Focus sur la séance dite de Gimenez

Par Guillaume Judas – Photos : DT Swiss / Mavic / Shimano / 3bikes.fr / Flickr / DR

Le Gimenez est le nom d’une séance d’entraînement spécifique qui consiste à enchaîner quatre minutes à 70% de vos capacités avec une minute à 100% de la PMA – puissance maximale aérobie – et cela neuf fois de suite sans récupération. Soyons clair, c’est presque une torture ! C’est une séance extrêmement exigeante, popularisée à la fin des années 90 et au début des années 2000 par Frédéric Grappe, l’entraîneur de l’équipe de la Française des Jeux, et intégrée aussi par de nombreux entraîneurs diplômés. Un modèle que l’on retrouve dans d’autres sports, comme la course à pied ou le ski de fond, qui ont la particularité comme en cyclisme d’exiger de très hauts niveaux d’endurance haute.

 

Cette séance, ou plutôt un enchaînement de ce type de séance, a pour but d’élever le niveau de la PMA, en plus d’élever le niveau de la puissance à FTP (puissance critique que l’on peut tenir sur une heure) et de préparer aux changements de rythme avant la compétition. L’idée est donc bien entendu de faire progresser ou de maintenir le niveau de condition physique. L’avantage, c’est que les résultats sont significatifs, et surtout que cela peut être réalisé sur home-trainer, toute l’année, sur des séances relativement courtes. Comptez en effet 15 minutes d’échauffement et 15 minutes de retour au calme avant et après les 45 minutes d’exercice, et c’est plié. Sur un home-trainer, l’intensité est beaucoup mieux calibrée que sur la route, avec les impondérables de la circulation. En effet, tout l’intérêt réside dans le respect des intensités : s’il n’est pas trop difficile de comprendre et de respecter les neuf fois une minute à PMA (ou intensité I5 sur une échelle de 1 à 7), les quatre minutes de contre-exercice à 70% (ou intensité I3) demandent beaucoup de concentration et de résistance physique et mentale pour que la séance soit profitable. L’inconvénient c’est la difficulté, aussi bien physique que mentale, et le déséquilibre par rapport au volume d’entrainement foncier qui peut s’installer si vous répétez trop souvent ce type de séance.

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Rappel : L’échelle Subjective de l’Intensité de l’Effort
  • I1 : intensité légère, effort facile en décontraction, conversation aisée, correspondant à < 50 % de la puissance à PMA (puissance maximale aérobie), ou à < 75 % de la FC (fréquence cardiaque) Max. Objectif de l’entrainement : longues heures d’effort, décontraction, régénération.
  • I2 : intensité moyenne, correspondant à un effort d’endurance pure, aucune douleur musculaire, conversation facile, fatigue intervenant après 3/4 h d’effort prolongé, de 50 à 65 % de PMA et 75 à 85 % de FC Max. Objectif de l’entrainement : augmentation du niveau d’endurance, élimination active des déchets.
  • I3 : intensité soutenue, apparition des tensions musculaires, conversation difficile à tenir, épuisement sur 2h, de 65 à 75 % de PMA, de 85 à 92 % de FC Max. Objectif de l’entrainement : maintenir sans difficulté le niveau moyen d’intensité d’une épreuve sur la durée.
  • I4 : intensité critique, augmentation progressive des douleurs musculaires, conversation très difficile, épuisement à partir de 20 minutes, 75 à 80 % de PMA, 92 à 96 % de FC Max. C’est l’allure d’un contre-la-montre sur 20 minutes, ou encore ce qu’on appelle l’intensité seuil anaérobie. Objectif de l’entrainement : supporter les intensités élevées de la compétition, ou les difficultés (dénivelé) du parcours.
  • I5 : intensité sur-critique, augmentation très rapide et vite insupportable des douleurs musculaires, conversation très compliquée, épuisement entre 3 et 7 minutes, autour de 100 % de PMA et entre 96 et 100 % de FC Max. C’est l’allure d’une côté montée à bloc. Ou encore ce qu’on appelle la PMA. Objectif de l’entrainement : augmenter le seuil de tolérance à la douleur (pour les phases clés d’une épreuve, suivre ou faire la différence).
  • I6 : intensité sous-max, souffrance extrême pendant l’effort, proche de la nausée, épuisement entre 30 secondes et 1 minute, autour de 150 % de PMA, FC non significative. Objectif de l’entrainement : tolérance aux lactates (capacités de puncheur, sprint en côte).
  • I7 : intensité maximale, impression d’un effort en apnée, très court, aucune douleur musculaire, hyperventilation en fin d’exercice, effort max de 7 à 10 secondes, pic de puissance ou 250 % de PMA, FC non significative. Objectif de l’entrainement : développer la force maximale, améliorer les qualités gestuelles).

