Mieux grimper en montagne

Pour de nombreux pratiquants, l’été est synonyme de montagne et de belles escalades. Coureurs, cyclosportifs ou cyclotouristes, voici quelques conseils pour vous aider à mieux grimper les cols, avant tout en effectuant un entrainement spécifique.

Par Guillaume Judas – Photos : Flickr.com, David Polveroni

Alors que débutent les vacances d’été, il est encore temps de vous préparer ou de progresser pour aborder au mieux la montagne ou autres parcours escarpés. Inscrire de nouveaux cols au tableau de chasse, c’est plutôt sympa, mais si on peut les monter avec plus d’efficacité et en évitant les galères, c’est encore mieux. Les cyclosportives en montagne donnent l’occasion de se confronter à des adversaires ou au chronomètre. Vous pouvez aussi vouloir rouler pour le simple plaisir et la sensation de dominer la difficulté. Et nombreux sont ceux qui sont motivés par le fait d’améliorer leurs performances d’une année sur l’autre. Mais on ne triche pas avec la montagne. Long et pentu, un col est souvent très exigeant physiquement. Les descentes peuvent être dangereuses. Les conditions climatiques peuvent aussi se montrer changeantes et difficiles. Alors, comment aborder au mieux la montagne à vélo ? En commençant par améliorer ses capacités de grimpeur…

On ne triche pas avec la montagne. Un col s’aborde avec prudence et humilité.

Le physique du grimpeur

Petit ou grand, peu importe ! Le grimpeur se caractérise avant tout par un rapport puissance/poids au-dessus de la moyenne. Autrement dit, avec 50 ou 80 kg, vous pouvez être grimpeur à partir du moment où la puissance que vous êtes capable de tenir au train est suffisamment élevée pour emmener avec efficacité votre propre poids. Un rapport puissance/poids élevé va souvent de pair avec un indice de masse corporelle relativement faible, ou du moins avec un taux de masse grasse peu élevé. Chez les cyclistes pros, celui-ci tourne autour de 4 à 6 %. Chez un sédentaire, nous sommes plutôt autour de 25 %. Avec un taux de masse grasse autour de 10 à 12 %, vous devriez déjà être un bon grimpeur.

Un poids léger est un avantage pour grimper, ou en tout cas un bon rapport entre la puissance et le poids.

Un grimpeur dispose majoritairement de fibres musculaires lentes, les plus économiques et les plus efficaces sur les efforts de longue durée. Au niveau morphologique, le grimpeur est plutôt long en jambes et court en buste. Grâce à cette répartition de poids, il traîne moins de poids « inutile » pour faire face à la pente. Pour supporter les efforts à haut régime, ses réserves énergétiques sont intactes avant les grands rendez-vous. Enfin, le grimpeur utilise au mieux la technique du pédalage. Son coup de pédale fait preuve de couple et de motricité, ce qui résulte d’une part d’apprentissage et d’une part de talent proprioceptif.

Devenir meilleur grimpeur

Grimper les côtes est avant tout une affaire de condition physique. Lorsqu’un parcours est parsemé de côtes de un ou deux kilomètres, même si elles sont raides, une succession d’efforts en force peut suffire pour les effacer. Dans un col, lorsqu’un cycliste se retrouve en prise pendant 30 minutes à une heure, le problème est tout autre. Compte tenu des capacités nécessaires énoncées plus haut, vous ne pouvez modifier ni votre morphologie, ni votre pourcentage de fibres lentes, si ce n’est qu’après de longs mois d’entraînement spécifique. En revanche, pour mieux grimper, vous pouvez travailler deux points essentiels : votre poids et votre puissance développée au seuil anaérobie. Lorsque vous entamez un régime, la difficulté principale est de ne vous débarrasser que de la masse grasse, sans perdre de qualité musculaire ni entamer vos réserves en glycogène (le carburant de l’effort). Pour ce faire, il vous faut réduire les apports en gras et en sucres rapides en dehors des entraînements, tout en mangeant suffisamment de nutriments essentiels pour la récupération et la régénération musculaire. Ce type de régime est long et fastidieux car les résultats en termes de perte de poids ne sont pas spectaculaires, au contraire d’un régime hypocalorique. Ce dernier représente un danger pour le sportif, puisqu’il est peu compatible avec les besoins d’un entraînement intense.

