Un temps de saison

L’hiver pointe déjà le bout de son nez alors que nous ne sommes que mi-novembre. Mais ces événements météo précoces nous rappellent qu’il y a une saison pour tout, même pour (ne pas) faire du vélo. Une bonne occasion pour remettre en question les calendriers sportifs et l’organisation des clubs, peu adaptés aux caprices de la météo.

Par Guillaume Judas. Photos : Shimano, Sram, PEdALed / DR

Tous les ans ou presque, le beau temps joue les prolongations jusqu’à début novembre. Les températures y restent en tout cas largement acceptables. Pourtant, la saison des compétitions sur route, triathlons ou autres cyclosportives est largement clôturée, parfois même depuis la fin septembre. Par faute de propositions ou de compétiteurs ? Un peu des deux sûrement. Inspiré du calendrier des professionnels – qui débutent souvent sous des latitudes bien plus favorables – nos épreuves ont lieu de plus en plus tôt dans l’année, et elles font souvent le plein de concurrents, impatients d’en découdre. Mais elles sont aussi de plus en plus rares au début de l’automne, période pourtant très favorable à la pratique du vélo.

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Il faut parfois changer de continent pour trouver le beau temps. Et de pratique !

Nous retrouvons ce paralogisme dans l’organisation de l’entraînement hivernal de la plupart des clubs et pratiquants. On coupe alors qu’il fait encore doux, pour réduire au plus court la période de transition pourtant bien nécessaire pour combler certaines lacunes, et on reprend de plus en plus tôt. Ainsi, voir certains coureurs ou cyclosportifs surmotivés rouler quatre heures début décembre n’est pas rare. Pour quels bénéfices ? Alors qu’en plein été et surtout dès la rentrée de septembre, les pelotons sont sérieusement amaigris.

Temps oubliés

Il y a une trentaine d’années, l’entraînement hivernal débutait mi-novembre par un cycle de préparation physique générale et de course à pied. Le vélo était au clou, et on ne le reprenait qu’à la mi-janvier par de petites sorties en souplesse. On montait ensuite en pression jusqu’aux premières courses de la mi-mars, pour être au top pour les championnats de juin, et poursuivre jusqu’à la mi-octobre avec à peine une petite coupure début août. Ensuite le vélo était démonté, révisé, et on s’interdisait toute pratique sportive pendant quatre semaines au moins. Nous avions de vrais hivers diraient les anciens, avant que l’on commence à évoquer le phénomène du réchauffement climatique. Mais si les tempêtes ont remplacé la neige dans certaines régions, elles n’en restent pas moins incompatibles avec la pratique du vélo. De temps en temps, un courant d’air venu d’Europe centrale nous rappelle aussi que l’hiver peut être encore glacial.

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Repousser une sortie, la remplacer par du home-trainer ou de la PPG voire par un footing, ce n’est pas un problème quand on commence juste à pédaler.

La différence, c’est que l’hiver imprévisible qui se manifeste par de la neige, de la pluie, du vent ou du gel, ne se subit pas de la même manière sur le vélo, si nous sommes en phase de reprise ou en phase pré-compétitive. Et ça change tout ! Repousser une sortie, la remplacer par du home-trainer ou de la PPG voire par un footing, ce n’est pas un problème quand on commence juste à pédaler. Par contre, quand les cannes sont déjà affûtées, que les premiers efforts de déblocage ont été réalisés et que la montée en régime logique veut qu’on intensifie les sorties, une coupure forcée est frustrante. Sans compter les risques de tomber malade, de chutes ou autres désagréments si on insiste quand même.

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Un équipement adéquat est indispensable pour rouler l’automne et l’hiver.

Nombre de clubs doivent réajuster leur programme lors des week-ends de janvier, avec toutes les difficultés comportées par une organisation de groupe, alors qu’il suffit parfois d’un peu de souplesse pour rouler quand même. Par exemple en partant à 11h le matin plutôt qu’à 8h pour éviter le verglas. Pourquoi cette dérive ?

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L’exemple des pros

Le cyclisme de haut niveau est devenu pointu et hyper spécialisé, avec des équipes souvent divisées en deux groupes : celui des classiques et celui des grands Tours. Pour briller dans les classiques printanières, les meilleurs commencent un entraînement sérieux début novembre, partent en stage en décembre, rajoutent parfois de grosses charges de travail pendant les fêtes, et commencent à courir en janvier. Si quelques courses françaises et espagnoles ont suivi le mouvement avant même que ne commence le mois de février, c’est pourtant plus au chaud que les pros courent en hiver. Ces mêmes coureurs de classiques coupent en mai, pendant que les coureurs de grands Tours entrent en action après une mise en route beaucoup plus tranquille.

Même en groupe, les sorties par mauvais temps peuvent être très pénibles.

Chez les amateurs, on débute désormais début février, selon le hasard du calendrier des vacances scolaires. Avec des courses parfois annulées ou qui se disputent dans des conditions exécrables. Plus bas dans la hiérarchie, on débute le dernier week end de février, et tout début mars pour les cyclosportifs. Discipline pratiquée normalement l’hiver, le cyclo-cross est aussi totalement décalé, avec un début de saison en septembre, et une clôture mi-janvier ! Chez les pros, cette extension du calendrier répond à une internationalisation du cyclisme, au nombre de coureurs de haut niveau et à un nivellement par le haut. Mais pour les amateurs ou cyclosportifs, suivre cet exemple est oublier que les volontés et énergies, aussi bien du côté des coureurs que des organisateurs, ne sont pas extensibles.

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Du bon sens

Les connaissances en termes d’entraînement ont évolué, tout en bénéficiant à toutes les catégories de pratiquants. Il est plus simple et plus accessible aujourd’hui de s’entraîner pour une période de forme, une épreuve, un objectif, ne serait-ce que parce que de nouvelles méthodes de préparation se transmettent au niveau des clubs ou via les nouveaux modes de communication. Avec la tentation de trop vouloir bien faire et le risque de perdre au final beaucoup de temps.

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Une reprise assidue trop précoce va à l’encontre de la logique même des saisons. Quitte à faire l’impasse sur un début d’année en compétition que l’on sait difficile de toute façon, que l’on soit en forme ou pas. Il est toujours temps de briller au firmament de l’été. Si les concurrents ne jouent plus le jeu, les organisateurs seront bien obligés de recaler un peu leurs épreuves selon un calendrier plus favorable à la pratique du vélo. Sans capteur de puissance, sans cardiofréquencemètre et sans logiciel d’analyse, le cyclisme que l’on dit « à l’ancienne » s’est tout de même fondé sur de simples questions de bon sens.

Vous pouvez en rêver. Le beau temps et les belles escapades reviendront !

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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