Compte-rendu de l’Ardéchoise 2022

Après deux années d’interruption pour les raisons que nous connaissons tous, l’Ardéchoise renaissait de ses cendres en ce samedi 18 juin 2022. Avec des températures caniculaires comme nous n’en avons jamais connues par le passé à ces dates, allumer le feu sur ces routes ardéchoises ne se résumait pas seulement à une chanson de Johnny mais plutôt à une certaine forme de folie que de s’aventurer sur un vélo et de mettre son corps en ébullition.

Par David Polveroni – Photos : DR

L’Ardéchoise c’est avant tout la fête du vélo. Si dans ce sujet, je me consacrerai au récit de la course vécue de l’intérieur pour le parcours iconique de l’épreuve, le bien nommé Ardéchoise, l’épreuve regroupe une multitude de formules, sur 1, 2 ou 3 jours, mixant le côté sportif et chronométré à la détente, la convivialité et la contemplation des magnifiques paysages ardéchois.

Saint Félicien, qui accueille l’événement depuis 1992 fait figure de petite ruche à l’approche de cette troisième semaine de juin. Ici tout le monde ou presque habitant l’Ardèche met la main à la pâte pour mener à bien l’épreuve. Alors cette petite ruche d’une demi douzaine de milliers de personnes se met de concert pour que chacun des participants soit dans une configuration lui permettant de se sentir à son aise. Car la suite, la partie sur le vélo, se veut des plus agréables. Comme on le verra : rouler en Ardèche est un pur bonheur : des routes peu empruntées, sauvages, ne demandant qu’à y poser ses pneus. 

Il faudra néanmoins faire face à un ennemi relativement chaleureux : le soleil. Dès la première épreuve du mercredi, le soleil avait décidé de se venger de 2016, une édition où il s’était rangé, laissant place à de la pluie, et seulement 2 petits degrés au Mont Gerbier de Jonc, qui pour petit rappel de vos cours de géographie est la source de la Loire, et le point sommital de l’épreuve à 1551 m. Que nenni en 2022, l’épreuve revoit le jour sous une alerte canicule !

Le départ matinal, à 7h30, parait presque tardif au regard des températures. Je me répète, mais si les 220 km au menu avec plus de 4000 m de dénivelé peuvent faire peur, la météo va largement augmenter la difficulté. Vraiment pas un lézard, j’essaie absolument de ne pas penser au soleil. Enfin, je mets en place une stratégie d’hydratation « classique » sur ce parcours, c’est-à-dire deux grands bidons sur le vélo plus une bouteille de 750 ml aussi sous le maillot, dans le dos. Avec en tête, l’idée de m’arrêter remplir le tout peu avant le Gerbier de Jonc.

Je me répète, mais si les 220 km au menu avec plus de 4000 m de dénivelé peuvent faire peur, la météo va largement augmenter la difficulté.

Oui, l’Ardéchoise c’est une épreuve qui se démarque des autres car ici, normalement, il n’y a pas d’assistance d’autorisée, (c’est peut-être pour ça que l’épreuve est moins plébiscitée par les grands teams, belges par exemple ?) et la multitude de villages traversés et qui participent au ravitaillement font largement l’affaire pour pallier à une alerte canicule. Donc aucun souci à se faire de ce côté pour tout le monde.

Encore quelques petites gorgées sur la ligne de départ, et c’est (bien bien lourd avec toute cette eau 🙂 que la meute s’élance pour 6h30 à plus 13h30 de « course ».

Le Col du Buisson

Pas mal de sas sont nécessaires pour amener les participants sur les premier kilomètres de ce parcours, le rythme est assez cool et sur un col roulant l’écrémage est relatif. Ce petit col du buisson, long de 10 km ne présente donc guère de pourcentages, il sillonne la montagne au nord de St Felicien pour arriver a 927 m au premier col de la journée. Premier col mais pas encore la bascule, il faut encore pédaler durant près de 5 km pour définitivement descendre sur Lamastre.

La descente n’est pas très difficile, sur une chaussée en parfait état, balayée par la DDE locale comme sur l’ensemble du parcours pour profiter au mieux de la chaussée : ça file. Toujours dans les 2/3 premiers afin de gérer au mieux mes trajectoires, la descente se passe très bien pour moi comme pour l’ensemble du peloton encore assez dense.

Le col des Nonières

Le rythme s’abaisse ici, l’ensemble des coureurs ayant décidé de s’économiser : ça roulotte on discute de la pluie et du beau temps, surtout du beau temps, et on profite encore des températures supportables pour pédaler dans la facilité.

Le Col de Mezihac

Après avoir traversé le Cheylard, l’ambiance qui règne est digne de celle du Tour de France dans certains villages : l’Ardéchoise c’est la fête du vélo ! Le col de Mezihac est un col très progressif, la pente augmente petit à petit pour atteindre les 7 % au maximum sur le final.  Le début se fait toujours à un petit rythme, c’est long, je suis sur la retenue et j’essaie de ne pas faire d’effort, franchement c’est dur car je me sens bien ! Donc je m’efforce de ne pas faire les erreurs des cyclos précédentes et reste sagement sur le plan fixé. Et il le faudra, car la chaleur aura plus d’impact que la distance et le dénivelé.