Le seuil anaérobie

Il est difficile de donner une définition du seuil anaérobie qui puisse satisfaire tout le monde, puisque même certains scientifiques ne sont pas toujours d’accord. Quelle que soit l’intensité de l’effort, l’organisme produit de l’acide lactique (déchets de l’effort dont le recyclage est coûteux pour l’organisme et qui conduisent à la fatigue). Cependant, celui-ci est aussi régulièrement neutralisé ou éliminé par le métabolisme aérobie (niveau d’activité qui utilise principalement l’oxygène comme source principale de combustion des sucres qui fournissent l’énergie) si l’allure est confortable. En augmentant l’intensité de l’exercice, la production d’acide lactique augmente jusqu’à un seuil où elle est supérieure aux capacités d’élimination. On peut parler alors de seuil anaérobie. C’est une intensité élevée qui demande de l’engagement, mais qui se situe juste en dessous de véritables douleurs musculaire et de la perte du contrôle de la respiration. Selon le niveau d’entraînement, cette intensité peut être maintenue de 20 minutes à une heure, à la condition de bien s’alimenter en sucres. Dans le cas de montées de cols successives, il faut bien sûr gérer ce capital énergétique et adopter une allure intermédiaire, un peu en dessous du seuil. Mais plus celui-ci est élevé, plus vous disposez de réserve de puissance pour rouler longtemps à cette intensité critique.

En abaissant votre poids et en conservant la même puissance, le rapport entre les deux est amélioré, donc les grimpées sont plus efficaces. L’affûtage passe donc par des sorties longues pour brûler les graisses superflues, une surveillance des apports, tout en conservant du carburant pour pédaler avec efficacité, c’est-à-dire être capable de s’entraîner en intensité.

Élever le seuil anaérobie

L’énergie fournie au seuil se développe sur deux niveaux : en durée et en puissance. L’amélioration de la condition physique grâce à des sorties d’endurance permet déjà de stabiliser un bon niveau de puissance au seuil, avec une meilleure combustion du glycogène, un meilleur rendement musculaire et une bonne reconnaissance de cette intensité critique.

Des sorties avec des exercices ciblés permettent néanmoins des progrès plus rapides et mieux dosés. Le but est de rouler sur des séries d’efforts stables juste en dessous de ce seuil anaérobie, afin de le repousser. Avec des séries courtes, c’est la puissance qui est ciblée. Avec des séries longues, c’est le maintien d’un bon niveau de cette puissance, durant toute la durée visée (par exemple être capable de tenir une heure à haut régime). Il est important de rouler juste en dessous du seuil et non au-dessus, puisque d’autres filières énergétiques sont alors mises en œuvre.

L’entrainement au seuil anaérobie augmente votre cylindrée et votre capacité à être performant sur les efforts longs.

Pour déterminer le seuil anaérobie de façon précise, rien de mieux qu’un test d’effort en laboratoire. Celui-ci renseigne sur les valeurs en watts et en pulsations cardiaques. Ceux qui ne s’entraînent qu’avec un cardiofréquencemètre doivent impérativement y associer leurs sensations puisque, d’une sortie à l’autre, trois ou quatre pulsations d’écart pour une même puissance développée peuvent être constatées. Le seuil dit « ventilatoire » est une bonne indication, puisque l’intensité de cet exercice se reconnaît par un essoufflement prononcé, mais maîtrisé, et des tensions musculaires présentes mais non douloureuses. La réalisation de séries stables en intensité, surtout si elles sont longues, permet de progresser non seulement en matière de gestion de l’effort, mais aussi au niveau de l’élimination des déchets produits par la combustion du glycogène, donc de limiter le mal de jambes et d’avoir plus de jus en fin d’épreuve ou de sortie le jour J. L’intensité seuil est celle qui est privilégiée dans tous les sports d’endurance. Ceux qui habitent au pied des montagnes ont plus de chance. Rien qu’en grimpant régulièrement, ils travaillent naturellement cette intensité cible. Mais il est tout à fait possible de se préparer à grimper en habitant en plaine et en roulant face au vent.

