Test du Cervélo R5

En marge du Soloist tout récemment testé sur 3bikes.fr et du S5, l’autre haut de gamme destiné à la vitesse, Cervélo garde une place de choix pour son modèle R5 dédié aux parcours accidentés. Celui-ci est l’un des deux vélos utilisés par Jonas Vingegaard sur son Tour de France victorieux en 2022. Mais si ce vélo est un atout pour l’emporter sur la plus grande course cycliste du monde, convient-il pour un cycliste appartenant au commun des mortels ? C’est à cette question que j’ai tenté de répondre en confrontant le vélo sur plus de 1000 km dans les Pyrénées, sur le terrain même des exploits du coureur danois.

Texte : Olivier Dulaurent – Photos : www.3bikes.fr, Cervélo

Test du Cervélo R5
Hautacam figure parmi les nombreuses montées sur lesquelles le Cervélo R5 a été confronté. Jonas Vingegaard s’y était imposé en juillet dernier.

Dans la gamme route chez Cervélo, le R5 se situe tout en haut de la hiérarchie aux côtés du modèle S5 taillé davantage pour les parcours plats à vallonnés et ayant fait les beaux jours de Wout van Aert sur le dernier Tour de France. Il se situe donc au-dessus du Soloist, modèle tout juste sorti officiellement et déjà testé sur www.3bikes.fr. Ce R5 n’est pas à proprement parler une nouveauté. En effet, il a été présenté en septembre 2021. Les réflexions qui ont amené à cette nouvelle mouture du cadre avaient notamment été recueillies auprès des coureurs professionnels de l’équipe Jumbo Visma afin d’obtenir une moindre fatigue sur la durée d’une étape, par l’intermédiaire d’un cadre moins exigeant. Il faut dire que même pour les cyclistes capables de développer des puissances très élevées durant des heures, ce n’est pas en poussant sans cesse le curseur de la rigidité vers le haut, que le rendement – celui qui permet réellement d’aller le plus vite possible de la ligne de départ à la ligne d’arrivée – est optimisé.

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Jonas Vingegaard sur le Tour de France 2022 aux commandes de son Cervélo R5
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Un cadre R5 aux couleurs de son maillot jaune lui avait été préparé pour la dernière étape du Tour. Mais il a finalement choisi de la disputer avec un S5.
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Le poste de pilotage de l’équipe Jumbo Visma provient de Vision (au lieu d’un ensemble Cervélo)

Ainsi, Cervélo a joué sur des paramètres fondamentaux :

  • le poids avec une réduction annoncée à 130 g sur le cadre, 20 g sur la tige de selle et 44 g sur l’ensemble cintre-potence ;
  • l’aérodynamisme avec une réduction de la trainée aéro de 25 g, soit un gain de 2,5 watts. Sans préciser toutefois à quelle vitesse le résultat était obtenu ;
  • la rigidité. Sur cet aspect, les recherches ont tendu vers une réduction de la rigidité (sans donner de chiffres), pour avoir un vélo plus réactif et moins fatigant pour l’athlète.
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Même si ce n’est pas son but premier, le Cervélo R5 n’a pas oublié l’aéro.
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Le gain de poids s’est aussi fait sur le poste de pilotage, perdant 44 g par rapport à l’ancienne version.

Par ailleurs, si la géométrie de l’ancienne version a été conservée, de subtiles modifications ont porté sur le dégagement du pneu afin d’avoir la possibilité de rouler en sections de 34 mm, ainsi que sur un sloping plus prononcé pour que la tige de selle joue un rôle majoré dans sa déformation, au bénéfice d’un confort accru.

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Selon la taille du cycliste, le sloping peut être maximal.

Sur le plan du montage, c’est l’une des deux versions les plus prestigieuses affichées à 11 999 € prix catalogue qui a servi de test. Si une version équipée d’un groupe Shimano Dura Ace Di2 est aussi proposée, j’ai roulé avec le modèle doté d’un groupe complet Sram Red AXS en 12 vitesses. Au niveau des trains roulants, des roues « maison » développées en interne par Cervélo sous la marque Reserve (profils de 37 mm à l’arrière et 34 mm à l’avant) chaussées de pneus Tubeless Vittoria Corsa Graphene en 25 mm ont secondé le cadre. Ce montage reste dans l’esprit global du vélo avec la recherche d’un poids réduit et une conduite plus facile en descente car ce genre de profil bas à moyen est plus facile à manœuvrer en virage serré.

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La roue avant en 34 mm de haut.
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La roue arrière en 37 mm.