Peu avant les premières véritables rampes, deux coureurs de la réserve d’Israel CA font le tempo. Enfin ! Cela commence à prendre forme. Sagement le groupe s’amenuise et la chaleur, elle, prend de l’ampleur. Certains se font ravitailler, c’est une journée où ses capacités à capter l’eau sera décisif pour aller au bout des 220 km, donc l’importance du ravitaillement est crucial.

Km 70 et la bascule de Mezihac, petit souvenir de 2013 (il me semble !?) et ma première Ardéchoise, avec la présence de Thibaut Pinot dans le groupe. Instant nostalgie passé, on se concentre sur les choses essentielle : boissons et alimentation. Je suis dans les clous, avec encore bien 300 ml dans mon bidon, donc 1 L de bu sur ces 70 premiers km.

La descente est belle et sans grande difficulté. Par expérience, je l’ai déjà faite en 2013, 2014 et 2015 (3e sur les 3), je sais que la course se lance dans le secteur.

Le col des Mouchères

Le col des Mouchères qui se monte en deux temps, se prend un petit cran plus vite, ou alors déjà la fatigue qui fait son apparition… ne fera pas de sélection notable. La descente elle, plutôt sinueuse, va créer définitivement le groupe de tête. Sous mon impulsion, je profite d’une légère cassure pour hausser le rythme et monter fort les premiers mètres du col de la Barricaude après la Bastide sur Besorgues. On est ici à la mi-parcours mais aussi au point de demi-tour. À présent, on remonte sur Saint Félicien.

Le Col de la Barricaude 

Seul Damien Tarantola est avec moi dans un premier temps, et les quelques secondes d’avances acquises seront bouchées par Cyrille Gaillard et Benjamin Nast. Mais rapidement je vois que les sensations ne sont pas là. Je me fais violence mais j’ai l’impression d’avoir très peu de force. Autour de moi, seul Damien « semble » plus à l’aise. Il reste encore 12 km, c’est long. L’effort commence à se tamponner et les jambes reviennent peu à peu, et le groupe de 3 passe à 5 avec Julien Sauvigné, en route (et futur vainqueur) sur la Vélo Marathon, et qui sera avec nous jusqu’au mont Gerbier de Jonc, et un autre Gaillard, Julien.

Le groupe reste sur ce petit tempo jusqu’au premier ravitaillement où l’on s’arrête pour remplir nos bidons, et pour ma part aussi satisfaire un besoin naturel. Je me mets à rouler en tête du groupe, une petite cassure se produit peu avant l’entame du mont Gerbier de Jonc, une remontée de 4 km, toujours assez roulant. Le groupe se reforme, j’insiste quand même un peu, cela aura pour effet de voir celui-ci réduit à 4. Tarantola, Gaillard Cyrille puis X et moi-même. Mais pas pour longtemps. À 1 km du sommet, grosse panne de jambes. Chaleur qui commence a faire ses effets ? Je ne sais pas, mais à ce moment-là, plus possible d’appuyer, comme si j’étais en fringale (ecartée…). Je dois laisser filer une trentaine de secondes. Pas de panique. Il reste plus de 100 km, et vu les conditions, la partie n’est pas terminée. Je reste au contact dans la descente, effectuée proprement. Dans la vallée menant au col de Clavière, je les aperçois rapidement et je sens mon rythme bien supérieur. Sans m’affoler je fais la jonction.

Col de Clavière 

Km 155, et les premières pentes du col de Clavière. Comme prévu dans ma stratégie, j’essaie d’attaquer. Honnêtement, j’ai connu des sensations bien meilleures, aux 3 ballons il y a 15 jours par exemple. Là, c’était poussif, un peu abasourdi par la chaleur ambiante. Les records de températures étaient plus présents que les records de watts. Mais c’est la même pour tout le monde. Et je sens que les forces s’inversent pour tout le monde. Menant le groupe à la traversée de Saint Martin de Valamas inondé de monde, je ne fais pas attention mais les trois autres se sont arrêtés prendre de l’eau. Je ralentis pour les attendre mais la course doit se faire, et peu de temps après avoir laissé un relai, je décide de mettre plusieurs petites attaques. Et cela fini par céder un par un. À la bascule du col, je vois que Cyril n’est plus très loin. Je sens aussi que j’ai encore un peu de force dans les jambes… La partie commence à être dure, tout ce que j’aime, chacun à sa place, un par un ou presque.

Les records de températures étaient plus présents que les records de watts.

La Côte de Rochepaule

Cyril revient au pied de la côte et tout de suite se met devant et accélère. Je contre, 1 fois puis la 2e fois c’en est terminé. Je pars seul. Il reste alors un peu moins de 50 km pour rallier l’arrivée. On gère. Des situations que j’aime, l’effort solitaire. La fin du col, et la longue montée roulante de Lalouvesc arrive.

