Test du ADRIS Speedline 9.5

Par Pierre-Maxime BRANCHE – Photos : 3bikes.fr

J’ai passé de vrais bons moments en pilotant et en poussant ce Speedline 9.5, galvanisé par la vitesse et le rendement d’un cadre rigide et dans une certaine mesure réactif malgré son embonpoint. J’ai également passé de moins bons moments à son guidon, chahuté et secoué par ce même cadre peu conciliant sur des bitumes abîmés, mais surtout pantois et médusé par le manque de mordant des étriers de frein dans différentes situations plus ou moins urgentes. C’est l’histoire d’un test au cours duquel, à chaque sortie, je me suis demandé si je sortais de ma zone de confort ou si je sortais mon Speedline de la sienne.

Adrisport devient Adris et rejoint un réseau de distribution

En 2019, pour qui gravite dans les milieux cycliste, cyclo-cross et triathlétique, on ne présente plus Adrisport. Ce serait une offense faite à Adrien et Romain Duault, ces deux frangins bretons dynamiques qui ont lancé leur marque en 2009. Dix ans plus tard, on ne dit d’ailleurs plus Adrisport, mais désormais Adris (prononciation  »Adrisse »). Ne vous méprenez pas, il y a là une énorme différence : si Adrisport était spécialiste de la vente directe, à l’instar du géant Canyon, Adris intègre cette année un réseau de distribution en magasin traditionnel pour booster son développement. Si vous êtes dans le grand Ouest, en Normandie, dans le Nord, sur la région parisienne, dans le Loiret et en Dordogne, vous aurez donc l’occasion de découvrir une gamme 2019 totalement renouvelée. Pour les autres, il faudra attendre un peu.

5 tailles et 5 montages

Au cœur de cette nouvelle gamme se place le Speedline, le modèle orienté triathlon longue distance. Spécialement développé afin de pouvoir tout intégrer sur le vélo, il est équipé d’un système d’hydratation à l’avant du cintre, d’une NutriBox sur le tube horizontal et d’une ToolBox à l’arrière du tube de selle, les trois accessoires étant amovibles. Ce cadre monobloc (sur)bombé, aux tubes impressionnants, affiche 1 150 g en taille M. Il est fabriqué en fibres de carbone Toray T800 Ultra Haut Module, tout ou partie, nous n’avons pas l’information.

Il dispose également d’un cockpit Aeroline avec potence et tige de selle Speedline qui offrent de multiples réglages pour trouver la bonne position et de freins TRP, le tout pour 1 150 g en taille M et au prix de 2 690 € le kit cadre. Disponible en cinq tailles, il est proposé en cinq montages de 2 990 € (9.2, Shimano 105) à 6 990 € (9.9 LX, Shimano Dura-Ace Di2 9150) et dans deux coloris diamétralement différents : un Red Vision très marqué et un White Soft plus… soft et classe. Notre vélo d’essai est le 9.5 équipé en Shimano Ultegra Di2 en version Red Vision.

Bien monté et prêt à rouler

Pas de secret sur l’origine du cadre : Adris achète des cadres fabriqués en Asie, les monte et les décore à sa sauce. « Il ne s’agit pas de notre propre développement, mais ce n’est pas non plus un générique que tout le monde peut se procurer. Nous travaillons pour ce modèle avec un partenaire professionnel en Chine, il a été choisi selon nos critères et en corrélation avec nos attentes en termes de tailles, de type de carbone et d’accessoires », explique Adrien Duault, en charge de la conception, des innovations de gamme, des montages et réglages chez Adris. Il est certain que cela enlève de la magie pour les plus passionnés et férus, mais le continent asiatique, c’est l’eldorado du carbone pour le vélo. C’est là-bas  »que ça s’passe » pour la plupart des marques, aussi réputées soient-elles. Le bénéfice d’Adris est de recevoir un vélo propre, bien monté, prêt à rouler et de pouvoir disposer d’une garantie de trois ans sur les cadres et les fourches, et de un an sur les pièces et accessoires. Garantie extensible de deux ans si le vélo est enregistré en ligne sur le site de la marque.

Un montage intéressant

Dans le détail, et comme son nom l’indique, le Speedline est conçu pour rouler vite et en ligne afin d’avaler de longues distances à haute vitesse. Les sections des tubes du triangle avant sont toutes très importantes, hormis le centre du tube supérieur qui est aplati. Chaque raccord est renforcé par de larges carénages en carbone.

