Le coup de bordure

Quel passionné de cyclisme n’a-t-il jamais entendu parler du fameux coup de bordure ? De quoi s’agit-il ? Comment cela se produit-il ? Quel est l’interêt ? Qui sont les acteurs ? Qui en profite ? Qui en pâtit ? Même si ce n’est pas toujours simple à expliquer au grand public, 3bikes.fr va tenter dans ce dossier d’analyser le phénomène… 

Par Jean-Fran̤ois Tatard РPhotos : Billy Ceusters / commons.wikimedia / 3bikes / DR

Le fameux coup de bordure : voilà une expression qui revient comme une rengaine dans le petit jargon sympathique du cyclisme… Mais qu’est-ce que signifie ce terme imagé ? La bordure est un phénomène qui se déroule au sein d’un peloton cycliste principalement lorsque le vent latéral est important. Et pour se protéger, les coureurs vont ainsi se rabattre les uns à côté des autres jusqu’à atteindre le bord opposé de la provenance du vent sur la route. À ce moment-là, pour bénéficier du phénomène de drafting, les coureurs se positionnent alors les uns derrière les autres, mais avec un abri diminué par rapport à ceux qui évoluent dans l’éventail, c’est-à-dire le groupe de coureurs placés au milieu de la route. Et la bordure est ainsi « quasi » créée !

Dans le cas du déclenchement d’une bordure, mieux vaut ne pas trainer derrière.

Pourquoi quasi ? Parce qu’on n’en a pas encore tout à fait fini avec les difficultés. En effet, la bordure est l’un des phénomènes techniques de ce sport les plus exigeants. L’effort est intense. La visibilité est altérée. L’équilibre est mis en difficulté, pour tenter de suivre le sillage des coureurs en tête de groupe, avec une protection diminuée. Le rapprochement entre les coureurs et les frottements éventuels exigent une grande adresse pour rester dans l’abri de celui qui précède, et beaucoup de lucidité pour ne pas heurter le dérailleur du coureur de devant avec la roue. Et si le phénomène dure suffisamment longtemps, il provoque des cassures au sein du peloton. 

Un abri réduit et un déséquilibre créé avec un vent latéral, et un manque de visibilité dans les roues à la limite du rebord de la route, finissent par avoir raison des coureurs les plus faibles et des moins habiles à rester calés dans la roue qui les précède. Mais n’est-il pas là l’objectif de la méthode ? Scinder le peloton et éliminer des adversaires ? 

Les bordures peuvent créer une sévère sélection. ©PIG

Une des principales difficultés du sport cycliste

Le coup de bordure est un art. Accélérer franchement en tête de peloton, par équipe ou se mettant d’accord avec d’autres coureurs pour créer un éventail (organisation bien huilée qui consiste à prendre des relais courts et rapides en partant du milieu de la route), pour faire céder ceux qui traînent derrière, mal placés dans les roues. Et parmi les éléments clés pour réussir une bordure : le vent, une route dégagée, le bon timing et l’effet de surprise sont quelques facteurs cruciaux…

Un vent puissant de côté de 3/4 dos ou 3/4 face est la première condition. C’est lui qui va donner l’idée à certains de se placer de l’autre côté de la route, afin que personne ne soit protégé au-delà d’une certaine place et ainsi de « sortir » du Game le reste du peloton. Ainsi, les coureurs concernés se disposent en éventail, à mi-hauteur de l’équipier qui les devancent afin de se protéger et se relaient les uns après les autres jusqu’au premier coureur qui se retrouve en file indienne et donc à découvert. Et très vite ce dernier va perdre la roue pour laisser partir ce petit groupe constitué de coureurs aussi forts que malins. Le temps de se réorganiser, les retardataires ont déjà perdu beaucoup de temps.

Comment cela se prépare-t-il ? Ce n’est pas qu’une question d’instinct et de sens de la course, la bordure c’est aussi de l’anticipation et donc une bonne analyse de la cartographie ainsi que les conditions climatiques du jour. Les coureurs des équipes pros l’anticipent dès le briefing dans le bus. Même si les plaines, les parties sans arbres, les sorties de ville ou les sorties de ronds points sont des lieux à privilégier, l’idée est aussi de créer la surprise et de laisser les plus susceptibles d’être éliminés ou les plus menaçants encore plus loin.

Le coup de bordure est un coup stratégique dont peuvent dépendre beaucoup de courses.

Et puis, au-delà de cette stratégie bien établie à l’avance, encore faut-il avoir les coureurs qui conviennent. Généralement, il s’agit de gros gabarits assez forts dont la puissance permet de réaliser ce coup de force. Il est rare de voir à la manœuvre un coureur filiforme qui aurait plus de facilité à se mettre en évidence sur un relief montagneux. Bardet vs. Asgreen par exemple. Car pour créer la décision et les cassures voulues dans la bordure, il faut enrouler avec beaucoup de watts dans le vent. Pour réussir cette action très offensive, il s’agit de repérer à plusieurs compères un changement de direction comme une sortie de forêt ou le sommet exposé d’une bosse, puis de porter une accélération la plus violente possible et de maîtriser la technique de relais en éventail.

Et vous, chers téléspectateurs, qui ne jurez que par les étapes de montagne ? Et qui ne voulez pas regarder cette étape du Tour parce qu’elle est de plaine et qu’elle s’annonce sans mouvement ? Vous vous attendiez à vous ennuyer ? Eh bien non, le phénomène de bordure est bel et bien l’un des phénomènes les plus spectaculaires de ce sport…

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Jean-François Tatard

- 43 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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