et de positivisme. Charly c’est l’ami qu’on veut avoir. Charly c’est aussi un fabuleux message d’espoir. Charly pourrait aider les plus jeunes à se projeter dans le futur avec sérénité… Charly c’est l’histoire sans fin.
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