Un vélo dans son élément en montagne

Dès les premiers tours de roues ou plus exactement, la première fois que le cycliste se met en danseuse sur ce Cervélo R5, c’est l’importante rigidité de la partie avant du vélo qui prédomine, notamment au niveau de la douille de direction. Cette rigidité réclame d’adapter son geste au moment de balancer le vélo de part et d’autre afin de retrouver la bonne coordination entre ce mouvement de balancier avec le haut du corps et la vitesse de rotation des pédales. Cependant, si la caractéristique reste particulièrement nette malgré la redéfinition du cadre sorti en 2021 par Cervélo, elle est à mettre au crédit des nombreuses qualités du vélo et participe à son rendement général.

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La douille de direction est particulièrement rigide.

Plus précisément, une rigidité importante sur l’ensemble du cadre aurait pu s’avérer pénalisante dans les longues ascensions comme celles du Tourmalet, du plateau de Beille ou d’Hautacam. Car, tout cycliste qui évolue sur ce genre de terrain sait que son vélo ne doit pas être un ennemi contre lequel il faut se battre. Dans le cas présent, la rigidité de la partie centrale (boitier de pédalier) et arrière (bases et haubans) est nettement moins marquée et il s’avère à l’usage que le vélo continue de vivre même lorsque le compteur indique une vitesse à un seul chiffre. En montagne, le rendement global est aidé par le poids réduit (7,130 kg en taille 58, sans pédales) et sur les longues ascensions à allure constante, le vélo reste aussi « aérien » que les meilleurs vélos à patins, ce qui n’est pas toujours le cas avec les vélos à disque d’une gamme inférieure.

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Avec 7,130 kg sur la balance (sans pédales, en taille 58), le Cervélo R5 fait figure de poids léger dans la catégorie des vélos à disque.
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Le Cervélo R5 offre un rendement très élevé en montagne comme ici dans la montée du Plateau de Beille.

Par ailleurs, la différence de « traitement » dans la rigidité entre l’avant et l’arrière aurait pu rendre le vélo peu homogène voire déséquilibré. Mais il n’en est rien et le R5 apparait comme un vélo à deux visages : suffisamment tolérant à allure réduite assis avec un petit braquet, il semble se « tendre » dès que le cycliste met les watts en danseuse.

Le R5 apparait comme un vélo à deux visages : suffisamment tolérant à allure réduite assis avec un petit braquet, il semble se « tendre » dès que le cycliste met les watts en danseuse.

Dans ces conditions, seule la roue arrière aurait mérité d’être plus tendue. Pour limiter cet effet, une possibilité est d’utiliser une jante de profil supérieur à 37 mm (cas du vélo d’essai). Cependant, cette dernière remarque est surtout valable pour un utilisateur d’un certain gabarit. Pour les autres, cet aspect ne devrait pas poser de problème à moins de jouer dans le registre du sprint… qui n’est pas la vocation première du vélo.

Sur le plat, l’impression laissée par le vélo est très bonne. Au niveau des sensations, s’il est impossible de distinguer la perte par rapport au S5 de la même marque, le R5 ne donne pas l’impression de buter contre le vent lorsqu’il évolue à grande vitesse. C’est dans ces conditions que le confort fait merveille. Grâce aux caractéristiques cumulées du choix des pneus (Vittoria Corsa Graphene en 25 mm Tubeless) dont le gonflage optimal s’est situé autour de 5,5 à 6 bars pour 72 kg, de la fibre de carbone employée, de la sortie de selle permise par l’important sloping du cadre et par la souplesse du triangle arrière, l’effet cumulé est particulièrement agréable.

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L’importante sortie de selle permise par le cadre très sloping concourt au confort important du vélo.

Il devient même un atout notable sur le plan dynamique en descente sur les parties où le revêtement est dégradé. En effet, alors que sur un vélo classique il serait nécessaire de ralentir pour éviter d’être chahuté ou tout simplement pour lire la route, le sentiment observé ici est que rien ne peut nous arriver, ce qui augmente la confiance du couple homme-machine au fil des kilomètres. Et l’on connait très bien l’impact de cette confiance afin de descendre sereinement. Ceci va de pair avec l’importante stabilité du vélo à grande vitesse : le R5 se montre peu sensible aux éléments extérieurs que peuvent être les rafales de vent ou les micro ajustements faits pour choisir sa trajectoire en ligne droite. Pour autant, la maniabilité en virages serrés ne pose pas de problèmes et le vélo vire de façon énergique et sûre en suivant les ordres de son « pilote », aidé ici encore par la qualité de la monte pneumatique dont l’excellent grip de base est favorisé par les faibles pressions utilisées.

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Grâce à une géométrie savamment dosée, le vélo révèle ses qualités en montagne.

