Test du Specialized S-Works Shiv Disc

Le Specialized S-Works Shiv Disc est peut-être le vélo le plus évolué de la marque américaine. Rapide, complet, astucieux et esthétique, ce vélo exclusif et addictif s’adresse aux triathlètes de longue distance, mais aussi à tous les cyclistes qui veulent simplement se faire plaisir en roulant vite. Objectif réussi. 

Par Guillaume Judas – Photos : Christophe Guiard / 3bikes.fr

Le profil du Shiv Disc est intimidant, au premier abord.

Commençons par préciser dans quel cadre réglementaire en compétition le Specialized Shiv Disc peut s’inscrire : avec les libertés prises par la marque pour les formes des tubes et l’ajout d’un système dédié à l’hydratation Fuelcell dans la « boîte » à l’arrière du tube de selle ainsi que par la forme spécifique du triangle arrière, il n’est pas autorisé sur les compétitions cyclistes régies par l’UCI (c’est-à-dire toutes) ; avec son vrai cockpit avec prolongateurs, il n’est pas autorisé dans les compétitions de triathlon où le drafting (les relais entre coureurs) est toléré. Son champ d’action officiel se limite donc aux triathlons de longue distance, de type 70.3 ou Ironman. Notons d’ailleurs qu’une autre version du Shiv existe et se nomme Shiv TT, conforme aux normes UCI, et sans la boîte donc.

La boîte reçoit le système d’hydratation, même s’il est toujours possible de rajouter un bidon sur le tube de selle, ou encore avec un support derrière la selle.

Mais rien n’empêche bien évidemment d’utiliser ce vélo quand on ne pratique pas de compétition et qu’on roule juste pour le plaisir. Vite si possible. Une forme de cyclisme libre et sans contrainte que l’on observe de plus en plus, avec des pratiquants en dehors de tout cadre associatif, et qui bourrinent juste pour la beauté du sport. Le Shiv Disc a beau être un vélo rare et ultra spécifique à la pratique du triathlon de longue distance, il n’en reste pas moins une merveille de technologie qui peut aussi s’adresser aux purs amateurs. Avec de sérieux moyens quand même, car à près de 12 000 € la bête, elle ne s’achète pas sur un coup de tête.

La partie avant, avec une douille fine mais des fourreaux de fourche qui remontent jusqu’en dessous du poste de pilotage, inspire la vitesse.

Le Shiv Disc est, comme souvent chez Specialized, optimisé au mieux dans le domaine pour lequel il est prévu. Par rapport au précédent Shiv par exemple, la marque annonce un gain d’une minute sur la distance de la partie vélo à Hawaï rien qu’en tenant compte de l’amélioration aérodynamique. Et même plus si l’on tient compte des capacités étendues en termes de réglages de position, qui permettent d’optimiser au maximum la posture du triathlète.

Les possibilités de réglages offertes permettent d’accéder à une position confortable et efficace.

=> VOIR AUSSI : Rouler plus vite en étant plus aérodynamique

Une intégration totale

Le cadre est conçu autour de fibres de carbone FACT légères et rigides, pour des formes aérodynamiques et des solutions de transport originales. Selon Specialized, le Shiv Disc est optimisé pour le vent latéral. Difficile à croire compte tenu du profil imposant et de l’idée que l’on peut se faire du vélo soumis aux rafales de vent. Mais force est de constater que l’une de ses premières qualités est contre toute attente la stabilité.

Le Shiv Disc semble d’abord paré pour présenter le minimum de résistance au vent de face.

Le vélo intègre donc le système d’hydratation Fuelcell dans une boîte à l’arrière de la tige de selle et qui favorise aussi la pénétration dans l’air, ainsi que le système de nutrition du même nom à l’intérieur du tube diagonal qui peut recevoir 10 à 12 gels ou 4 à Barres énergétiques, ou encore tout autre accessoire. Ce système en caoutchouc est amovible et offre l’accès au boîtier de jonction Shimano Di2 si nécessaire, ou au kit anti crevaison.

Le Fuelcell du tube diagonal permet de ranger le ravitaillement.
Une fois enlevée, la boîte en caoutchouc laisse entrevoir la finition intérieure, de très haut niveau.

Indépendamment du poids du vélo, le but est de tout dissimuler à l’intérieur de manière à éviter la moindre perturbation aérodynamique mais aussi de faire preuve d’aspect pratique. Le flexible d’hydratation passe entièrement à l’intérieur du cadre, pour ressortir au niveau du poste de pilotage, et ainsi pour vous permettre de boire sans quitter la position sur les prolongateurs. Ce même système d’hydratation est fourni avec le kit nécessaire au nettoyage. En revanche, il faut noter que son couvercle au-dessus de la boîte dédiée ne tient pas toujours très bien en cas de chocs sur la route, et qu’il peut être nécessaire de le scotcher juste avant l’épreuve.

