Achats sur AliExpress : un monde de faux-semblants

Officiellement, Aliexpress interdit et sanctionne la contrefaçon. Mais cela reste de la théorie, la plateforme de vente en ligne chinoise ayant beaucoup de mal à repérer les comptes des vendeurs de faux, qui cachent sur leurs annonces les logos des marques copiées ou qui font volontairement des fautes d’orthographe. Cela n’empêche pas les plus dégourdis de continuer à s’équiper – à moindre coût – et de penser faire une bonne affaire tout en impressionnant les copains. Cette recherche du faux interroge sur les réelles motivations de ces acheteurs.

Par Jean-Fran̤ois Tatard РPhotos : Pixabay.com, Flickr.com

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S’il y a un collier de tige de selle sur votre « SL7 » ou que le jaune de votre cadre estampillé Colnago a viré au blanc après une après-midi à sécher au soleil, que sur la manche gauche de votre maillot marqué Castelli, il y a écrit Rapha ou que les coutures de votre cuissard au logo Specialized n’ont pas tenu plus de deux lavages, c’est peut-être que vous aussi, vous avez passé votre commande sur AliExpress, le repaire mondial des contrefacteurs les plus indélicats. Pourtant chacun de nous sait qu’il est interdit d’acheter des contrefaçons, mais ce n’est pas le plus important finalement. La question est plus de savoir quelles sont réellement les raisons qui au fond motivent à acheter pas cher du faux sur des sites chinois.

La contrefaçon touche tous les domaines.

Pour les produits de luxe, il existe déjà des études qui déterminent quels facteurs expliquent l’achat de produits contrefaits. Néanmoins, aucune n’est suffisamment concordante. Certaines mettent en avant le niveau de revenu. D’autres l’âge des acheteurs. Et certaines l’éducation et les valeurs. Mais pour nous, les Cyclards aux lunettes Orkley – et j’ai bien écrit « oRkley » avec un r – et si la raison était plus à aller chercher au niveau de l’estime de soi ?

Quelles caractéristiques du produit poussent à l’achat d’une contrefaçon ?

De toute évidence, cet achat a plus de chances de se produire s’il y a un grand écart entre le prix perçu et son prix réel. Si ce dernier est bien plus élevé comme le prix d’un kit cadre Factor One à 5499 € en France et parfois moins de 600 € sur AliExpress, la tentation de faire une « bonne affaire », au détriment du fabricant en l’occurrence, sera forcément très forte. Il en va de même si l’écart est important entre la qualité perçue et la qualité réelle. D’ailleurs pas toujours visible extérieurement, techniquement, et sur le court terme. Là encore, l’impression d’avoir été plus malin que les petits copains peut jouer. Le risque d’usure, de défaut, voire le danger dans l’utilisation à plus long terme est alors négligé.

Le statut social

Et le statut social, censé être apporté par ce qu’on « possède », est-il également un paramètre à prendre en compte ? Effectivement, bien que la catégorie socio-professionnelle ne soit pas un élément explicatif unique du comportement d’achat des contrefaçons selon certaines études, le statut ou le rôle social du consommateur ne peut pas être oublié. C’est bien lui qui peut avoir une influence variable suivant les personnes. Pour certains, le cadre Pinarello F12 ou le maillot MAAP est un moyen de valorisation sociale, et la possession du produit est particulièrement désirable, peu importe la loi.

Pour d’autres, la valorisation passera par la possibilité de montrer qu’un produit original comme une paire de jantes carbone Roval – et tant pis si les moyeux sont des Novatec chinois au lieu des originaux – a été acquise, bien que très coûteuse, pour indiquer ainsi des « moyens financiers élevés ». Eh oui, le groupe social auquel on appartient tend lui aussi soit à apprécier soit à dénigrer un achat de contrefaçon, et dans cette histoire, peu importe votre camp, chacun cherche à ne pas se sentir exclu de son propre groupe… parfois au prix d’un petit (ou gros) mensonge !

Même les vêtements peuvent être copiés.

Paraître avant tout

Pour vous peut-être, peu importe si la tonalité du rouge de votre cadre Cipollini n’est pas la même que sur l’original. Que la finition de la manche extérieure de votre maillot Gobik a été cousue au hasard, avec une amplitude de bras beaucoup plus large. Que le tissu de votre collant Le Col Made in Italy mais écrit en calligraphie chinoise et reçu au passage dans un emballage gris plié en boule et qui sent fort les produits chimiques est si léger que si vous le vouliez, vous pourriez le déchirer à deux doigts. Que le graphisme du logo de votre cintre monobloc Sworks semble avoir été écrit au Tipex.

Sans rentrer dans le discussion qui pourrait faire dire que la cybercontrefaçon a pour objectif unique de générer elle aussi du dollar, ou en mettant aussi de côté le débat du « c’est trop cher », « on se fait entuber »(sic), « ils font trop de marge », etc., l’achat délibéré de contrefaçons sur ces sites chinois suppose l’existence de motivations plus profondes…

Dans la pensée collective, le prix est la principale motivation avancée. Sauf que, finalement, a bien y réfléchir, l’acheteur délibéré de faux renonce à la qualité et à la performance de l’original pour acquérir son image à moindre coût. Et en faisant ça, il vise à s’approprier à moindre coût la marque de ses symboles.

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Jean-François Tatard

- 43 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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