NorthCape4000 : le nouveau record de Stéven Le Hyaric

Quelques jours à peine après avoir bouclé la première étape de son projet 666 (6 déserts, 6 mois, 6 continents), l’aventurier et cycliste de l’extrême Stéven Le Hyaric a remporté la NorthCape 4000, une course ultra de plus 4000 km entre le lac de Garde à Rovereto en Italie et le cap Nord en Norvège, en passant par 11 pays, et en battant le record de l’épreuve de plus de 48h. Il revient pour nous sur cette aventure humaine et sportive hors normes, où il a pu s’imposer grâce à sa préparation et à son expérience.

Par Guillaume Judas РPhotos : @NorthCape4000, St̩ven Le Hyaric,@florentschneidr

Après un peu plus de 10 jours d’effort, Stéven Le Hyaric s’est imposé sur la NorthCape 4000.

Du désert de la Namibie (parcouru en 18 jours pour 4250 km avec une trace à 90% en Gravel) au point le plus septentrional d’Europe au cap Nord, il aura fallu à peine plus de trois semaines à Stéven Le Hyaric pour passer d’un désert à l’autre. « La dernière partie du parcours de la NorthCape est désertique, avec une très faible densité de population, commence-t-il. À partir de la Finlande et en Norvège, les points de ravitaillement sont rares. » Seule différence, et non des moindres : le climat.

La NorthCape 4000 est une course d’ultra-distance qui traverse l’Europe du Sud au Nord.

De la chaleur humide et suffocante des rives du lac de Garde, en passant par les montagnes en Slovénie, la plaine en Hongrie, les vallons de Slovaquie, les routes plates et ventées de Pologne, de Russie, de Lituanie, de Lettonie et d’Estonie, jusqu’aux montagnes russes de Finlande avant l’arrivée en Norvège, la fraîcheur et la pluie ont saisi les concurrents au fur et à mesure qu’ils remontaient vers le nord. « Je m’étais habitué au climat sec et aride de Namibie, poursuit Stéven le Hyaric. Sur les premières centaines de kilomètres de la NorthCape, j’avais l’impression d’étouffer. Mais j’ai vu beaucoup de concurrents partir avec le minimum d’équipement pour cette longue épreuve sans assistance. Pour ma part, j’avais prévu deux cuissards et deux maillots, des manchettes et des jambières, deux paires de gants, des couvre-chaussures, une veste matelassée légère et une veste légère imperméable, et un bandeau à mettre sous le casque. Pour rouler de nuit et dans des conditions fraîches, c’était le minimum.« 

Les concurrents doivent aussi rouler de nuit, sur des routes parfois pleines de surprises.
La pluie a accompagné les concurrents sur une partie du parcours.

Repos minimum

Après la traversée de la Slovénie, où il est encore loin de la tête de l’épreuve, Stéven Le Hyaric prend son rythme de croisière et cumule entre 15 et 21 heures de vélo par jour. En comptant tous les arrêts de la journée. Car pour rester dans la course, il doit très vite adapter son protocole de repos par rapport à ses concurrents. Sur ce genre d’épreuve, il faut choisir de rouler vite et dormir longtemps, ou rouler plus doucement et se contenter de micro-siestes de cinq à 30 minutes. « Je me suis accordé deux courtes nuits d’hôtel sur les 10 jours de l’épreuve, reprend-il. À chaque fois, j’en ai profité pour prendre une bonne douche, laver mes cuissards et maillots, m’écrouler trois ou quatre heures sur un bon matelas, et repartir avec un cuissard humide. Pour le reste, je me savais capable de rouler entre 23 et 30 km/h la journée, et entre 20 et 26 km/h la nuit, sans trop puiser dans mes réserves. Je gérais mes arrêts en fonction des points de ravitaillement, dans des épiceries ou des stations service le plus souvent, et surtout en fonction des arrêts de mes concurrents, que je suivais sur le tracker GPS. Je devais aussi régulièrement regonfler mon pneu avant car je perdais de la pression, mais il a tenu. Celui qui s’arrête dormir quatre ou cinq heures perd facilement une centaine de kilomètres. Pendant les deux-tiers de l’épreuve, il y avait un Allemand en tête qui roulait vite, et qui s’arrêtait peu. Mais au bout de sept jours, il a complètement craqué. Pour ma part, je procède plutôt par à-coups. Je me donne des petits objectifs. Tous les 50 km, j’essaie d’accélérer pour me secouer un peu, pour éviter de sombrer dans la routine. Puis je me relève et je récupère. Mais je continue d’avancer. » 

Stéven Le Hyaric sait parfaitement gérer son effort sur de très longues distances.
Sur ce genre d’épreuve, le mental joue un rôle prépondérant.

Un concurrent sérieux

À trois jours de l’arrivée, le Parisien prend donc la tête et ne la lâche plus, même s’il doit gérer avec seulement cinq heures d’avance sur son poursuivant direct. « Je gérais mes arrêts en fonction des siens, et j’accélérais ou je ralentissais selon son rythme. Plus on se rapprochait de l’arrivée, plus je me sentais déterminé et certain de l’emporter, même si sur ce genre d’épreuve, les émotions sont exacerbées et qu’on passe un peu par tous les états. Il y a eu des moments difficiles. On ne peut pas dire que l’on passe par des routes dangereuses, mais je n’étais pas forcément rassuré en roulant de nuit en Slovénie ou en Slovaquie, où on peut croiser des ours. À partir de la Pologne et en traversant les pays baltes, les routes sont monotones et pas prévues du tout pour les cyclistes. Il faut rester constamment vigilant. Les conditions météo étaient également difficiles. Mais mon esprit de compétiteur prend rapidement le dessus dans ces conditions, explique l’ancien coureur Elite. Pour en terminer, j’ai bouclé 718 km d’une traite. » À l’arrivée, l’autre Français Bruno De Rambuteau concède 4h41 à Stéven Le Hyaric, après 4480 km d’effort. Les troisième et quatrième, les Allemands Martin Temmen terminent à près de 40 heures.