Le flexible d’hydratation chemine à l’intérieur du cadre pour ressortir au niveau du poste de pilotage. Notons les capacités limitées de braquage de la roue avant.
L’accès à la poche d’hydratation dans la boîte à l’arrière se fait en soulevant le couvercle en caoutchouc.
Un couvercle qui peut se retirer sur les routes mal pavés, sauf avec un adhésif comme ici.
Le kit fourni propose différentes hauteurs de bagues pour le poste de pilotage, mais aussi le nécessaire pour nettoyer le système d’hydratation.

Un positionnement idéal

Le Shiv Disc est disponible en quatre tailles, basées sur les études posturales Retül dont Specialized est le propriétaire. L’outil Shiv Finder aide à sélectionner la bonne taille à partir d’une position cycliste classique. Ce vélo gagne en aspect pratique en offrant de multiples possibilités de réglage de position, parce qu’il s’agit bien là de l’élément le plus important de ce type de machine, surtout quand elle est destinée aux longues distances. Le poste de pilotage est ici exemplaire, puisqu’une seule vis de chaque côté suffit pour le faire basculer vers le haut ou vers le bas. Un kit de bagues fourni permet d’ajuster facilement la hauteur des prolongateurs, et il reste bien sûr possible de régler leur longueur et l’écartement des repose-bras.

Il est possible de rabattre les ailes du cintre vers le bas, pour transporter le vélo dans un sac ou une valise adéquate.

L’ensemble du système bénéficie aussi d’une astuce pour le transport du vélo pendant les voyages au long cours (on sait que les triathlètes bougent beaucoup) puisque les extrémités du cintre peuvent être rabattues le long de l’épaisse fourche pour permettre au vélo de rentrer dans une housse ou une valise adéquate. Un élément qui n’est pas inutile quand on sait qu’en raison de l’architecture particulière de la douille de direction et des deux prolongations des fourreaux de fourche jusqu’au bas du cintre, il est impossible de braquer la direction du vélo comme on le ferait avec un vélo de route par exemple.

La fourche est très large.

Freins à disque et mono plateau

Disponible en trois versions (avec les groupes Shimano Dura-Ace et Ultegra Di2), le Shiv Disc est ici proposé avec un groupe Sram Red eTap Axs 12 vitesses, agrémenté d’un pédalier avec un capteur de puissance et un seul plateau. Comme l’indique son nom, le Shiv Disc n’est disponible qu’en freins à disque, ce qui simplifie l’intégration mais implique d’autres compromis. Nous avons toujours affaire à quelques bruits de frottements des disques après de gros freinages, ou parfois même lors de simples relances. Maintenance et réglages ne sont pas simples, en plus du poids supérieur du système. Mais les freinages sous la pluie sont rassurants, ce qui s’avère un avantage pour ce type de vélo peu maniable à la base.

Le pédalier mono plateau intègre un capteur de puissance Quarq précis et réactif.

Le mono plateau limite le vélo à 12 vitesses, ce qui a l’avantage de simplifier les commandes, que l’on effectue par ailleurs par quatre blips situés sur le cintre près des freins et sur les prolongateurs. Le développement maximal de 48/10 est suffisant pour la plupart des pratiquants, si l’on tient compte du fait qu’un 48/12 permet de rouler entre 45 et 50 km/h aux cadences de pédalage habituelles. Il y a donc de quoi faire, même si le rendement de la transmission Sram devient beaucoup moins bon (on sent que ça gratte un peu) avec les 11 et 10 dents, de notre point de vue uniquement utiles pour accompagner le coup de pédale en descente. Ce mono plateau oblige également à quelques compromis au niveau de la cassette, avec des trous dans l’étagement de la gamme, sensibles dans les faux plats et les petites côtes. 

Les blips de changements de vitesse installés sous le ruban de cintre sont difficilement manipulables avec des gants longs.
Aucun problème en revanche avec les blips au bout des prolongateurs.
L’étagement de la cassette 10-33 n’est pas fameux, sauf pour ceux qui recherchent une extrême polyvalence.

Du côté des roues, les Roval CLX 64 sont relativement légères pour leur hauteur de jante, suffisamment aérodynamiques et polyvalentes pour les parcours un peu vallonnés ou exposés au vent, fluides avec les roulements Ceramic Speed et surtout très stables dans les rafales. Associées aux excellents pneus Specialized Turbo Cotton, elles font partie des valeurs sûres de l’équipement de ce vélo.

Très larges, les Roval CLX 64 sont aussi très stables dans le vent.

Tel quel, il pèse pèse 9,26 kg sans pédales, ce qui n’est pas totalement hors-norme en tenant compte de la technologie embarquée. Le tarif de 11 999 € est très élevé pour un vélo, mais finalement pas si insensé par rapport à d’autres vélos de route, qui ne sont pas aussi évolués en général et dans les détails.

Stable et rapide 

Le Shiv Disc se montre très rigide latéralement comme on peut s’y attendre en observant la boîte de pédalier ou encore le reste de l’architecture du cadre. Extrêmement bas et compact, le triangle arrière est soutenu par la forme renforcée de la jonction avec les bases. Le comportement du vélo est inflexible sous la contrainte, d’autant plus que la direction se montre assez lourde à la manoeuvre, avec une grande fermeté due aux fourreaux de fourche qui remontent jusqu’au dessous du poste de pilotage, mais aussi le poids de celui-ci.