Dans ces conditions et en raison des vitesses atteintes, c’est le freinage qui doit se montrer à la hauteur. C’est ici que les limites du vélo ont été atteintes, liées au groupe Sram Red eTap et ce, malgré les disques en 160 mm, avant et arrière. Ce n’est pas un réel manque de puissance de freinage qui a été constaté mais plutôt une difficulté à obtenir cette puissance, exactement au moment voulu. En effet, la sensation aux leviers de freins se montre spongieuse – même avec le réglage adéquat – et les premiers millimètres voire centimètres de sa course ne font pas ralentir le vélo de manière significative. Si bien qu’il est nécessaire d’appuyer de plus en plus fort afin d’obtenir le ralentissement voulu. Or, il est évident que pendant ce laps de temps, le vélo continue d’avancer, parfois vite. Ce n’est qu’en bout de course que le freinage se montre à la hauteur du système à disque. Une solution aurait pu être d’écraser immédiatement le levier. Sauf que, même après 1000 km, sur la course du levier il est difficile de trouver le bon dosage entre « trop peu » et « trop », avec les risques de blocage que cela comprend. Un rapide échange avec un vélo équipé en freins à disque Shimano (Ultegra) montre clairement la différence : si le freinage est nettement plus « on/off », celui-ci se révèle finalement plus facile à doser car le cycliste ne se montre pas surpris. Des plaquettes plus mordantes pourraient être la solution. Mais après les 1000 km parcourus dont moins d’une centaine sous la pluie, celles d’origine sont à changer.

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Les plaquettes sont à changer après « seulement » 1000 km, principalement par temps sec.
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La pneu arrière a également « bien vécu » (quant au pneu avant, il est resté comme neuf).

Cette réserve mise à part, le groupe Sram est très agréable à utiliser. Esthétique, intuitif, rapide et ergonomique, il appelle de nombreuses louanges. Par ailleurs, les développements proposés peuvent dérouter. En combinaisons de 48-35 et 10×28, la sensation d’enrouler le braquet est différente d’une gamme plus classique, d’autant plus en comparant avec des plateaux en 53-39. À noter que le vélo est livré d’origine avec un capteur de puissance, un moindre mal étant donné le tarif réclamé pour le vélo complet (11 999 €). La version équipée en Sram Force s’affiche à 8 799 €.

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La transmission Sram Red eTap est très agréable à l’usage et en cas de panne de l’une des deux batteries, il est possible de les intervertir. Un vrai plus quand la partie arrière est concernée.
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Le vélo est équipé d’un capteur de puissance Quarq.

Notre avis sur le Cervélo R5

Le Cervélo R5 réunit les qualités requises pour performer sur son terrain de prédilection, la montagne. Réunissant des qualités parfois peu compatibles comme rigidité importante, nervosité, tolérance et confort, il n’est ainsi pas seulement destiné aux meilleurs coureurs du monde. L’accessibilité de son comportement en fait ainsi un excellent partenaire, quel que soit le niveau du cycliste. Par ailleurs, ses performances sur le plat le rendent particulièrement polyvalent. Malheureusement, la somme à réunir pour l’acquérir est particulièrement élevée.

Le CERVÉLO R5 Sram Red eTap AXS en bref…

Note : *****

Les + : rigidité et confort parfaitement dosés, stabilité en descente, rendement en montagne, polyvalence sur le plat
Les – : prix, freinage difficile à doser, roue arrière légèrement souple selon le gabarit

Cadre : Cervélo R5 Disc – Fourche : Cervélo All-Carbon Tapered R5 – Cintre : Cervélo HB13 carbone – Potence : Cervélo ST31 carbone  – Freins : Sram Red 160/160 mm – Dér. Avant : SRAM Red AXS 12 v. – Dér. Arrière : SRAM Red AXS 12 v. – Leviers : SRAM Red AXS hydrauliques – Cassette : SRAM Red 10-28 – Chaîne : SRAM Red AXS 12 v. – Pédalier : SRAM Red AXS 48/35 (avec capteur de puissance Quarq) – Roues : Reserve 34/37 mm – Pneus : Vittoria Corsa Graphene TLR 700×25 – Selle : Prologo Scratch M5 Nack – Tige de selle : Cervélo SP24 Carbon – Poids : 7,13 kg vérifiés en taille 58 sans pédales – Nombre de tailles : 6 (48 à 61) – Prix : 11999 €

Contact : www.cervelo.com

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Olivier Dulaurent

- 48 ans. – Pigiste presse écrite et Internet depuis 2004, auteur de Le Guide du Vélo Ecolo (Editions Leduc, novembre 2020), Moniteur Brevet d’Etat Cyclisme, encadrant de stages cyclistes depuis 2005 et coach cycliste - Pratiques sportives actuelles : cyclisme route et VTT (occasionnelle : course à pied) - Strava : Olivier Dulaurent

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