Idéale avec un capteur de puissance

Évidemment, ce type de séance prend tout son sens lorsque vous êtes équipé d’un capteur de puissance. Première étape, si vous ne connaissez pas votre PMA (elle peut être évaluée en laboratoire lors d’un test d’effort) : faire un test sur 5 minutes. Celui-ci consiste à essayer de faire la meilleure performance possible sur 5 mn, et d’ensuite de relever la puissance moyenne en watts sur ces 5 mn. Il s’agit de votre PMA, une intensité difficilement tenable au-delà de 5 mn justement (ensuite la puissance fournie décroît inexorablement). À partir de cette PMA, vous pouvez déterminer votre intensité I3, qui se situe autour de 65 à 75% de votre puissance à PMA. Il s’agît de l’intensité Tempo, celle qui permet de rouler assez vite mais longtemps, du style longue échappée, ou adoptée lors de l’escalade de plusieurs cols. C’est légèrement en dessous et plus confortable que l’allure « seuil » (ou I4), qui est l’intensité adoptée sur un contre-la-montre court (et que l’on détermine sur un test de 20 mn). Notons que plus vous êtes naturellement endurant ou entrainé en endurance, plus la puissance à I3 est élevée par rapport à la PMA.

À partir de ces puissances en watts déterminées, l’exercice est relativement facile à calibrer.

Bref, à partir de ces puissances en watts déterminées, l’exercice est relativement facile à calibrer : vous commencez par quatre minutes à I3 (sans dépasser la puissance cible), vous enchaînez avec une minute à I5 (sans dépasser là encore la puissance de votre PMA, car c’est toujours possible et tentant sur une minute, mais c’est l’explosion assurée après deux ou trois répétitions), puis vous reprenez directement avec quatre minutes à I3, etc. Jusqu’à neuf répétitions en tout, soit 45 mn d’effort.

La difficulté de ce type de séance quand vous maintenez bien les puissances cibles va croissante, pour se révéler très difficile en fin d’exercice. Au niveau du cardio, vous constaterez une dérive vers le haut : non seulement vous atteindrez votre fréquence cardiaque maximale lors des dernières répétitions à I5, mais surtout le cœur ne descendra presque plus lors du contre-exercice à I3, quand bien même vous maintiendrez cette intensité moyenne. Et c’est bien là toute la difficulté de gérer ce type de séance au cardio uniquement, à moins de se connaître parfaitement. Car si vous vous contentez de faire cette séance au cardio et en respectant vos zones théoriques qui correspondent à une fréquence cardiaque, vous êtes certains de chuter très nettement en termes de production de puissance au fur et à mesure de la séance. C’est aussi pour cela que l’on parle des intensités I5 et I3 car finalement les pratiquants les plus fins en termes de sensations peuvent aussi calibrer la séance par rapport à leur ressenti. Si vous comptez réaliser ce type d’entrainement uniquement sur home-trainer pour les raisons évoquées plus haut, attention à déterminer avant les puissances requises sur ce type d’appareil. En effet, la PMA sur home-trainer se situe en dessous de celle qui est réellement constatée sur la route, pour un même niveau de difficulté ressentie. Parce que sur un home-trainer il n’y a jamais les mêmes frottements que sur la route.