Les fourreaux de la fourche sont à l’image du cadre : larges et droits. Celle-ci, dans sa partie haute, intègre l’étrier TRP avant, le système d’hydratation et enveloppe l’avant de la douille de direction. Avec la solide potence Speedline, la NutriBox et les prolongateurs du cintre Aeroline TT, l’avant du vélo est très dense et lourd d’autant plus lorsque la  »bouteille » avant est remplie. Cela dit, le but étant d’avaler de la distance et non de placer une mine dans le Mur de Huy, cette densité n’est pas tellement gênante. Plus à l’arrière, bases et haubans profilés affichent aussi de grosses sections, mais ce qui impressionne le plus c’est cette intégration au millimètre de la roue arrière dans le tube de selle. Un gravier n’y passerait pas !

Tous les produits Adris sont homologués UCI pour les épreuves cyclistes

La tige de selle aplatie, qui se serre via un tampon intégré à positionner sur le dessus du tube supérieur, et son chariot offrent une grande plage pour jouer sur le recul de selle afin d’avancer votre position aéro de contre-la-montre (tous les produits Adris sont homologués UCI pour les épreuves cyclistes) mais surtout de triathlon.

Côté équipement, il propose la transmission Shimano Ultegra Di2 avec son système Synchro Shift, des plateaux 52-36, une cassette 11 vitesses 11-28. On compte aussi sur la selle fi’zi:k Arione R1, les freins TRP intégrés à la fourche à l’avant et positionnés sous les bases à l’arrière, et les roues carbone Newwave Ultra (60 mm à l’avant et 80 mm à l’arrière) avec roulements céramiques à 1 610 g la paire (pour 1 690 € au détail), équipées des pneus Vittoria Corsa 320 TPI en 25 mm de section. J’avoue mon interrogation et ma difficulté à lire le nom de cette marque de roue au montage du vélo. Pas étonnant : c’est en réalité une nouvelle marque d’accessoires  »créée » par Adris.

Un vélo accessible

Sur le papier, le Speedline 9.5 est difficilement critiquable même si, à ce tarif, on peut être en droit de réclamer un train roulant plus réputé que ces Newwave. Mais après 500 km dans l’arrière-pays cannois, le Massif de l’Estérel et sur le parcours de l’Ironman de Nice, le doute sur ces roues est levé et le Speedline se révèle plutôt facile à rouler. Les premières sorties demandent quelques réglages de précision sur la position des avant-bras pour trouver les bons angles, mais une fois cela fait, la vitesse augmente assez vite sans forcer, sur le plat comme dans les montées roulantes.

Le Speedline est accessible et n’est pas trop gourmand en dépense d’énergie pour le lancer et entretenir une vitesse élevée. Il n’est honnêtement pas véritablement aidé par les roues, elles pourraient être des alliées plus généreuses en watts, mais elles ne le desservent pas et sauront satisfaire un bon nombre de triathlètes de bon niveau. Dans des bosses plus marquées, elles ne plombent pas le vélo qui reste relativement facile à emmener malgré son poids de 8,6 kg en taille M. L’ensemble ne se désunit pas lorsque l’on monte un peu en force. En parlant de taille, prenez garde à bien étudier la géométrie du cadre avant l’achat et à demander conseil. Plutôt habitué à des tailles 56-58 et décidé à prendre un L en test, Adris m’a finalement orienté vers un M qui s’est montré parfait pour trouver ma position en replaçant parfaitement mes cotes et me sentir très à l’aise.