Lalouvesc

Celle-ci est un vrai chemin de croix, je me fais violence et m’inonde de pensées positives. Je repense aussi à cette première fois où je participais à l’Ardéchoise et ses bons souvenirs, presque 10 ans ! Déjà ! De toute façon, je n’allais pas m’arrêter là… Je me cale à un tempo que je juge soutenable pour terminer. Les toxines arrivent au moindre écart. J’arrive à remplir mon bidon rapidement et j’ai ainsi la sérénité d’en terminer de ces 220 km. Lalouvesc franchi, il reste alors le faux col du Buisson à rejoindre. Une partie où il faut pédaler, pédaler, pédaler. Une partie où si on est cuit, on perd beaucoup de temps. Mais la moindre petite phase de récupération me redonne de l’énergie, qui est en plus décuplée par le fait d’aller gagner. Pas d’écarts, j’appuie sur les pédales tout ce qu’il me reste.

Col du Buisson, les innombrables « pardons » aux milliers de cyclistes qui se rejoignent pour finir à Saint Felicien par le petit col escaladé 6 h plus tôt. J’apprécie et savoure ces petits moments de joies pour tant de souffrance. La beauté du cyclisme. L’ardéchoise :  RDV en 2023.

Petite aparté, ces lignes ont bien failli ne jamais voir le jour, un réveil à 4h15 qui ne fonctionne pas et un départ dans la précipitation m’auront bien mis ce « petit » coup de stress inutile. Tout comme le verrouillage automatique des portières, avec la clé sur le contact au moment de prendre de l’essence (je ne rentrerai pas dans les détails) après le podium à 19h, qui m’ont couté quelques petits bobos aux doigts après avoir cassé la vitre pour les récupérer. Une longue et belle (ou presque) journée suivie d’une courte nuit avant d’enchainer sur la GNFY le lendemain, quand on aime ….

https://www.strava.com/activities/7328424993/

https://www.ardechoise.com/Inscription/Resultat-scratch-2022

Sur la Vélo Marathon, c’est Julien Sauvigné qui l’emporte en 9h08’ sur les 280 km ! Il nous livre ses impressions.

« Avant la séparation de l’AVM et l’Ardéchoise, j’ai laissé filer la tête de course à 30 secondes à la suite des attaques de David que je félicite pour sa belle victoire et son super temps malgré la chaleur ! Il me restait pas loin de 140 km à faire en solo… Puis comme prévu je me suis retrouvé seul. Au bout de 20 km environ, la moto ouvreuse a pris la mauvaise direction. Heureusement que j’avais entré la trace dans mon Garmin et pu limiter le temps perdu à 1 minute je pense. Cela arrive… pas très grave. J’ai parcouru le reste seul à bonne allure, car la chaleur était encore dans une zone supportable… C’est dans le col de l’Ardéchoise que j’ai en revanche souffert. 39 degrés pendant 30-40 minutes. J’ai laissé des plumes, et même si je me suis ravitaillé souvent, l’eau ne suffisait plus… J’étais dans le rouge ! Le cardio était très haut et les watts très bas ! Pendant 1h30, j’ai été pris de nausées. Je n’arrivais plus à boire ni à manger. Je me suis fait violence pour le faire car sur 9h d’effort, ne pas manger pendant 1h30 est impossible sans panne sèche ! Bref, un moment où il faut être fort dans la tête et penser à l’ensemble des sacrifices de la vie de tous les jours. Je gère une étude notariale de 45 salariés, je suis investi dans un café cycliste à Lyon (Grimpeurs Cyclist House) et mène une vie de famille et caser des entraînements ce n’est pas toujours simple ! Alors quand encore une fois, je monte un col en trop (les flèches et mon Garmin ne disaient pas la même chose) je me suis dis que j’allais m’arrêter sous un arbre et faire une sieste à l’ombre ! J’ai choisi l’option finisher, arrêt sous les fontaines pour me mettre la tête dessous ! Je ne perds que 5 minutes d’arrêt sur tout le parcours, ce qui reste raisonnable ! À 60 km de l’arrivée, je me fais rattraper par le concurrent de derrière et à qui je raconte ma course. Il a été très fair play, car même si j’ai pris la main dans les 30 derniers kilomètres, je pense qu’il aurait pu me faire sauter dans les bosses ! Je le lâche dans le dernier faux plat et mets du temps pour récupérer après l’arrivée et gagner ! J’étais cuit mais content de m’être battu ! L’ambiance était toujours aussi agréable et conviviale sur l’Ardéchoise. Bravo à l’organisation ! »

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David POLVERONI

  - 34 ans - Ambassadeur Factor et Castelli. Arpenteur de cols - Passionné de cyclisme - Plus de 30 victoires en Cyclosportives - Pigiste depuis 2018 - Pratique sportives actuelles : pur routier, gravel et dans le futur du VTTAE Strava : David Polveroni

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