La boîte de pédalier est massive.
Compact, le triangle arrière bénéficie d’une forme particulière au niveau de la jonction entre les haubans et les bases.

Cela assure du rendement quel que soit votre niveau, mais cela nécessite aussi de jouer souvent avec les développements afin de conserver une cadence de pédalage suffisante et dynamique pour ne pas buter sur la raideur de l’engin. Si vous tentez de passer en force, il y a de fortes chances que vous coinciez bien avant que le vélo ne réponde. Avec son poids et sa rigidité, le Shiv Disc n’est pas fait pour relancer sans cesse, se lancer tête baissée dans les descentes sinueuses ou enchainer les petites bosses nerveuses.

C’est une machine pour embrayer, pour se poser et se caler, et pour envoyer. Et là, tout y est.

Non, c’est une machine pour embrayer, pour se poser et se caler, et pour envoyer. Et là, tout y est. Le vélo est extrêmement stable, ce qui est très étonnant compte tenu de sa surface latérale. Même avec des rafales de vent, on sent à peine la direction louvoyer et il est facile de conserver le cap.

Le Shiv Disc se révèlent addictif quand on aime rouler vite.

Si vous êtes bien calé sur les prolongateurs, le vélo se comporte comme un TGV sur ses rails. Il accuse un peu son poids dans les faux plats montants, que vous devez compenser en remontant les dents et en conservant de la cadence, mais il reprend très vite de la vitesse sur le plat ou dans les parties descendantes. Question confort, pas de panique car c’est le vélo idéal pour Ironman tant il se montre rapide, mais aussi agréable grâce à ses multiples capacités de réglage, et super stable. Il ne « tape » pas et la souplesse des pneus Turbo Cotton apporte un plus non négligeable pour filtrer les mauvaises vibrations. Il n’est pas utile de se battre avec le vélo ou même disposer de qualités particulières de pilotage pour s’y habituer. 

Le Shiv Disc peut recevoir des sacoches de transport sur le tube horizontal.

Bien qu’un peu plus lente que la Shimano Di2, la transmission Sram est précise et pratique à manipuler depuis les prolongateurs. Les blips situés près des leviers de frein sont moins sensibles avec des gants longs. Avec un peu d’habitude aussi, le flexible d’hydratation est manipulable à souhait et ne vous rend pas nostalgique d’un bidon traditionnel, ou même d’un vélo classique. Car le Shiv Disc est un vélo rapide qui vous permet de tenir des moyennes bien plus élevées qu’avec un vélo de route classique sur des parcours plats ou moyennement vallonnés. Comptez facilement 2 à 3 km/h avec la même production de puissance, comme vous pouvez d’ailleurs le constater avec le capteur de puissance Quarq fourni d’office avec le vélo. Et ça rend le Shiv Disc terriblement addictif, que vous soyez un triathlète aguerri et spécialiste des longues distances, ou un nouvel adepte de ce sport terriblement branché qu’est le vélo, avec ce type de machine.

D’accord, le Specialized S-Works Shiv Disc est très cher et exclusif de par ses limitations d’usage. Mais c’est un vélo qui regroupe l’essentiel de ce qui se fait aujourd’hui pour rouler vite sur route. On lui pardonne pour cela ses quelques rares défauts et on le classe définitivement parmi les engins d’exception.

SPECIALIZED S-WORKS SHIV DISC
Note : *****

Les + : rapidité, positionnement, stabilité, aspect pratique, finition

Les – : couvercle du système d’hydratation qui ne tient pas bien, mono plateau, étagement de la transmission

Cadre : S-Works Shiv Disc Fact 11 R Carbone
Fourche : Shiv Disc Fact 11 R Carbone (Axe traversant)
Guidon : Specialized Shiv Aerobar
Freins : Sram Red hydrauliques 160 mm
Dér. Arrière : Sram Red eTap AXS 12 v.
Leviers : Sram hydrauliques
Cassette : Sram Red 10/33 12v.
Chaîne : Sram Red AXS 12 vitesses
Pédalier : Sram Red Power Meter 1 48 dents
Roues : Roval CLX 64 Disc
Pneus : S-Works Turbo Cotton 700×26
Selle : S-Works Sitero Pro
Tige de selle : Shiv Disc Carbon
Poids : 9,260 kg en taille S sans pédales
Nombre de tailles : 4

Prix : 11999 €

Contact : www.specialized.com

=> VOIR AUSSI : Tous nos articles Matos

Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

Vous aimerez peut-être aussi

3 commentaires sur “Test du Specialized S-Works Shiv Disc

  1. Merci pour ce test, le mien arrive bientôt ! J’ai hâte. Tu saurais me dire si on peut passer en disque de 140mm à l’arrière ? On dirait que c’est du 160 mzr défaut. Merci pour ces tests, toujours hyper instructifs et complets

  2. Merci Guillaume ! Ai posé la question avant de l’avoir et maintenant qu’il est dans le salon, je vois qu’on peut effectivement le mettre en 140mm 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.