Une posture spécifique

Grimper implique une posture spécifique sur le vélo. Il ne s’agit pas seulement de rouler les mains en haut du cintre ou de se mettre en danseuse pour écraser les pourcentages. En affrontant une pente, votre vélo est incliné vers l’arrière et votre poids ainsi réparti différemment entre les deux roues. L’attaque du coup de pédale au niveau de l’angle formé par le tube de selle et le pédalier est modifiée. La prise en main des cocottes de freins se retrouve elle aussi en arrière par rapport à la verticale de la roue avant.

La pente nécessite une adaptation musculaire, car la posture n’est pas la même que sur le plat.

Grimper déplace donc légèrement les points morts haut et bas du pédalage, alors que le couple ordonné aux manivelles se doit d’être plus constant car vous ne pouvez profiter de l’inertie liée à la vitesse pour pédaler rond. Assis et au train, la position de montagne est naturellement plus avancée sur la selle. Le bon réflexe pour une meilleure efficacité est d’effectuer un enroulé de cheville plus marqué que sur le plat, en pensant bien à lever le genou. En danseuse, il faut conserver un geste souple et peu ramassé sur le cintre. En montagne on se met en danseuse avant tout pour se décontracter les muscles et les faire travailler dans une autre position. En bonne condition physique, ce geste doit être naturel, coulé, et ne pas provoquer d’élévation sensible de la fréquence cardiaque.

Évidemment, ces automatismes ne s’acquièrent pas sans prendre l’habitude d’avaler des dénivelées. D’où l’intérêt des stages en montagne préalablement à l’objectif, ou du moins d’une adaptation progressive sur le terrain en prévoyant suffisamment de temps pour intégrer progressivement toutes ces spécificités. Si vous vivez en plaine, vous pouvez viser toutes les bosses, quitte à effectuer des circuits pour accumuler les montées en un court laps de temps, pour intégrer le geste spécifique et bien trouver la position. Il n’est pas forcément nécessaire de forcer au cours de ces sorties, puisqu’elles n’ont d’autre but que d’améliorer la technique et la motricité du pédalage en montée, et qu’en simple réponse au terrain, vous travaillez à la bonne intensité. Ces sorties peuvent en tout cas être parfaitement complémentaires aux séances plus physiques décrites plus haut.

De rouleur à grimpeur en quelques semaines

En partant d’une bonne condition physique de base, un cyclo entraîné n’a pas besoin de longs mois de travail pour se préparer à la montagne. Quatre semaines de travail spécifique vous suffisent pour vous sentir plus alerte dans les longues pentes. Si la perte de masse grasse est de toute façon bénéfique pour les performances au retour du séjour à la montagne, quel que soit le terrain, les intensités ciblées lors de la préparation vous permettent d’améliorer très nettement votre niveau d’endurance. Il vous suffit alors de réajuster l’entraînement au retour pour retrouver du rythme et comprendre que l’on peut gérer une saison en fonction de ses objectifs et de la période, simplement en appréhendant les efforts nécessaires selon le type de terrain.

Les braquets en montagne

La puissance que vous êtes capable de fournir pendant l’ascension d’un col (et a fortiori pour plusieurs cols le même jour) dépend de votre niveau d’entraînement, et non des braquets utilisés. Votre vitesse d’ascension dépend du fameux rapport puissance/poids, et rien d’autre. En montagne, la bonne cadence de pédalage à adopter se situe entre 70 et 85 tours par minute, selon les individus, de manière à trouver la juste mesure entre force et souplesse et optimiser la production de puissance. À partir de là, il vous faut calculer vos braquets en fonction de vos vitesses d’ascension et de la cadence optimale pour éviter une fatigue prématurée. Si dans une pente à 10 % vous pouvez évoluer à une vitesse de 12 km/h, vous pouvez opter pour un braquet de 34×25 à 70 tours par minute. Si votre niveau vous permet de rouler à 15 km/h, le 39×23 suffit. Mais attention lors du choix des développements : vous pourriez aussi avoir à affronter un passage plus rude, voire un coup de fatigue en fin de sortie. Ainsi, ne craignez pas de prévoir large, avec des cassettes qui vont jusqu’à 28, 30 ou 32 dents, surtout si vous manquez de références.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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