Partager la publication "Une plongée au cœur du premier Tour de France femmes avec Sandrine Bideau"
Jamais une course à étapes n’avait fait autant fait parler d’elle dans le monde du cyclisme féminin : la première édition du Tour de France femmes est aussi là pour nous rappeler que le cyclisme féminin s’est grandement professionnalisé. Mais qu’il reste encore du chemin à parcourir pour que toutes les concurrentes soient à égalité. À cette occasion, 3bikes.fr est allé rencontrer une des participantes, qui concilie encore une vie professionnelle prenante avec le sport de haut niveau. Nous partons ici à la découverte de Sandrine Bideau.
Par Jeff Tatard – Photos : Billy Ceusters
Après huit éditions de La Course by Le Tour (2014-2021), qui proposait chaque année au peloton féminin de courir une étape du tracé dévolu aux hommes, ASO a décidé cette année de mettre les bouchées doubles en organisant une épreuve longue de huit étapes et intégralement télévisée sur les chaines publiques et visibles depuis 190 pays. Et comme le dit Marion Rousse, la patronne de la Grande Boucle féminine : « ce n’est pas un cadeau qu’on fait aux coureuses ». Il n’est pas non plus le fruit d’une pression sur Amaury Sport Organisation (ASO). Les filles le méritent. C’est cohérent d’un point de vue sportif et professionnel. C’est aussi la preuve que le cyclisme féminin est prêt et qu’il a évolué…
Sandrine Bideau considère comme une chance de participer à ce premier Tour de France femmes. À 33 ans, elle milite depuis plusieurs années au sein de l’Association Française des Coureures Cyclistes (dont elle est l’une des vice-présidentes) qui agit pour une meilleure reconnaissance et médiatisation du cyclisme féminin. Pour le développement de son professionnalisme aussi. Pour la désormais sociétaire de Saint-Michel Auber 93, qui été éduquée très tôt avec la culture du vélo par son père, ses oncles et ses cousins, et à qui il n’aura pas fallu longtemps pour se distinguer comme une véritable championne, c’est l’occasion de prouver au monde entier que le cyclisme féminin n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a quelques dizaines d’années. Il faut l’admettre, le niveau s’est nettement élevé. Probablement aussi que l’instauration du salaire minimum dans les équipes World Tour par l’UCI a aidé à homogénéiser la valeur des athlètes. Les courses sont devenues encore plus intéressantes. Sur L’Equipe TV, sur Eurosport ou sur France Télévisions, on a désormais la chance d’en voir plusieurs tout au long de l’année, et on s’éclate parfois plus à les suivre que celles des hommes. Le cyclisme féminin semble sur le bon chemin.
Même si pour Sandrine Bideau, qui a commencé sa carrière pro en 2012 dans le Team UCI de Vienne-Futuroscope, on identifie encore un gap au niveau des conditions dans lesquelles elle exerce son métier. Quand on se contacte la première fois par SMS pour fixer l’heure de l’interview, Sandrine me propose de la rappeler après le boulot. Je découvre ainsi que la Francilienne travaille un peu plus qu’à mi-temps comme comptable et qu’elle a pris des congés pour pouvoir participer à cet évènement planétaire qu’elle ne pouvait manquer sous aucun prétexte. « Mais je ne regrette rien, souligne Sandrine Bideau. On m’a proposé un CDI dans mon domaine, puisque j’ai étudié la compta, et je suis toujours dans la même entreprise 10 ans après avec un contrat de 25 heures hebdomadaire ». Cela laisse à Sandrine le temps de s’entrainer tout en gagnant sa vie, même si elle n’est pas dans les mêmes conditions de confort que les meilleures mondiales, celles qui trustent les résultats sur les étapes de ce premier Tour de France femmes.
Dans nos échanges, je découvre une véritable guerrière. Tout n’a pas toujours été facile. Dans ces premières années pro, elle se fracture le bassin. Puis l’année suivante, elle enchaine avec une mononucléose. Elle n’est pas conservée au sein de la future équipe FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope, et rebondit en amateurs dans l’équipe de Division Nationale de la région Centre. Elle en profite pour retrouver le chemin des podiums, en terminant deuxième de deux manches de la Coupe de France dès 2015.
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Parfois, la routine de notre quotidien ou l’accomplissement répétitif de nos tâches journalières ont tendance à nous épuiser mentalement. L’idée de voir nos journées se succéder et se ressembler peut nous amener à une certaine lassitude. Mais pas pour la coureuse de 33 ans. Sandrine ne perd jamais de vu ses objectifs. Et pour ainsi dire, elle ne les loupe jamais, comme en témoigne sa récente sixième place sur l’épreuve en ligne des championnats de France 2022. C’est l’inspiration qui est la pierre angulaire de ses succès. J’ai découvert une fille très inspirée. Et donc très performante.