Le vélo de Stéven Le Hyaric pour la NorthCape 4000

Cadre / fourche : Girs RNR2021 Grey / black
Transmission : Groupe Campagnolo Ekar 1X13 / mono plateau de 42 dents, cassette 9-42 
Poste de pilotage : Zipp alu / potence Ritchey
Tige de selle : Grand Cru 
Selle : Selle Idéale
Boitier pédalier : Campagnolo
Pédalier : Campagnolo Ekar
Roues : Sonic wheels Tera carbone 35 mm montées avec une Dynamo à l’avant / moyeux DT Swiss a l’arrière
Pneus : Challenge Strada Bianca 33 mm
Prolongateur : Profile Design
GPS : Garmin 1030 + Garmin GPSMap 66i
Éclairage : Sinewave Cycles + lampe frontale Stoots concept
Pédales : Garmin Rally XC Power
Pochettes : Restrap ou Full Frame + camelback dans la pochette
Casque : Urge
Lunettes : Bliz
Tenues : Castelli
Chaussures : Lake MX241 Endurance
Porte bidon sur la Fourche pour emporter 4/5L chaque jour
Poids du vélo : environ 20 kg chargé

Café et chocolat

Rompu à ce genre d’épreuve, Stéven Le Hyaric sait aussi comment s’alimenter tout au long de la journée, mais il doit composer avec ce qu’il trouve sur la route, et aussi avec son budget. « Je suis parti avec une cinquantaine de barres énergétiques, de quoi faire une douzaine de litres de boisson, mais j’ai aussi mangé 30 tablettes de chocolat de 200 g, une cinquantaine de barres chocolatées et pas mal de sandwichs. Mais je ne mange pas de viande, et plus je remontais au nord, plus j’avais du mal à trouver ne serait-ce qu’un sandwich aux oeufs. Les prix sont également très élevés au nord de l’Europe, et on a même vu un concurrent s’en tirer avec une facture de 118 € de victuailles dans une station service ! Coca, eau et café en quantité m’ont aussi accompagné tout au long du périple. Mon premier vrai repas chaud, j’ai pu seulement le déguster en prenant le ferry entre Tallin et Helsinki (deux heures de traversée). » 

Les dernières centaines de kilomètres, accomplies d’une traite, ont été de l’aveu même de Stéven Le Hyaric les plus difficiles…
… Même s’il savait comment gérer son avance sur son concurrent direct.

C’est dans une ambiance toute aussi austère qu’il est accueilli en vainqueur au cap Nord par les organisateurs. Sous les applaudissements d’un très maigre public, Stéven Le Hyaric reçoit une poignée de main et un diplôme de finisher en même temps qu’il apprend qu’il a pulvérisé le record de l’épreuve. Il n’a même pas droit à un café offert, malgré les 450 € d’engagement, et même s’il a déjà beaucoup fait pour la renommée de l’épreuve avec les centaines de Stories publiées sur les réseaux sociaux pendant qu’il pédalait. Il doit ensuite se débrouiller pour rentrer en France par ses propres moyens. « Ce genre d’épreuve est encore peu médiatisée et pour l’instant seulement reconnue par les vrais spécialistes de l’ultra-distance. Il n’y a rien à y gagner, sauf le dépassement de soi. Ce n’est pas ma première expérience, ni ma première victoire, et j’ai d’autres objectifs en tête à moyen terme, notamment ceux d’aller affronter les Américains chez eux sur la Trans Am Bike Race (traversée des Etats-Unis d’Ouest en Est sans assistance) ou sur la Great Divide (traversée du Nord au Sud, en Gravel). Mais ceci se fera forcément en plus du projet 666, que je tiens absolument à boucler pour alerter sur les changements climatiques, et qui pour l’instant pose quelques problèmes de logistique compte tenu de la crise sanitaire « , conclut-il.

A l’arrivée, l’accueil n’est pas celui d’un vainqueur d’étape sur le Tour de France…
… Mais l’exploit n’en est pas moins remarquable.

Le Projet 666

Après la Route de la Chaleur et le #DakaRecord qui avaient servi de test grandeur nature (4500 km en 15 jours pour rallier Paris à Dakar à vélo, une première en la matière), Stéven Le Hyaric a lancé en juin dernier le projet 666 (6 déserts, 6 pays en 6 mois) pour alerter sur le réchauffement climatique et partager la beauté de notre planète, avec la première étape : le plus vieux désert du monde, celui de Namibie (55 millions d’années). 

Un projet qui a pour objectif de sensibiliser (citoyens, entreprises, politiques) sur le dérèglement climatique, et plus particulièrement sur la désertification des territoires, en traversant 6 déserts sur 6 continents en 6 mois, le tout à vélo.

Les déserts considérés comme les plus hostiles pour l’homme et à toute forme de vie sont visés : les déserts d’Atacama, de Gobi, l’Arctique, L’Antarctique, le désert de Simpson en Australie, et les déserts de Kalahari et le Namib sur le continent Africain.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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