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L’amélioration des performances passe parfois par la nécessité de croiser les disciplines ou les types d’entrainement. Dans le cas de sports d’endurances comme le cyclisme ou le triathlon, il est possible d’optimiser les adaptations physiologiques engendrées par un entraînement combiné entre le travail de la force et celui de l’endurance pure. Voyons ce qui marche et ce qui ne fonctionne pas.
Par Sébastien Argentin – Photos : 3bikes.fr / Pixinio.com / Pxhere.com
Avec l’arrivée des sciences dans le milieu du sport de haut niveau depuis le début de ce siècle et avec l’escalade grandissante des performances des sportifs, l’entraînement a dû être reconstruit et réfléchi, afin de permettre aux athlètes d’aller toujours plus haut, toujours plus loin et toujours plus vite. C’est ainsi que, dans la plupart des disciplines à dominante aérobie (comme le cyclisme ou le triathlon), des séances de musculation (Force) ont été ajoutées à l’entraînement traditionnel aérobie (Endurance). Cette orientation différente du travail à accomplir a donc vu le jour progressivement et s’est vite avérée être un complément indispensable à tout entraînement aérobie visant l’accomplissement de grandes performances.
De nombreuses recherches se sont dès lors intéressées à cet entraînement combiné « Force + Endurance » et aux adaptations qui pouvaient en découdre. Et il semblerait que les différents résultats obtenus soient assez inconsistants et souvent contradictoires. Certaines recherches ont mis en avant le fait qu’un entraînement combiné inhibait le développement de la force et de la puissance sans avoir d’effets sur le développement des aptitudes aérobies (1) alors que d’autres (2) ont montré au contraire que le développement de la puissance aérobie était compromis par cette forme d’entraînement combiné.
Cette incohérence de résultats semble liée aux différents types de protocoles d’entraînement utilisés.
De façon contradictoire, d’autres recherches ont également constaté que l’entraînement combiné n’avait aucun effet inhibiteur sur le développement de la force et de l’endurance (3). Cette incohérence de résultats semble liée selon Leveritt et coll. (1999) aux différents types de protocoles d’entraînement utilisés, lesquels diffèrent bien souvent au niveau du volume, de l’intensité ainsi que du type et de la vitesse de contraction musculaire.
À la vue des résultats des différentes recherches sur l’entraînement combiné « Force + Endurance », Docherty et Sporer (2000) se sont aperçus qu’il était particulièrement difficile de tirer des conclusions et d’interpréter correctement les observations et résultats mis en avant. Selon eux, les protocoles d’entraînement utilisés pour entraîner des améliorations de la puissance aérobie ainsi que de la force pourraient dans certains cas interagir et engendrer différents niveaux d’interférence basés sur les spécificités des adaptations physiologiques et neuromusculaires. Ils ont donc eu l’idée de proposer un modèle qui se baserait sur le phénomène d’interférence entre les adaptations liées à l’entraînement aérobie et celles liées à celui de force. En effet, en fonction du type de travail réalisé et de l’intensité des exercices, les adaptations spécifiques à l’activité aérobie ne sont pas les mêmes, tout comme celles spécifiques aux exercices de force diffèrent selon le nombre de répétitions et la charge de travail.
Adaptations liées à l’entraînement aérobie (endurance)
Les adaptations résultantes d’un entraînement aérobie peuvent apparaître selon MacDougall et Sale (1981) à un niveau soit central, soit périphérique, selon l’intensité d’entraînement utilisée. À de faibles intensités d’exercice, inférieures au seuil anaérobie, les adaptations physiologiques apparaissent principalement au niveau central (changements au niveau des mécanismes cardio-pulmonaires) alors qu’à de hautes intensités, proches ou égales de VO2Max, les adaptations semblent beaucoup plus localisées au niveau périphérique, c’est à dire musculaire (augmentation du contenu en myoglobine, de la capillarisation musculaire et de l’activité des enzymes mitochondriales).
Adaptations liées à l’entraînement de Force
Le développement de la force musculaire volontaire (FMV) apparaît comme le résultat d’une augmentation de la surface de section musculaire (hypertrophie musculaire chronique) et d’une amélioration de la capacité à activer efficacement les différentes unités motrices concernées (4). L’amélioration de cette FMV peut être obtenue au travers d’une multitude de protocoles d’entraînement de force, combinant de façons différentes l’intensité (charge exprimée en pourcentage de la force maximale sur une répétition) et le volume (nombre de séries et de répétitions).