Des boxes pratiques

S’il est accessible sur des routes en bon état, le Speedline est tout de même très  »tape-cul » dès que la route se dégrade. La rigidité du cadre, que l’on apprécie sur des nombreuses sections roulantes et portions vallonnées, se ressent dans les reins, le dos et les cervicales dès que l’on rencontre un revêtement moins propre. L’avant du vélo tape assez fort, répercutant de grosses secousses dans les épaules et la nuque. Ces chocs sont d’ailleurs un problème pour la  »gourde » avant : le caoutchouc du capot supérieur étant entaillé en croix pour faciliter le remplissage en course, celle-ci perd du précieux liquide à chaque grosse aspérité sur le bitume. Lors de ma première sortie, après 25 km, j’avais déjà perdu la moitié du contenu. Les projections d’eau sautent sur les cuisses et l’entrejambe, si le temps est plutôt froid ce n’est pas le plus agréable et, surtout, pas question de mettre de la boisson énergétique sous peine de se retrouver assez vite poisseux et collant. Dernière anecdote quant à cette poche d’hydratation avant : j’ai eu la (mauvaise) surprise, malgré son bon enclenchement, de la voir sauter, tomber à terre et se vider au passage d’une large rainure de chantier dans laquelle je suis arrivé un peu fort, mais sans exagération. Plus d’eau !

En parlant de boxes, les deux autres sont très pratiques : la Nutribox, sur le tube supérieur, permet d’emmener pas mal de ravitaillement solide, j’ai pu y insérer une barre de pâte d’amande, une barre de céréales classique, quelques cachets Sporténine et un gel de glucides rapides. Sachant que pour un longue distance vous pouvez scotcher du ravito sur le tube supérieur ou en glisser sous votre cuissard (voire dans les poches de votre maillot si vous en enfilez un en transition), le volume de cette Nutribox est suffisant, si vous partez sur le format Ironman et encore plus sur le 70.3 ; de son côté, la ToolBox est elle aussi bien pensée puisque j’ai pu y glisser un multi-outil, une chambre à air, trois démonte-pneus et un prolongateur de valve. Et encore, il y avait encore de la place.

Des braquets pour s’économiser

À chaque sortie, le plaisir est au rendez-vous. Le Speedline est un bon compagnon de route. Sur un entraînement de 4 h 15, 120 km au compteur et près de 2 000 m de dénivelé positif avec un effort lissé d’intensité moyenne, je ne me suis pas senti cassé à l’arrivée, mais plutôt avec l’envie de partir sur une petite course à pied de transition. La transmission Ultegra Di2 est toujours un régal au niveau de la fluidité et de la rapidité du passage des vitesses, le système synchro shift est intéressant s’il est bien réglé au préalable et permet de toujours garder le bon couple de pédalage que vous tombiez sur le petit plateau ou montiez sur la plaque.

La plage de braquets proposée, 52-36 à l’avant et 11-28 à l’arrière, est idéale pour absorber les changements de pente et garder de la souplesse. Avec 36-28, on dispose là d’un braquet qui permet de ne pas se retrouver planté en sous-cadence de pédalage dans des portions difficiles, ce qui est important dans une perspective d’économie d’énergie sur longue distance. Un vélo rigide comme celui-ci sans cette plage de développement, c’est aller au devant de grosses difficultés. À noter les doubles commandes sur les poignées de freins et au bout des prolongateurs qui permettent d’adapter le braquet tout en conservant sa position aérodynamique.

Grosse prise au vent

Le pilotage de ce Speedline demande en revanche de l’attention, pour ne pas dire de l’expérience. La prise au vent est très importante, d’autant plus avec le système d’hydratation intégré à l’avant et la ToolBox à l’arrière qui rajoutent encore de la surface sur un cadre de triathlon déjà volumineux.

Vent de côté et vent de trois-quart face (moins arrière), on se fait vite prendre par des bourrasques et dévier de sa trajectoire. C’est sensible sur le plat sur les prolongateurs, mais aussi les mains sur le cintre dans des descentes techniques avec enchaînement de courbes et donc de direction des rafales. Malgré mon gabarit de 183 cm, 75 kg et un positionnement fidèle à mes habitudes, je me suis senti à la limite du décrochage aux abords de certaines épingles à appréhender, au point de me demander si le Mistral n’allait pas avoir le dessus et me faire décrocher.

Un freinage arrière absent

Cet inconfort a été renforcé par un freinage défaillant. Les raisons peuvent être multiples : les conditions de roulage évidemment, mais surtout la surface de freinage de la jante, le type de gomme des patins choisi et le placement des étriers. Sur ce type de vélo, la volonté de privilégier l’aérodynamisme se comprend, sa destination étant de vous emmener vite et loin. Mais sur ce test, l’impression de ne pas avoir un système de freinage digne de ce nom a été constante, dès lors qu’il a fallu évoluer en ville pour se sortir du trafic, avec les aléas que tout le monde connaît, ou dans les descentes plus ou moins escarpées de l’arrière-pays niçois.

