L’entrainement des pros entre le Tour et les championnats du monde

À une dernière encablure des championnats du monde de cyclisme sur route 2020, connaissez-vous le contenu de la semaine d’entrainement qui précède la course, pour un prétendant au maillot arc-en-ciel ? Et dans cette année aussi particulière où il s’agit de concentrer 10 mois de courses en 3 mois, les plus expérimentés qui connaissent la recette habituelle, ont-ils dû modifier la formule ? Existe-t-il une nouvelle méthode version express où il s’agirait de récupérer du Tour de France et de faire remonter le niveau de performance à son max en moins d’une semaine ? Comment s’organisent les favoris de cette édition un peu spéciale ?

Par Jean-François Tatard – Photos : Pixabay.com / Commons.Wikimedia – Florian Pépellin – Schamfken

La saison typique d’un pro implique de construire les fondations pendant l’hiver et de définir deux voire trois pics de forme au maximum pendant la saison. On sait aussi qu’il est difficile de maintenir un niveau de performance à son apogée plus de trois semaines. Or, pour les coureurs engagés sur les championnats du monde et qui viennent de terminer le Tour de France dimanche dernier, il est aussi probable que la forme soit retombée. En tous les cas, pour ceux qui auront laissé exprimer leur plein potentiel sur la Grande Boucle…

Comment gérer le pic de forme ?

Le pic de forme pour un pro, c’est l’aboutissement de sa préparation. C’est le moment où son potentiel est porté à son maximum. Il est ainsi logique de vouloir faire correspondre son pic de forme avec l’objectif numéro un ! La compétition sur laquelle, le coureur souhaite briller ! Mais alors : comment atteindre ce pic de forme ?

Cette année, le Tour de France peut servir de tremplin pour la course au titre mondial.

Pour générer un pic de forme, il faut construire une planification sur l’année. On ne décide pas pendant le Tour de France 2020 que le championnat du monde d’Imola sera le prochain objectif. C’est quelque chose qui a déjà été anticipé et programmé depuis plusieurs mois avec les entraineurs, le staff et les sélectionneurs. La programmation a donné lieu à différentes phases d’entraînement pour les coureurs concernés :

  1. Une phase de développement général où le coureur construit le socle. L’endurance. Le foncier. Probablement sur juin et juillet s’il s’agit d’être performant à Imola.
  2. Une phase de travail plus spécifique adaptée à la typologie du circuit. De la configuration la plus probable de la course. Où le coureur simule par exemple les attaques dans le bon timing. Comme cette attaque tranchante d’Alaphilippe dans le Poggio après 280 kilomètres de course sur Milan – San Remo. Un geste 100 fois répété à l’entraînement jusqu’à ce qu’il devienne un réflexe. On peut imaginer cette phase sur les trois premières semaines de septembre dans le cadre de ces championnats du monde.
  3. Et enfin, une phase de relâchement qui permet de retrouver de la fraicheur physique et mentale sur les six ou sept derniers jours.

Et cette dernière semaine alors ?

Il va être intéressant de vérifier dimanche quels sont les coureurs qui ont brillé sur le Tour de France et qui seront capables de peser sur ce championnat du monde. Il est toutefois très probable que celui qui sera champion du monde 2020 ait été sur la réserve pendant le Tour. Ou alors qu’il n’ait tout simplement pas fait le Tour de France comme Matthieu Van der Poel, Diego Ulissi ou Jakob Fuglsang. Car après un pic de forme mis à plein profit, de façon incontournable, la courbe de performance s’infléchit. Cette période de récupération mentale et physique plus ou moins longue est plus le moment de tirer les enseignements du cycle qui a permis d’atteindre – ou pas – l’objectif. Le temps est à l’introspection ! Une analyse objective avec le coach sur les éléments positifs et de ceux qui l‘ont moins été permet ici de repartir sur une nouvelle programmation identique ou différente à la première mais pour la saison suivante.

Une dernière touche avant l’objectif

Repos est un bien grand mot. La semaine d’avant championnat du monde pour le prétendant au titre se conjugue plus avec assimilation. Cette course est exceptionnellement longue alors, il refait une dernière sortie longue le mercredi. Probablement entre sept ou huit heures. En fonction de l’athlète, il est possible qu’il reproduise une intensité comparable à celle de la fin course pendant 20 ou 30 minutes le vendredi. Il refait enfin ses réserves énergétique. Il est en effet très probable que celui qui revêtira le maillot arc-en-ciel dimanche n’aura pas changé la formule qui a conduit dans l’histoire de ce sport, tous les vainqueurs de cette course unique à se retrouver sur le toit du monde.

Néanmoins, au coeur de cette saison si particulière, il faut tenir compte du délai exceptionnellement rapproché (7 jours), entre la fin du Tour de France et la course en ligne du dimanche. Pour ceux qui ont terminé le Tour, il est sans doute inutile d’en rajouter à l’entrainement, et surtout pas en volume. Ils peuvent considérer à juste titre qu’après trois semaines de course, ils disposent du fond nécessaire pour briller dimanche, bien qu’il n’y ait pas eu d’étapes équivalentes à la longueur de la course au maillot arc-en-ciel. Donc même s’ils relâchent et récupèrent, ils doivent tout de même effectuer quelques rappels d’intensité, afin de ne pas laisser l’organisme s’endormir. Pour ceux qui vont participer à la course contre-la-montre du vendredi, comme Wout van Aert, l’un des prétendants aux deux maillots, c’est un jour de repos le lundi, une reprise tranquille le mardi, une sortie moyenne de trois bonnes heures le mercredi avec une remise en route progressive en termes d’intensité, une reconnaissance un peu musclée du parcours le jeudi, avant le chrono le vendredi et une sortie de récupération la veille de la course en ligne.

Restent enfin ceux qui ont joué les premiers rôles sur le Tour de France jusqu’au bout. On pense par exemple à Tadej Pogacar et Primoz Roglic. Le premier doit digérer sa victoire, et le second sa défaite sur le fil. Pas sûr qu’ils aient la tête à se concentrer tout de suite au championnat du monde. Mais la force et la puissance acquise sur la course de trois semaines peut suffire, en fin de Mondial, pour sortir du lot. Car on imagine assez mal Pogacar perdre en une semaine l’excellente condition qui était la sienne samedi sur le chrono de la Planche-des-Belles-Filles.

Le bon dosage

Impressionnant sur le Tour de France, Van Aert, est celui qui a la plus grosse cote chez les bookmakers. Mais le Belge a aussi beaucoup donné sur le Tour de France, ce qui n’est peut-être pas tout à fait le cas de tous les prétendants au titre, à commencer par Julian Alaphilippe. On sait que ce dernier souhaitait terminer le Tour plus frais que l’an dernier, pour atteindre sa forme maximale à partir de dimanche, et jusqu’à la mi-octobre. Ainsi le Français a-t-il peut-être réalisé un mix des deux méthodes, pour continuer à monter en pression.

Si Julian Alaphilippe s’est imposé à Nice lors de la deuxième étape du Tour et a ensuite gardé le maillot jaune, il a ensuite déroulé pour tenter de finir la course avec de la fraîcheur.

On ne connait pas encore le vainqueur, ni celui qui aura adopté la bonne formule. Mais ce qui est certain, c’est que sa condition aura été construite patiemment au cours des dernières semaines et que compte tenu de la difficulté du circuit d’Imola, il aura été très fort pour s’imposer.

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Jean-François Tatard

- 43 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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