Des charges de 8 à 12 répétitions entraînent principalement des adaptations périphériques comme une meilleure amélioration de la surface de section musculaire (5) alors que des charges plus lourdes mobilisées sur un nombre de répétitions moins important (4 à 6 répétitions) engendrent des adaptations d’origine nerveuse comme une amélioration de l’activation et de la synchronisation des unités motrices ainsi qu’une diminution de la co-contraction des muscles antagonistes et permettront ainsi des améliorations de force sans hypertrophie musculaire.
À partir des constatations relevées concernant les adaptations spécifiques aux deux formes d’entraînement, aux niveaux central et périphérique, Docherty et Sporer (2000) ont proposé un modèle permettant de prédire le degré d’interférence possible des différents protocoles d’entraînement combinant force et endurance (voir Schéma ci-dessous).
Concrètement, et au regard du schéma présenté ci-dessus, les interférences sont maximales lorsque les athlètes effectuent un travail en endurance à base d’interval training réalisé à une intensité proche de la PMA, associé à un travail de force mettant en jeu des séries de 8 à 12 répétitions afin de développer la force. En effet, dans ce cas de figure précis, l’entraînement en endurance a pour but d’augmenter la capacité oxydative du muscle alors que l’entraînement de force, du fait de l’augmentation de la synthèse protéique liée au type de travail proposé, engendre de son côté un stress au niveau du système énergétique anaérobie, lequel est accompagné d’une augmentation de la concentration de lactate au sein du muscle. Le muscle se trouve ainsi dans une position conflictuelle où il doit tenter de s’adapter en même temps à deux contraintes physiologiques différentes. Ce cas de figure particulièrement défavorable entraîne irrémédiablement une minimisation des adaptations de l’un voire des deux systèmes concernés.
L’entraînement combiné peut être en mesure de diminuer au maximum les risques d’interférence au niveau des adaptations résultantes des deux formes d’entraînement.
À l’opposé de ce premier exemple, l’entraînement combiné peut être en mesure de diminuer au maximum les risques d’interférence au niveau des adaptations résultantes des deux formes d’entraînement. En associant un entraînement en endurance basé sur de l’interval training effectué à une intensité proche de la PMA, avec un entraînement de force proposant des séries à haute intensité, de 2 à 5-6 répétitions, le muscle est en mesure d’adapter sa capacité oxydative sans que cela ait de répercutions négatives sur les adaptations neuronales engendrées par les sollicitations de l’entraînement de force. De la même façon, les adaptations centrales liées à un entraînement aérobie continu et réalisé à intensité modérée (footing ou séance réalisée à une intensité inférieure au seuil anaérobie) auront des interférences minimales avec celles issues d’un entraînement de force (hypertrophie musculaire principalement) utilisant des charges faibles à moyennes et des répétions plus importantes.
En s’appuyant sur ces conclusions de Docherty et Sporer (2000), les entraîneurs ayant en charge des athlètes spécialistes de disciplines aérobies peuvent donc être en mesure d’optimiser les adaptations (centrales ou périphériques) qu’ils souhaitent provoquer à partir des séances mises en place tout au long de la planification d’entraînement de leurs sportifs.
POUR RÉSUMER Il faut éviter de croiser un entrainement aérobie à des intensités proches de la PMA avec un travail de force qui induit une production d’acide lactique (séries de 8 à 12 répétitions en musculation avec charge « moyenne », ou endurance de force à I3/I4 en côte). En revanche, il est possible d’associer un entrainement aérobie à des intensités proches de la PMA avec un travail de force maximale sur des répétitions plus courtes mais avec de fortes charges, ou encore un entrainement en endurance basse avec un travail de force avec des séries plus longues visant à provoquer une hypertrophie musculaire. |
(1) – Hickson, 1980 ; Dudley et Djamil, 1985 ; Craig et coll., 1991 ; Hennessy et Watson, 1994 ; Kraemer et coll., 1995
(2) – Nelson et coll., 1990
(3) – Sale et coll., 1990 ; Abernethy et Quigley, 1993 ; Bell et coll., 1991 ; MacCarthy et coll., 1995
(4) – Sale, 1992
(5) – Houston, 1999 ; Narici et coll., 1989 ; 1995 ; Kawakami et coll., 1995
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