TRP, spécialiste chinois des composants de freinage a fait ses preuves depuis plusieurs années. Doit-on alors pointer la qualité de ces patins Ashima, pourtant compatibles Shimano et conçus pour le freinage sur jante carbone, la qualité de la piste de freinage de ces Newwave Ultra ou le positionnement sous les bases arrière, les études sur le sujet démontrant que la force de la roue arrière est plus importante à cet endroit que sur le haut ? Je penche personnellement surtout pour cette dernière solution, mais l’association de cette jante et de ces patins ne rassure pas par son efficacité.

En route, si j’ai noté un manque de mordant à l’avant, j’ai senti qu’il n’y avait quasi aucun mordant à l’arrière. Pas très rassurant dans une descente à 60 km/h, pourtant sans prendre de risque. Si vous rajoutez des bourrasques, un léger manque de lucidité dû à la fatigue et des automobilistes pas très patients derrière vous, malgré l’expérience ces moments ne sont pas du tout agréables. Ce défaut oblige à beaucoup d’anticipation des trajectoires, de votre vitesse et des risques sur la route, en tout cas encore plus que d’habitude.

Idéal sur format 70.3

C’est véritablement le gros point noir de ce test qui est, certes, moins gênant par exemple sur des routes en bord de mer. Certains vous diront que ce type de vélos n’est pas fait pour freiner. Et d’autres, qu’à Hawaii, au championnat du monde Ironman, il y a un seul coup de frein à mettre sur 180 km au niveau du demi-tour. Soit. Sauf que la vie de la plupart des triathlètes ne tourne pas autour d’Hawaii et qu’il est dérangeant de se dire que le freinage n’est pas au niveau de sécurité attendu sur tous les terrains d’expression. Et ceci d’autant plus que le freinage sur jante carbone est une technologie performante via d’autres fabricants ! Dans un certain cadre d’utilisation, le Speedline 9.5 semble donc bel et bien hors de sa zone de confort.

Si vous envisagez une épreuve avec des descentes rapides et techniques, c’est un point sur lequel vous devrez porter une attention toute particulière. Et si ce problème est résolu, le Speedline 9.5 demeure alors un bel allié pour vous accompagner sur triple effort, quel que soit votre niveau. Il donne envie de croquer la route, de tourner les jambes et de prendre de la vitesse en position aérodynamique. Il est parfait pour des parcours courts jusqu’au format Ironman 70.3 ou longue distance, à voir sur format Ironman ou XXL selon votre niveau et vos capacités physiques en termes de gainage et de souplesse. Car quelle que soit la monture, il n’est jamais anodin de rester plusieurs heures sur des machines de cette trempe.

ADRIS SPEEDLINE 9.5
*****

LES + : accessibilité, transmission, réglages du poste de pilotage, NutriBox, ToolBox
LES – : freinage, poids, prise au vent, gourde avant

CADRE : Speedline Carbon Toray T800 UHM
FOURCHE : Speedline Carbon Toray T800 UHM
ROUES : Newwave Ultra 60 av + 80 ar, roulements céramiques C+
PNEUMATIQUES : Vittoria Corsa 320 TPI en 25 mm
PÉDALIER : Shimano Ultegra R8000, 52×36
CASSETTE : Shimano Ultegra R8000 11v, 11-28
DÉRAILLEUR ARRIÈRE : Shimano Ultegra Di2, R8050, 11v
FREINS : TRP, T860/850
LEVIERS : Shimano Ultegra Di2, R060, 11v
CINTRE : Adris Aeroline TT
RUBAN : Newwave Teamline EVA
POTENCE : Adris Speedline ICR
TIGE DE SELLE : Adris Speedline
SELLE : fi’zi:k Arione R1, regular, rails carbon
NOMBRE DE TAILLES : 5 (XS, S, M, L et XL)
POIDS : 8,6 kg (M) sans pédales, 1 150 g (kit cadre)

PRIX : 5 290 €

CONTACT : https://www.adrisport-bike.com

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Pierre-Maxime Branche

- 41 ans - Journaliste professionnel depuis 2004 en presse sport spécialisée et information générale. - Pratiques sportives actuelles : triathlon & fitness. - Instagram : pierre_maxime_branche

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