Depuis 2018, elle a rejoint l’équipe de Division nationale féminine de Saint-Michel Auber 93, dans sa région d’origine. Sandrine est managée par Charlotte Bravard, ancienne championne de France. Elle-même responsable de la structure. Et les performances s’enchainent avec d’excellents résultats en Coupe de France, et surtout, elle fait preuve d’une excellente régularité au championnat de France : 13e en 2018 et 2019, 7e en 2020, 11e en 2021, et encore 6e cette année mais avec un statut pro. Et jusqu’à 2021, elle a été quasi systématiquement la meilleure amateure française.
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C’est d’ailleurs sous l’impulsion des filles comme Sandrine que la structure de Charlotte Bravard a pu accéder à l’échelon supérieur, cette année, en 2022. « Avec ce statut UCI, nous faisons des courses d’un niveau supérieur sans avoir besoin d’être invitées, apprécie la jeune femme ». Et la récompense suprême, elle la tient. Celle qui fait que ta carrière cycliste est quoi qu’il arrive réussie. Le droit de participer cette année au Tour de France. Ce statut auquel accède Sandrine est ainsi une consécration. Que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, c’est la plus belle course du monde. Elle dépasse les frontières du sport. On parle du cyclisme féminin et on le fait entrer dans le quotidien des gens, chose qu’aucune autre course au monde ne peut faire. Peut-être que des chefs d’entreprise auront allumé leur télé et se seront dit que c’est super, le cyclisme féminin, et que ça leur donnera envie d’investir. Car même s’il existe et qu’il progresse, le système économique du cyclisme féminin est visiblement encore un peu faible à l’heure actuelle. Cette « quatrième semaine » de Tour de France a rendu très heureux tous les juilletistes, et donnera à coup sûr des vocations aux petites filles qui étaient sur le bord des routes ou devant leur télé.
Ce premier Tour de France femmes dominé par Marianne Vos dans sa première partie et Annemiek van Vleuten lors des deux dernières étapes (et vainqueure finale), deux néerlandaises qui ont largement dépassé la trentaine et chacune avec un palmarès long comme le bras, a montré néanmoins qu’il subsiste de forts écarts de niveau. Vos et van Vleuten sont pros à 100 % depuis des années. Elles parcourent le monde d’une course à l’autre, enchainent les stages en altitude, font jusqu’à 30 h de vélo par semaine. Sandrine Bideau a tenté de surnager en milieu de peloton. Elle n’a pas le même niveau de préparation, n’a pas eu le même programme de course pour acquérir du rythme. Elle a craint les chutes au début du Tour, puis a dû subir l’allure des meilleures en montagne. Mais elle a fait preuve d’une belle résistance, n’a jamais complètement craqué, s’est remise en question tous les jours, même si elle n’a pas pu s’exprimer comme elle l’espérait. Et au final, elle a bouclé son Tour, certes fatiguée, mais en se découvrant des ressources insoupçonnées, notamment en termes de récupération. Elle a également parfaitement joué son rôle d’ambassadrice du cyclisme féminin, illuminant de son sourire chacune des sollicitations auxquelles elle a répondu, que ce soit face aux médias ou face aux spectateurs réclamant une photo ou un autographe.
Si Sandrine Bideau cultive la discrétion en même temps que l’art de la persévérance qui forge le destin des plus grands, cette championne qui se qualifie comme « diesel » mais qui travaille son explosivité avec des sprints, contribue à déplacer les curseurs et à changer les mentalités pour que ce sport féminisé devienne encore plus spectaculaire et médiatique… Elle espère continuer à être une actrice de cette évolution dans les saisons à venir.
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Bonjour,
Votre portrait est sympa mais malheureusement un peu hors sujet.
Le problème de la professionnalisation c’est un problème de densité du haut niveau et le cyclisme est loin d’être le seul touché. La pratique du plus grand nombre de filles dans le sport de niveau est loin d’être atteint, c’est un problème sociétal : faire pratiquer les filles en grand nombre ( parité ?) dans les sports athlétiques. Combien de filles dans mon club ?combien croisées sur la route? et les laisser continuer après 16 ans !!!! Il faudrait prendre à notre compte une bonne part de leur métier… de mère de famille. Mais bon ça bouge!!
Bonjour,
Votre portrait est sympa mais malheureusement un peu hors sujet.
Le problème de la professionnalisation c’est un problème de densité du haut niveau et le cyclisme est loin d’être le seul touché. La pratique du plus grand nombre de filles dans le sport de niveau est loin d’être atteint, c’est un problème sociétal : faire pratiquer les filles en grand nombre ( parité ?) dans les sports athlétiques. Combien de filles dans mon club ?combien croisées sur la route? et les laisser continuer après 16 ans !!!! Il faudrait prendre à notre compte une bonne part de leur métier… de mère de famille. Mais bon ça bouge!!