VOIR AUSSI : Huit séances d’entrainement sur home-trainer

 

Le Gimenez en extérieur

Heureusement, il est possible d’adapter cette séance sur la route, pour réduire au moins en partie la sensation de difficulté psychologique, tout en produisant des résultats similaires. L’idéal pour cela, c’est de grimper un long col avec une pente autour de 6/7%. L’allure à adopter à I3 est assez facile à déterminer si vous grimpez régulièrement en montagne. Restez assis et relativement souple pendant les quatre minutes à I3. Puis, baissez deux dents et montez en danseuse sans vous rasseoir pour la minute à I5, comme pour simuler une attaque. Avant de reprendre votre rythme en souplesse mais assez soutenu à I3 et ainsi de suite. C’est exigeant bien sûr, mais plus ludique que sur le home-trainer. Et beaucoup moins usant mentalement, surtout si vous devez répéter ce type de séance.

Ce qu’il faut retenir, c’est que vous pouvez adapter la séance dite de Gimenez selon votre niveau ou votre expérience.

D’autres variantes existent comme par exemple si vous avez la chance de pouvoir rouler derrière un derny ou un scooter. Il faut pour cela se caler dans le sillage de l’engin à une allure rythmée à I3, et toutes les quatre minutes, monter à la hauteur du scooter pendant une minute (et donc ne plus bénéficier de son sillage). Ce qu’il faut retenir, c’est que vous pouvez adapter la séance dite de Gimenez selon votre niveau ou votre expérience. Comme par exemple en ne reproduisant que six ou sept répétitions plutôt que neuf, ou en allongeant légèrement le temps du contre-exercice. Tout est possible, et même si les effets sont théoriquement moins bons que le modèle original, l’important pour progresser est d’avancer par étapes et avec au moins la volonté de bien faire.

L’intérêt de la séance de Gimenez
 

Pour Yoann Offredo, coureur professionnel : « Le Gimenez simule les fins de course, quand je participe aux relais en tête de peloton pour emmener un sprint. Le moment à I3, c’est l’intensité élevée dans les roues quand ça roule à plus de 50 km/h. Et le moment à I5, cela simule la durée de mon relais en tête de peloton. J’ai beaucoup travaillé le Gimenez sur le home-trainer, pendant plusieurs années. Il n’y a pas beaucoup de questions à se poser. Il me suffisait de connecter mon SRM à l’ordinateur relié au home-trainer, et ne regarder que les courbes de puissance. Cependant, l’inconvénient du home-trainer, c’est la transpiration excessive durant la séance, et donc la perte importante de sels minéraux si l’on fait ce type de séance trop souvent. C’est pour cela que j’aime aussi faire cet exercice derrière scooter. Au final, le but est toujours d’améliorer la puissance à PMA. »

 

Quand placer une séance de ce type ?

Vous risquez de vous fatiguer physiquement et mentalement si vous répétez trop souvent ce type de séance. Une séance de Gimenez se réalise d’abord lorsque la condition physique de base est déjà correcte. Ensuite, elle est à réaliser à distance des compétitions, c’est-à-dire après avoir récupéré de la course précédente, et en ayant suffisamment de temps pour récupérer après la séance (au moins 72 heures).

-> VOIR AUSSI : La surcompensation, récupérer pour progresser

De plus, des sorties de récupération active ou d’aérobie pure doivent être intercalées entre chaque séance de ce type. Enfin, il ne faut répéter ce type d’exercice que ponctuellement dans l’année, par périodes entrecoupées d’autres périodes visant à développer d’autres qualités. Idéalement, vous pouvez programmer une séance de ce type en début de saison une fois par semaine (le mercredi par exemple) si vous pensez manquer de rythme, pendant quatre ou cinq semaines. Vous pouvez également placer une séance le week end, si vous ne courez pas. Mais pas plus, au risque d’obtenir un effet inverse à celui escompté.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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